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EDITORIAL  POLITIQUE  &    FINANCIER

L’UNION  EUROPEENNE AU BORD DE L’IMPLOSION

LE TRISTE CONSTAT

«  L’Europe était un investissement ,désormais, elle est vue  comme un bien de consommation ! »  C’est  le triste constat  que dresse  M. Mario Monti, ancien Président du Conseil italien (  premier ministre )  et ancien Commissaire  européen , qui dresse les traits  d’une Europe  égoïste, sans  reliefs qui avait perdu   en route  son esprit  rassembleur  « .

La question  qui revient souvent  sur le tapis : « L’Europe est-elle menacée  de désintégration ? »  Le danger  est cette fois-ci  est bien  réel, estime, l’ancien Commissaire européen .    Il dénonce la responsabilité  des politiques . Rappelant  au  passage que c’est lui qui avait  rendu  sa crédibilité à l’Italie  après des années d’errance de Silvio  Berlusconi .  Son gouvernement  de technocrates ( de 20 novembre 2011 à avril  2013) avait lancé les réformes  structurelles  que M. Matteo Renzi les  avaient reprises  à son compte .

Le risque  d’une  implosion  de  l’Europe marchande  existe réellement , dans  la moindre mesure, dès le  début des années 2000. Les signes  en étaient , le refus  des Hollandais et des Français  l’adoption du traité  constitutionnel .   Pour la première fois , on observait  des signes de fatigue  de l’intégration qui, d’ailleurs  n’a jamais  été la  première priorité  des Européens .  La crise économique  et financière , à partir de 2007, avait accru  les craintes  au sein des populations et donc  la nécessité d’être  protégé par l’Etat .  Un Etat  fédéral  qui n’existe pas encore  et n’existera jamais, si  on garde les statuts   actuels  de l’Etat-Nation .  On observe, dès lors  un recul de l’intégration  dans les faits .  Deux grands  facteurs  de tension se sont greffés :  la  crise financière  de l’intérieur de l’Euro-zone  et la crise  des réfugiés  et migrants .  Dans les deux cas, il y a eu  des reflexes  de retour  à la nation , au local, mais aussi, ce qui est néfaste pour l’intégration , de tensions  entre le nord et le sud  du continent .  Il est donc , bien possible que les forces de désintégration , dans la phase actuelle , l’emportent sur les forces de l’intégration .

Quant à ceux  qui veulent  sortir  de l’Union européenne, il  est impensable  de craindre une désintégration par séparation  du type Grexit, car  la Grèce  sortant  de l ‘Union  monétaire, ou  Brexit, le Royaume- uni , quittant  l’Union européenne.  L’un et l’autre  semblent  peu probables . Cependant  le risque réel  d’implosion , c’est à dire une situation où , un peu partout à travers l’Europe, se crée un écart entre les élites qui  ont porté le projet  européen et une part  toujours  croissante de la  population  qui se méfie.

En effet, la  principale inquiétude  demeure une modification de fonctionnement  des systèmes politiques nationaux et/ce  depuis plusieurs années  et cela  s’accélère .  Les personnes politiques et  les politiques mises en œuvre  ne s’inscrivent plus dans le  court  terme .   La  première victime  en est   l’intégration européenne , car, c’est la notion  la plus difficile  à expliquer .

L’implosion  est  comme par temps  de sécheresse, des  « caraquelures «  se forment  entre les pays  et les régions ,à  l’intérieur  des pays.  Même au niveau global , l’intégration est désormais en recul .

On assiste,  à phase de repli sur le national et le local  accompagnée d’un sentiment de rejet , voire d’hostilité   envers  la différence .  On a des signes  évidents de nationalisme, de populisme , y compris , aux Etats-Unis .  Mais    pour   les Européens , l’intégration  est un enjeu beaucoup plus grand .  Car pour le moment , il n’y a pas  beaucoup de Denis  de Rougemont . Lorsque les dirigeants politiques  se plaignent du fait qu’il n’a pas  assez de politique en Europe , qu’ils dénoncent la bureaucratie , de qui  parle-ton ? Le désarroi  de l’Europe  soit dû  au parlement  européen  ou de la Commission européenne . Ce n’est pas là  que se situe la crise .  Ni  dans les règles.  Le lieu politique de  l’Europe est le  Conseil européen , l’organe qui   prend   ou non les décisions  les plus importantes . Les 28  chefs d’Etat et de gouvernement qui  siègent  presque une fois par mois  à Bruxelles  se  présentent comme s’ils prenaient des décisions  dans l’intérêt général  de l’Europe .  Mais à  cause  de cette évolution  - du court-terme électoral , de la publication  du prochain sondage  d’opinion , il en ressort une cacophonie  des vingt-huit  non, pas en fonction d’intérêts nationaux – ce qui serait déjà  regrettable – mais d’intérêts  partisans.

