•  
  •  
EDITORIAL ECONOMIQUE
  
LA RENAISSANCE DE L’AFRIQUE NOIRE

PROLOGUE 


 Les transformations de l’économie continentale se  sont exercées en lien avec les anciennes puissances coloniales qui ont  déterminé  la manière dont le continent noir s’est inséré dans la  mondialisation .  Toutefois, si les rapports commerciaux avec les pays européens  restent prépondérants, les pays émergents  ont joué  un rôle croissant dans les économies africaines .  D’autres évolutions notables   sont à noter  comme le désendettement progressif de la plupart des Etats et le retour notoire  de la classe moyenne sur l’échiquier  économique, politique et surtout social .

LA DETTE  METAMORPHOSEÈ DU CONTINENT  AFRICAIN …

En effet, après une phase d’endettement prohibitif,  entre 1970 et  1990, les pays africains avaient mis  à profit la hausse des cours  des matières premières pour assainir leurs finances  publiques . Cependant, ils font face  aux fonds  vautours .  Afin de satisfaire  leurs besoins en matière de développement , qui n’ont pas  diminué la nécessité d’emprunter de nouveau sur  les marchés  des capitaux .

Par ailleurs, dans  l’euphorie  des  fausses indépendances , gagnées  dans les années  1960, les pays sub-sahariens  voulurent rompre  avec  une division internationale du travail qui leur  assignait le rôle d’exportateurs  de matières  premières et d’importateurs  de biens manufacturés .  Ils s’attelèrent donc  à diversifier  leurs économies par l’industrialisation et le renforcement de leurs  capacités productives .  Cependant, ils se heurtèrent à plusieurs  difficultés , à savoir : à l’exception de l’Afrique du Sud et la Rhodésie (actuel Zimbabwe ), naguère  gouvernés  par une minorité  blanche . Aucun autre pays africain n’avait accès  aux marchés internationaux de capitaux , faute du sésame  délivré par les agences   internationales  de notation financière .

Ils  étaient donc obligés  de faire appel  à des fonds privés de garantis par des Etats , aux fonds  bilatéraux  accordés  par le Club de Paris et le Club de Londres .  Ils ont aussi fait appel aux fonds  multilatéraux  prêtés à des  Organisations internationales tels que :  Le Fonds  monétaire International (FMI), Banque Mondiale (BM), et la Banque Africaine .

En même temps, les recettes  des exportations  sur  lesquelles comptaient investir se rétrécissent  comme une peau  de chagrin , en raison de la chute du cours mondial  des matières premières . Principalement , les produits agricoles , dont  l’indice, passa de 155, en 1977,  à  94, en 2002 .

Quant aux coûts de leurs importations, eux,  augmentent sans cesse. En effet, en 1979, la hausse des taux d’intérêts par  les Etats-Unis , décidée unilatéralement pour lutter la dépréciation du dollar, acheva de faire exploser la  dette du continent .  Un Continent  victime de toutes  les prédations et  les spéculations en tout genre .
Pour assainir leurs comptes, les pays africains se tournèrent , à nouveau, vers les institutions  financières internationales . Celles-ci leurs administrèrent leurs « médicaments-tueurs » , en l’occurrence les « ajustements structurels « (PAS) –lesquels imposèrent la dérégulation financières suivie par sa cohorte de privatisations , de réductions  de salaires , de compressions budgétaires etc…  Ces programmes sont multiples , prescrivant  la même « potion magique «  - « libre-échangiste libérale « . Il s’agit  du baiser  de la mort  de l’Europe  à l’Afrique *.