En effet, jusqu’à il y a  quelques années, les dirigeants  des pays  allaient à Bruxelles en apportant leur  brique à l’édifice .  L’Europe  était un investissement . Désormais,  elle est  vue comme un bien de consommation .  Plutôt  que d’apporter  une pierre à l’édifice, on s’empare des briques, on désintègre  l’architecture , pour créer un consensus  national .  On entend dire qu’il faut retrouver  une combinaison  capable de  réunir  un dénominateur commun minimal  avec  des  systèmes politiques nationaux !   Seule Madame Merkel  est encore  à mi-chemin .

Quant à la rupture  de solidarité  inter européenne  elle est manifeste . L’europe  qui s’était  bâtie sur les ruines de la guerre  après  un vaste mouvement de réfugiés  du continent  va-t-elle  s’autodétruire  sur la question  des réfugiés ?

Ce qui est  paradoxal, c’est les  vieux  Européens  convaincus , disent que les jeunes générations ne peuvent plus ressentir  la même nécessité  de l’Europe  comme facteur d’élimination des guerres .  Mais  si on attend encore un peu, on va se rapprocher d’une situation , dans laquelle , hélas , on pourrait de nouveau apprécier le temps où l’Union européenne fonctionnait alors que, peut-être , elle  ne sera plus là .

Quant  à la possibilité   de la désintégration  de l’Union  européenne  , elle est  possible si  on ne déprogramme pas  le logiciel  actuel  .   Il est vrai  que l’Union  européenne  s’est construite par les crises . Cependant  on ne peut  que récuser le mécanisme intime qui semble cassé , à savoir  que les processus  dans les Etats  est le moins qu’on puisse dire  , manquent  de sérieux .

Par ailleurs, les politiques  économiques  d’austérité  ont montré  leurs limites . Dans la mesure  où  au lieu de créer des richesses à distribuer  en forme de travail, les Etats  créent des  dettes  .  Lorsque   un Etat  s’endette  pour  investir  à long terme , il crée des richesses,  par  contre, s’il s’endette pour faire  la consommation courante , il prive  la génération  suivante .
UNE POLITIQUE  MONETAIRE INEFFICACE    MINE   L’UNION EUROPEENNE

«  La panoplie  d’instruments déployée par  la BCE  pour soutenir l’économie  européenne n’a pas eu  les résultats escomptés «  .

M. Mario  Draghi,  , le gouverneur  de la  Banque Centrale européenne (BCE), n’y est  pas allé  de main morte , en  ce 21 janvier 2016 : par cette phrase «  Nous pouvons  agir sans limites «  , il  a encore  une fois prévenu qu’il était prêt à tout pour relancer  la dynamique de l’économie  européenne .  Mais  son engagement représente bien un aveu, en creux, que la BCE commence  à  douter  de l’efficacité  de sa politique monétaire actuelle, visant à relancer la croissance et  les anticipations  d’inflation  pour échapper  au spectre  de la déflation  ( une baisse autoentretenue  des prix  et de l’activité ) . Il faut dire que les chiffres  ne sont pas rassurants :  les prix  à la production  industrielle ont décru de 3%  sur  un an  à la fin de décembre  2015 dans la zone euro (de -07% , hors énergie). 

En effet,  dans ses dernières  prévisions  du 4  Février , la Commission européenne prévoit  un petit 0,5% d’inflation pour  la zone  Euro, en 2016 et une maigre  croissance à 1,7% .  Et les anticipations  de  hausse des prix  pour les années  qui viennent sont à la baisse et sous la barre des 2%  , qui représente  l’objectif de la BCE.  Bref, l’Europe  est loin   d’être sortie du risque de déflation .  pire encore,  pour  certains économistes, la politique monétaire  actuelle nourrit  une bulle spéculative qui pourrait nous éclater à la figure  d’un moment à l’autre * .

La bonne nouvelle , c’est que  Mario Draghi  en est conscient !  En effet,  pour la réunion  de la CCE du 10 mars, il  avait déjà annoncé qu’ « il  sera  nécessaire  de revoir  éventuellement  de reconsidérer  notre politique monétaire «  .  Revoir  et même reconsidérer  certes,  mais pourquoi  faire ?  S’il s’agit  de faire  la même chose qu’aujourd’hui mais  en plus grand, il y a peu de chances  que cela soit plus efficace .  D’autres chemins existent , plus buissonniers . Mais avant  de savoir jusqu’où s’étend le « no limit »  de la BCE, il faut comprendre  pourquoi  les outils actuels ne fonctionnent pas .

LE JEU DANGEREUX DE MARIO DRAGHI AVEC LES OUTILS FINANCIERS

 Rappelons-nous, en juillet  2012,  super  Mario, avait  calmé  les agitations des investisseurs  quant à l’avenir de la zone  euro , en indiquant qu’il était prêt « watever it taes « , c’est –à-dire , tout ce qui est nécessaire pour  la sauver ! Depuis, il agi par l’intermédiaire  de plusieurs instruments .  Il avait baissé le niveau  du taux directeur de la BCE ( celui auquel elle prête  de l’argent aux banques ) de 0,75% , en juillet 2012, à 0,5%, en juillet 2012, à 0,5%, en septembre 2014, niveau auquel il est resté depuis .

L’idée est simple : moins les banques emprunteront cher à la BCE, plus  le taux de leurs crédits  sera bas. .  Incitant  ainsi  les ménages  et les entreprises  à  emprunter  pour investir , ce qui  relancerait  l’économie .  La  Banque  Centrale utilise également  ce que les experts  appellent «    Forward guiance « , c’est-à-dire l’annonce à l’avance de l’orientation de moyen terme de sa politique .  La BCE  ayant ainsi indiqué  qu’elle laissera  son taux directeur à un niveau très bas  le temps nécessaire  pour a atteindre son objectif : remonter  l’inflation  vers 2% .
Par ailleurs, lorsque Mario Draghi, affirme qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir , ou encore  que ses interventions  sont limitées , il fait également  de la « Forward guidance « : il murmure  à l’oreille des banques et  des marchés , pour les rassurer sur le fait qu’il y aura de l’argent  disponible et pas cher pour longtemps ; qu’ils  n’hésitent  donc  pas   à croire  en l’avenir  et à financer  l’économie  (…)  C’est du Goldman Saches  tout craché    .  La crise de 2008  avait commencé  par  endetter  les pauvres pour les poursuivre  après , pour avoir faillis !

Autre instrument  utilisé, et déjà mobilisé par les autres Banques centrales ,  au Japon . aux Etats-Unis et au Royaume-Uni : le fameux « quantitative easing «  .  Cet assouplissement quantitatif consiste, pour la banque centrale , à acheter  des titres de dettes  publiques ou privées  en finançant  cette opération  par la création  de la monnaie .  Depuis 2015, la BCE achète  chaque mois  pour 60 milliards  d’euros  de titres financiers , essentiellement  des obligations émises par les Etats pour financer  leur déficit  budgétaire  ou pour rembourser leurs dettes  passées (…) , il s’agit  d’une titrisation  du néant .

Par ailleurs, Comme  la BCE  s’est engagée à procéder de la sorte jusqu’en mars  2017, elle va augmenter la quantité  de monnaie  en circulation , c’est-à-dire créer « ex nhilo » pour près  de 1'500 milliards  d’euros .  Avec cet instrument, la BCE  vise deux  objectifs . D’une part, elle met de l’argent  à  disposition , en espérant  qu’il finisse par se retrouver dans les  poches  des ménages et des entreprises  qui ont envie  d’investir  (…)sic !

D’autre part, en poussant  les taux d’intérêts sur les dettes publiques à la baisse , c’est à-dire, en les  rendant peu rentables , la BCE espère inciter les investisseurs  à financer directement  les entreprises en achetant des actions et des obligations .  En quelque sorte « c’est  le serpent  qui se mort la queue «  .

LE JEU   DANGEREUX   DE LA BCE  SUR LE TAUX DE CHANGE

Dernière arme  brandit  par le gouverneur de la BCE :  comme les banques  ont  tendance  à  être frileuses à l’idée  de prêter, elles préfèrent  garder leur argent au chaud sur  un compte  auprès  de la BCE.  Celle-ci a donc décidé  de ramener le taux de rémunération de ces dépôts  à  0% , en mais 2013 et  même à le passer en territoire  négatif , depuis  juin 2014, pour  finir  à  -0,30%, depuis  décembre dernier . En clair, la BCE taxe  les dépôts  des banques !

Elle en attend  que celles-ci  mobilisent cet argent , soit pour prêter  aux entreprises et aux ménages, soit de le placer sur  des titres  rémunérateurs  à l’étranger , où  les taux  d’intérêt sont plus élevés  qu’en Europe (Etats-Unis  et pays émergents ) .