Par ailleurs,  au titre  de l’initiative « pays pauvres endettés (PPTE) » , lancée en 1996, trente-six pays , dont  trente africains, avaient  bénéficié  d’un allègement total  de 76 milliards de dollars , du service  de leurs dettes bilatérales et multilatérales .  Néanmoins, selon le Comité  pour l’annulation de la dette du tiers-monde, (CADTM), ces mesures sont un trompe-l’œil  car le stock de la dette  sub-saharienne est passée de 2 milliards de dollars , en 1970 à 331 milliards , en 2012.  Les remboursements effectués se sont élevés à 435 milliards  de dollars , soit  200 fois  le capital initial emprunté (2 milliards de dollars ) …**

De surcroît, les pays africains affrontent encore les fonds d’investissement baptisés «  fonds  vautours «  . Ceux-ci   achètent à un vil  prix , des dettes bradées sur le marché secondaire des créances dues par des Etats en difficulté .  Ils attendent ensuite  le retour de ces pays à  meilleure fortune ( fin de troubles  politiques , par exemple), puis , ils les traduisent devant les juridictions  des  Etats-Unis et du Royaume-Uni), pour le recouvrement des dettes et  arriérés  de remboursement  des intérêts .  Une  première vague avait  laminé l’Afrique  entre  2000 et 2008, année  de la crise financière mondiale.  Le nombre  exact  d’attaques  reste difficile à chiffrer , car pour ne pas affecter  leur image, les Etats préfèrent éviter  la médiatisation et négocient avec les fonds vautours, en marge  des tribunaux .

Selon le Fonds  monétaire international (FMI), , dix-sept procédures seraient engagées contre des pays pauvres très endettés , dont quinze, à  l’encontre de pays africains .  En effet, en avril 2014, une décision de la Cour d’Appel des Etats-Unis, , pour le 9ème circuit avait  donné raison à la République Démocratique du Congo (RCD), contre  FG  « Hemisphere «  Associates , qui réclamait 104 millions de dollars à la RCD, autour  d’un contrat de fourniture d’électricité  impayé . 

Certes depuis la crise financière de 2008, les fonds vautours se sont retournés  vers les marchés  européens , mais ils n’ont pas , pour autant, quitté  l’Afrique . En 2010, la BAD, avait créée la Facilité  africaine de soutien juridique (FASJ), afin d’accompagner  les Etats africains  dans la gestion de leur endettement .

En effet,  deux évènements  suscitent à  la fois , l’espoir de développement et la crainte de l’endettement . D’abord,  la présence de plus en plus affirmée , sur la scène africaine des pays émergents en phase d’industrialisation  rapide comme  la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, la Malaisie , la Turquie  et le Brésil .

Par ailleurs, depuis les années 1990,  les importations des matières premières et les exportations  de leurs produits  à meilleur prix, est  un réel  bénéfice  aux pays de la région. Cela  élargi  leurs options de croissance économique et leur avait permis de réduire  leurs dettes, grâce à l’accroissement de leurs recettes d’exportations .
C’est ainsi  que le Nigeria , première puissance  économique  du continent , avait pu, en novembre 2005, racheter  douze milliards de dollars , sur  les 18 milliards  qu’il devait  aux  créanciers du « Club de Paris ». En 2009, l’Angola est devenu  le premier partenaire commercial africain  de la Chine .  Pékin avait annulé la dette angolaise  de 67,8 millions  de yuans (10 millions  de dollars) et supprimé les droits de douanes sur  les importations  de 466 catégories de produits en faveur de Luanda . La carte des investissements chinois recouvre  celle des ressources naturelles précieuses :  le Soudan, l’Angola , et  le Nigeria pour le pétrole, l’Afrique du Sud, pour le charbon et la platine, la RCD et la Zambie , pour le cuivre et le cobalt .

Si l’engagement de Pékin  ouvre des possibilités , il fait aussi courir d’énormes risques au développement africain. Les  Chinois ont pris le contrôle de certaines industries locales, acquérant ainsi du même coup les quotas d’exportation des produits africains comme le textile .  Pékin étudie le marché de l’Ethiopie , dont les exportations de textiles avaient crû de 257%, en dix ans.

De même le modèle  de coopération adopté consiste à amalgamer en un paquet combinant investissements directs (IDE), prêts concessionnels (comprenant 35% de dons), commerce et aides  publiques . Sans  clés de répartition , il n’est toujours  pas possible  de déterminer si les prêts  concessionnels  sont inclus dans l’encours  de la dette , ou  font partie intégrante  de l’aide ?  Compte tenu  du volume  important  des prêts  de ce type,  l’’inquiétude grandit quant au fardeau  du futur de la dette , si dans l’optique  chinoise , les prêts concessionnels n’étaient  assimilables à de l’aide ?

Par ailleurs,  l’ouverture  à l’Afrique des marchés  des capitaux représente un événement sans précédent .  Plusieurs pays  avaient  obtenu la notation  financière attribuée par les Agences  de notation spécialisées : Congo Brazzaville, Côte d’Ivoire, Ghana, Kenya, Mozambique, Ouganda , Rwanda, Sénégal et Zambie notamment .Cette note s’est révélée , dans la plupart des cas, supérieure ou égale à des notations , aussi industrialisées  comme  le Brésil, l’Argentine ou la Turquie  (…) Sic !

En effet, l’intérêt des investisseurs internationaux pour les marchés africains s’est accru, ces dernières années . Ils  considèrent  la plupart  d’entre eux comme des  marchés intermédiaires  à haut rendement . Les investisseurs  institutionnels  nationaux – tels que  ,  les banques , les sociétés  d’assurances ou les caisses de retraites . A  ceux-ci  s’ajoute  les investisseurs privés  qui s’activent en masse .

Par ailleurs,  depuis 2007, des pays comme le Sénégal, le Gabon, le  Ghana  ont levé des millions de dollars , sur le marché des capitaux – respectivement 200, 1000,  et 750 millions de dollars .  La tendance  s’est amplifiée  ces trois  dernières années .  Le  Kenya avait lancé  un emprunt  obligataire ( c’est-à-dire  émis par l’Etat ou des investisseurs institutionnels ), de vingt milliards de dollars , pour la construction  d’un second port, d’un gazoduc, de deux  kilomètres  et d’une route  pour le transport du pétrole, à partir du Soudan du Sud.

En Ethiopie, le barrage de la renaissance, avait été financé grâce à des tiers  sous forme de titres souscrits, par les Ethiopiens eux-mêmes . Parmi les africains  qui ont attiré les capitaux privés, par l’émission d’emprunts  obligataires, figure  le Rwanda, dont la banque centrale ayant émis ses premiers emprunts , en dollar, en 2013.

Selon l’indice  Bloomberg, les investisseurs y ont obtenu un niveau record de rentabilité  de l’ordre de 9,3%, ce qui est supérieur aux 6,6% générés par les marchés des émergents .  

LES GOUVERNEMENTS DOIVENT SE MONTRER PRUDENTS ET ATTENTIFS !

Selon l’Agence  de notation  « FITCH », les émissions des dettes souveraines des Etats  sub-sahariennes avaient atteint  six milliards  de dollars en 2015, après un record de 6,25 milliards, en 2014. Le Kenya , la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Sénégal envisageant de lever  1,5 milliards de dollars et d’euro-obligations sur les marchés internationaux  des capitaux . La Zambie est venue, le 7 avril 2015, solliciter , le marché international  des capitaux, pour  1 milliard de dollars .

Cette recrudescence d’emprunts  peut faire  redouter une nouvelle crise de dettes  . « Les gouvernements devraient se montrer attentifs et prudents afin de ne pas surcharger leurs pays de  cette  dette publique «  , avait  alerté la directrice  du FMI, madame Christine Lagarde , avant de préciser  que si  cela  représentait « un financement supplémentaire », c’est aussi une « vulnérabilité supplémentaire «  , relatait le « Les  Echos » du 30 mai 2014.

Par ailleurs, le risque  de surendettement reste toutefois limité . Les finances  publiques du Continent  se sont améliorés dans les cinq pays  de la région ( Bénin, Burkina  Faso, Côte d’Ivoire, Guinée – Bissau et Togo) qui affichent  même des excédents . L’inflation est maîtrisée , les réserves  de devises étrangères  et l’épargne ont augmenté , la dette extérieure est réduite.   Ainsi pour le gouverneur de la  banque centrale des Etats de l’Afrique  de l’Ouest  (BCEAO) « Les perspectives de croissance de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine , sont favorables . Elles montrent  que rester stable dans l’ensemble  des Etats membres « .

En effet, les pays de  UEMOA avaient émis, en 2015 2865 milliards  de Francs CFA, soit  4,4 milliards d’euros de  dette  .  La   BCEAO, prévoit une croissance  de 7% , dans la sous-région , contre 6,6% , en 2014, alors que le FMI, table sur 5,8% , pour l’ensemble  de l’Afrique  sub-saharienne , en 2015.

Pour mobiliser les fonds nécessaires aux investissements massifs  dont ils ont  besoin, particulièrement dans l’agriculture, l’énergie, et les infrastructures , les gouvernements africains , les sociétés publiques et privées recourent  de plus en plus, aux emprunts sur les marchés des capitaux . L’investissement public demeure  essentiel à un rattrapage économique , désormais  mis en place dans les politiques nationales .

LA GRANDE BATAILLE  POUR L’ECONOMIE NUMERIQUE

Fibre optique, téléphonie mobile, câblage numérique, le marché  du Continent noir se développe  dans le cadre  d’une féroce concurrence mondiale . Les  groupes européennes  et américaines , qui s’affrontent  depuis plusieurs années , voient désormais  émerger  la concurrence  d’entreprises  asiatiques, mais aussi  africaines .

Les acteurs  des  technologies de l’information et de communication (TIC) avaient  bien  mesuré  l’enjeu  que constitue  le continent africain . Un espace qui connaît une expansion  démographique  très rapide ( environ  4,5 milliards d’habitants, prévus, en 2030) et une forte croissance économique de plus  de 5%, en moyenne .   En ce qui concerne  les TIC, les chiffres se révèlent  aussi alléchants : le taux de pénétration du téléphone mobile dépasse les 80%, la fibre optique  est en cours de déploiement . De nouveaux acteurs  apparaissent , notamment en Inde et en Chine .

En effet, de nombreux  opérateurs télécoms  et équipementiers  locaux (le Sud-Africain  MTN, l’Egyptien  ORSACOM, etc.) ou  internationaux  (le Français  Orange, devenu –SALT, le Britannique Vodaphone , l’Indien  Baharati, Airtel, le Franco-Américain  Alcatel –LCENT) investissent en Afrique, notamment dans le câble  sous-marin et la fibre optique . Ils sont également présents  sur les réseaux mobiles où la concurrence  est très rude. On voit aussi apparaître  des marques africaines avec de nouveaux produits comme « ELIKA » - « ESPOIR en LINGALA », une langue  locale d’Afrique  centrale .

Il faut reconnaître que le premier smartphone  africain, avait été crée par un jeune ingénieur  Camerounais , M. A. Z. , ayant crée « CARDIOPAD », une tablette qui permet des examens cardiaques à distance .  Quant au Béninois , A.C. , président de l’entreprise GRECO, il se fixa  un objectif : « équiper tous les étudiants Ouest-Africains avec  des ordinateurs  -OPEN AFRICA «  .

Par ailleurs,  si les acteurs des TIC visent l’ensemble du marché, nous observons des combats concentrés  au tour  des points  stratégiques , comme le  marché nigérian (77,7  millions  de clients uniques ), L’Egypte, (44,6 millions ), et l’Afrique du Sud (36,4 millions), mais aussi des cibles spécifiques comme le marché des « smatphones »  et la fibre optique .

 En ettet, le marché des télécoms  mobiles est l’un  des plus lucratifs : 48,5 milliards d’euros . Les forces engagées  sur ce juteux marché  sont nombreuses :  MILLICOM (Suède,  SALT ex-Orange, Vodaphone (Grande Bretagne), ZAIN (Inde), ETISALT (EAU) et sa filiale  MOOV…

Par ailleurs, le succès  de la société kényane  de transfert de fonds (M. PESA), avait orienté l’ensemble  des opérateurs vers le développement des solutions de monnaie électronique .  Tel Orange  money , ou Aairtel money .  Mais aussi , on voit poindre  une offensive  africaine  portée par les sociétés comme  TELECOM et  MTN (Afrique du Sud), ORSACOM ( Egypte), MAROC TELECOM(Maroc), DJEZZY & MOBILIS( Algérie ), GLO, (NIGERIA), et LIBRECOM (Bénin).  Notons, toutefois, que malgré  quelques succès , les opérateurs africains ont souvent du mal  à faire la concurrence  à des géants mondiaux .

En Afrique, et au Proche-Orient, le réseau de la fibre optique  devrait passer de 18 à 32 millions de kilomètres  à l’horizon de 2018.  Soit une hausse de 80%.  Il s’agit  d’un marché porteur , disputé  âprement  par des  équipementiers  de grosses pointures ( Le Chinois  Huawi, le Suédois  ERICSON, le Français  SAGEM), autour desquels gravitent les cabinets  d’études et des entreprises  de génie civil .  Ici, les entreprises africaines, se sont engagées  dans la bataille : Maroc TELECOM, ( Maroc) ; ( SONATEL(Sénégal ) .  Face  à la fibre optique, est apparu  le polyvalent  « Wirelees Communication Systems « (PCWS) , systèmes  de communications générale ( téléphone, télévision , Internet(, sans fil , doté  de capacités  comparables à celles de la fibre optique , pour un coût , jusqu’à 10  fois  inférieur .  Reste  à convaincre les décideurs  africains . Quant au secteur acquisitions, il donne son plein sens  au mot bataille .  Dans le domaine de la musique, par exemple, « VEROD CAPITAL », déjà  détentrice de « SPINLET », avait  racheté peu à peu  ses locaux.  « SUNIL BAHARATI Mittal » avait  acquit , en février   2010, pour plus de 10 (dix) milliards de dollars la plupart des actifs africains  du Koweitien  «  Zaïn , qui lui  permet  de prendre pied sur  le continent africain . 

Toutefois, la stratégie et les circonstances requièrent souvent des  alliances et des compromis . En effet, pour répondre  aux appels  d’offres liés  à l’installation et à l’exploitation de la fibre optique, les opérateurs s’organisent en consortiums .  C’est le cas  du réseau « AFRICA  COAST TO EUROPE », lancé par Orange, actuellement « SALT », en 2012, et qui  avait associé  dix-sept opérateurs .  Ce type de partenariat est souvent technique .  En effet, le géant  informatique  américain , s’est par exemple  associé  à l’équipementier  chinois « HUAWEI » , pour  lance  «  4 AFRICA », un téléphone multifonctions bon marché , destiné pour l’Afrique .  Par ailleurs, s’associer  se révèle souvent décisif  dans la stratégie  de diversification  des produits .  Par exemple, grâce  à un partenariat  entre «  AIRTEL «   et «  RADIO France INTERNATIONALE  «    (RFI), qu’avait été lancé  « RFI MOBILE « , un  nouveau service  permettant à la clientèle  d’écouter  la radio  et recevoir  les  «  Alertes info «  par SMS .

TELEPHONES INTELLIGENTS A MOINS DE  100 DOLLARS !

Des sociétés  asiatiques font valoir de leurs côté un certain  nombre d’atouts : Des technologies simples et solides, donc bien adaptées aux besoins du Continent noir , et des coûts  de production extrêmement  bas .  A cela  s’ajoute  de nombreuses  facilités bancaires .  Un  bémol, s’impose, toutefois, ces entreprises  sont accusées de ne pas respecter  les droits  humains et  sociaux  (…) !

De toute façon, quelles  que soient,  asiatiques  ou occidentales , les multinationales des  TIC,  saisissent  la justice  pour contrecarrer  la concurrence . Ainsi  «  ETISALAT » avait  saisi la justice nigériane  pour casser  le privilège  accordé  à «  MTN », (une réduction  de 30% du tarif  d’appel sur  le « hors réseau «  , rendant les tarifs  de «  MTN » , plus avantageux  pour  les consommateurs .

Cependant, le plus souvent, ce sont les acteurs étatiques  qui se servent  de l’arme juridique pour ramener  au droit  chemin , certains opérateurs égarés .  En 2011, au  Bénin, la Cour Constitutionnelle  du pays, avait mis ainsi , en demeure « LIBERCOM et GLO » , de se conformer  à l’obligation  de couvrir tout le territoire national .

Enfin, en se positionnant sur le créneau  des prix bas, GOGEL, avait lancé ,un téléphone intelligent , de moins de 100 £, pour les pays émergents .  La réponse de Microsoft , ne s’est fait pas attendre :  il  propose  des appareils à 70 £.  (Zaïn –Koweit ), avait mis en place  un systéme  qui permet d’effectuer des appels et d’envoyer  des messages au tarif local .  Qui dit mieux ?  L’avenir nous  le dira …Peut-être un jour !



TERRES VOLEES, PASSIVITE INTERNATIONALE  FLAGRANTE …

C’es en Afrique  que le mouvement  mondial d’accompagnement  des terres est  le plus violent  .  En effet , profitant de la faiblesse ou la complicité des gouvernements locaux, les multinationales  des pays émergents s’approprient indûment  de vastes surfaces agricoles . Une fois encore, la Banque mondiale se fait l’agent  d’une spoliation  des  populations .

Parmi les causes  du  fléau de la faim  en Afrique , se trouve les investissements fonciers qui visent à établir des cultures vivrières et énergétiques, à une grande échelle où  la terre arable demeure  disponible .  Leur ampleur est édifiante  . Quarante  millions  d’hectares de terre  , soit environ  six fois plus que la moyenne des années  précédentes, auraient changé de main en 2009  . Selon  le Land Matrix Project, un groupe international  de surveillance  des acquisitions  importantes de terres étrangères , 203 millions d’hectares de la planète (huit fois  la taille de la Grande Bretagne) sont passés sous contrôle  étranger  entre 2000 et 2010, via des ventes ou locations  de longue durée.  L’Afrique compte à elle seule 134 millions , soit l’équivalent  du Tchad . Il est certes  malaisé de distinguer  les projets  envisagés  de ceux décidés , ou plus ou moins engagés , tant les entreprises  et les Etats  rechignent à livrer leurs  chiffres .  Même la Banque mondiale (BM), affirme avoir eu les plus grandes difficultés  à obtenir  des  informations  fiables, au point qu’elle s’est  appuyée sur  des données – très  alarmantes – diffusées par l’Organisation  non gouvernementale (ONG) »Grain « , pour rédiger son rapport sur la question . Rapport paru , en septembre 2010 . *

A priori, ces achats de terres cadrent bien avec  le discours de la Banque mondiale (BM), après  la crise financière de 2008 .  Elle estime  que tout apport  de capitaux extérieurs  dans un pays souffrant de déficit d’épargne  favorise son développement ; donc les investissements privés dans l’agriculture , contribuant ainsi  au développement national  et à la lutte contre la pauvreté , exigence morale  du XXIe siècle . On note d’ailleurs que la Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale (BM), joue un rôle majeur dans la promotion  de tels investissements .

Cependant, ces dynamiques embarrassent  aussi l’institution qui, en dresse un bilan édifiant , confirmant les nombreuses dénonciations  des ONG(Organisation non gouvernementale (. Ces critiques portent  d’abord sur l’argument d’une exploitation plus rationnelle , donc plus productives   des terres jusqu’alors sous-exploitées .  A cette  fin , un ensemble  de techniques  modernes  devrait être mis en œuvre , qui combine un recours  aux engrais chimiques , motorisation , aménagement  d’irrigation , cultures de pures variétés  à   haut rendement obtenues par hybridation ou, mieux , par modification génétique .  Mais l’application indifférenciée  de ces techniques  fragilise  les  agrécosystèmes , qui ne doivent souvent leur fertilité  qu’aux pratiques agricoles  et pastorales de préservation .

C’est ensuite, sur le plan social  que se concentre le feu des ONG, justifiant le terme d’accaparement .  Trois types de spoliation se dégagent : soit  les investisseurs soutenus  par les pouvoirs  publics  déclarent les terres sous-exploitées  par les populations , voire  perdues  pour l’agriculture  - le mythe d’un « jatropha « faisant  reverdir le désert ; soit ils profitent du flou  des règles foncières  en immatriculant  des parcelles  qui faisaient auparavant  l’objet de « simples «  droits  coutumiers , avec la complicité des autorités locales ; soit on mobilise l’ancienne rhétorique des nécessités du développement et sa  violence légitime .  Il s’agit alors de passer d’une agriculture familiale «  archaïque «  à une agriculture modernisée, malgré quelques  coûts  sociaux à termes .  Pour les populations concernées , cela  signifie une perte sèche  de moyens d’existence, du fait  d’un moindre accès foncier  et à l’eau ,  marginalisation , vulnérabilité alimentaire .

Mais , contrairement aux espoirs des théoriciens libéraux et aux  promesses des investisseurs, ces inconvénients  ne constituent pas de « simples coûts  de transition » vers un avenir meilleur .  En effet, de l’aveu  même de la Banque mondiale (BM), les retombées économiques  sont très limitées  .  On assiste , au contraire , à une  destruction  nette d’emplois  liée  au remplacement  des agricultures  familiales, mobilisant  prioritairement l’énergie  humaine , par des systèmes «  latifundaires « , fondés , justement , sur la réduction du facteur  travail .  En outre, ces enclaves agricoles « modernes »  soutiennent peu  le marché local, dans la mesure où  elles recourent à l’importation d’intrants .

Enfin, elles  ne contribuent pas  à l’autosuffisance  alimentaire, puisqu’il s’agit avant tout  d’exporter .  L’Ethiopie , où sévit actuellement la famine est aussi l’un des pays  les plus prisés  par les investisseurs fonciers étrangers, principalement chinois . Depuis 2008, 350'000 hectares  ont été alloués par le gouvernement .  Selon OKLAND INSTITUTE , en 2011, au moins 2 millions  de propriétaires  identifiés – ont d’ores et déjà été transférés à des investisseurs .

DU VOLONTARIAT, PLUTÔT QUE DES REGLES CONTAIGNANTES !

Comment  concilier, ce qui semble inconciliable ? D’une  part l’idiologie du marché  et l’investissement libre , d’autre  part la réduction de la pauvreté , qui passe par un soutien  aux agricultures  familiales . La difficulté  pourrait être levée , pensent les organismes  internationaux , en appelant à investir  de manière  responsable .   La Banque mondiale (BM), l’Organisation  des Nations unies pour  l’alimentation (FAO), la Conférence  des Nations unies pour le commerce  et le développement (CUNUCED) et le Fonds international  de développement agricole  (FIDA), ont ainsi dicté, en septembre 2014, « les principes pour  un investissement  responsable  dans l’agriculture  et les systèmes alimentaires «  . Il s’agit  de dix  principes  agrées par le Comité  de la sécurité alimentaire  mondiale (CSA)  .  Mais ces principes demeurent  dans la lignée des politiques libérales  admises  par presque tout le monde . Sauf, moi dirais-je , qui n’adhère pas  à cette politique kleptomane .

Ainsi les problèmes  sont d’abord vus comme les conséquences d’un manque de  transparence , de défaillances locales  - Etats  et lois , très faibles pour agir en conséquence –qui s’ajoute  à une insuffisance chronique  de consultation  de  la population rurale , objet de toutes les réprimandes , allant  du châtiment corporel, à l’expropriation  pure et simple . 

De même les correctifs  préconisés sont de l’ordre du volontariat . Il est donc question de créer des labels et  des codes de bonne conduite , mais  aucun de ces cas  de réviser ou rétablir  les règles , régissant les investissements , étranger ou non , ou de s’appuyer sur  un texte  contraignant .  On compte d’avantage sur les capacités d’autorégulation  des marchés  que sur l’action politique .

Par ailleurs,  selon de nombreuses ONG, tels appels à la  responsabilité ne constituent  qu’un écran de fumée .  Cette critique  prend plus  de consistance encore face à l’imbrication  parfois  étroite des intérêts  des  entreprises et ceux des Etats .  Ce ne sont donc pas  seulement aux entreprises d’investir de manière responsable , mais aussi les Etats , qui tantôt soutiennent les projets privés, tantôt investissent eux-mêmes , via des fonds souverains .  On peut  alors douter  de la portée d’appels  aux « bonnes  pratiques « , l orsqu’il est question  de sécurité  - alimentaire et énergétique-nationale  .

Bien loin de telles critiques, la Banque mondiale (BM), propose donc, un argument assez proche de celui développé après  la crise financière , à la fin des années 2000 : d’avantage de transparence  et d’éthique , et, les vertus  des marchés  pourront pleinement s’exprimer .  En somme, laissez le marché s’autoréguler et surtout  pas de contraintes !  Non seulement ce modèle  de développement agricole  a échoué lamentablement , mais il n’a pas apporté  de résultats  tangibles .  Quant à l’essor  des marchés fonciers, il   reste problématique  et sans issue .

Une conclusion  devrait alors logiquement  s’imposer :il  convient de soutenir les petites et les moyennes exploitations , leur assurer l’accès  au crédit, aux marchés locaux , des recherches fondées sur les principes de la promotion de culture biologique qui respecte les fondements d’une écologie sociale . Ce qui n’est pas de loin  les préoccupations de la Banque mondiale (BM) qui persiste  à chercher une agriculture dite «  gagnant-gagnant « , chère  à la doctrine chinoise  .  C’est une façon  comme une autre d’espérer qu’une régulation ferme du marché foncier  sont instaurée de grée ou de force , faute de quoi, l’anarchie  régnera  et la loi du plus fort s’imposera .

CONCLUSION

Au terme de cet éditorial, nous tirons la conclusion suivante :  voilà  un Continent  qui renaît  de ses cendres après des siècles de servage, de colonialismes à répétition , d’’indépendances  biaisées et lapidation de ses richesses par ses gouvernants, souvent imposés par les néo-colonialistes de tout bord .  Heureusement,  ces  trois  dernières décennies , une  nouvelle génération de nouveaux décideurs  commence à reprendre  le pouvoir et les décisions justes qui s’imposent .  Une génération qui ne courbe plus l’échine devant  le dominateur du moment .  La route  de l’indépendance totale sera longue  et parsemée d’embûches , mais elle est déjà tracée par des ancêtres comme feu Nelson Mandela et suivie  par l’actuelle génération , celle de la connaissance  et  la maîtrise  des  technologies de pointe, dans tous les domaines, y compris  celui  de l’information  et les services  . Nous souhaitons à cette nouvelle génération , tout le succès  qu’elle mérite . Bon vent !










*Nations Unies – Commission pour l’Afrique – The African  Information  Society  (AISI ) Addis-Abeba 2008 ;
**Jean Baxter-Ruée sur les terres africaines – LE MONDE DIPLOMATIQUE –Janvier  2010 ;

REFERENCES :

  • MANIÈRE  DE VOIR  No 143 – Octobre-Novembre 2015 ;
  • Alain Nonjon  &  ARNAUD PAUTET : L’AFRIQUE .Nouvelles frontière  du XXIe siècle –Ellipsses , Paris 2015 ;
  • SYLVIE BRUNEL –L’Afrique est-elle bien partie ? ;
  • Editions Sciences humaines , 2014 ;


DR BEN ABDALLAH MOHAMED ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE  EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE «  L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB ;
ENTRE LE POSSIBLE &  LE REALISABLE  « ;
EN LIGNE SUR NOTRE SITE INTERNET www.dr-ben-abdallah.ch ;
DEPUIS  LE  1er Mars 2009 ;

&

EDITORIALISTE-REDACTEUR EN CHEF  DU SITE www.dr-ben-abdallah.ch;
DEPUIS  LE 1er MARS 2009 ;
 DEMEURANT SIS  1202 GENEVE II ;


03/03/2016