Banquiers  et  investisseurs  vendent alors des euros pour acheter  des devises , ce qui pousse  la dépréciation de la monnaie  européenne . Ainsi souligne  M. P.A. Chef économiste de « Natixix  , sur les 800 milliards de baisse de réserves  de change de la chine , en 2015, la vente d’obligations  européennes  représente 250 milliards « .

Par ailleurs, les exportations  européennes , sont certes  poussées  par l’euro faible, mais sans effet suffisant sur l’activité .  De fait, la principale réussite de la « quantitative easing » tient  à son effet sur le taux  de change de l’euro , qui  s’est  fait sentir dès l’été 2014 . D’un côté cela rend  les produits européens plus compétitifs , et donc pousse  les exportations . Mais comme la croissance  mondiale n’est pas au mieux de sa forme, l’effet d’entraînement  sur l’activité  demeure  très faible .

De l’autre côté , cela accroît  les prix  des produits importés , ce qui  fait    nourrir des  anticipations d’inflation  pour l’avenir . Mais avec la chute brutale du prix du pétrole, les prix restent  tirés vers le bas .  De plus  « cette guerre des monnaies défensive » , selon l’expression de M. A. B. , chef  économiste chez Candriam, suppose que les autres devises , en particulier le dollar, acceptent  de s’apprécier et donc que leurs  économies  perdent en compétitivité , ce qui a  des limites , comme le montre  la quasi-stabilité  du taux ce change  de l’euro sur la dernière année .

La BCE  mobilise  toute une panoplie d’instruments  pour apporter son  soutien à l’économie européenne , avec pour objectif  que les banques  et  les investisseurs  financent l’économie  réelle  . Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que ça  ne  fonctionne pas très bien .  Certes, Mario Draghi, avait prévu, dès  2014qu’il ne pouvait  pas tout :  quand les Etats européens  suivent des politiques  d’austérité  et que les salaires et les investissements ne partent pas ,la Banque centrale européenne (BCE), à elle seule, ne suffit pas  à relancer le moteur . 

Pour autant, n’y aura-t-il pas , même  dans ces conditions , une politique monétaire plus efficace  pour soutenir plus directement l’activité ? La réponse est oui . Mais elle emmène la Banque Centrale européenne (BCE), vers des terrains inconnus , sur lesquels elle ne semble pas prête  à s’aventurer (…) !


REMEDE DE CHEVAL : LA BCE POURRAIT FINANCER DIRECTEMENT LES INVESTISSEMENTS OU LES MENAGES EUROPEENS ; UNE MESURE  POTENTIELLEMENT  EFFICACE ; MAIS PEU DEMOCRATIQUE …

Que peut faire le gouverneur  de la BCE, M. Mario Draghi , pour rendre  la politique monétaire européenne  plus efficace ?  La première voie  s’offre à lui consiste à en faire plus, mais  en continuant  à faire la même politique , qui somme toute  encourage l’immobilisme  qui a montré  ses limites supérieures .  Il peut  aussi rester  dans la même logique , mais en intervenant directement sur les marchés  des actions  et des obligations des entreprises . Ce serait  la dernière étape avant d’avancer vers la seule politique  monétaire qui serait  aujourd’hui  efficace : financer  directement  les investissements  ou même  les ménages  européens (…)  sic !

Deux  voies de garage s’ouvrent : si la Banque centrale européenne (BCE) se contente de suivre  la même politique en « plus grand » , il y a peu de chances  qu’elle  obtienne de meilleurs résultats  « l’efficacité  n’est pas nulle , mais ce sont les politiques à rendements décroissants «  , confie un ancien banquier central .  On se demande donc  à quoi servirait de diminuer encore un taux directeur , déjà pratiquement nul ? De la même façon, annoncer une nouvelle extension de la durée   du « quantitative  easing « ? La BCE ayant  déjà  eu recours, en décembre dernier, en prolongeant en septembre  2016, à mars  2017 .  Ou une hausse du montant des achats « d’actifs » en réalité  des dettes d’entreprises ou de ménages ,  de 60 à 80 milliards   par  mois  , créera plus  de monnaie , mais n’aura plus  d’impact demain qu’aujourd’hui  sur le  financement  des économies  de la zone euro .  En effet, taxer d’avantage  encore les dépôts des banques  avec l’instauration, un peu partout le taux négatif , les inciteraient à reprendre leurs billes pour placer  plus d’argent  à l’étranger , ce qui  contribuerait à affaiblir un  peu  plus l’euro .  Mais uniquement dans  la mesure où  les autres banques centrales , notamment  l’américaine (La FED), laisseront faire .

La BCE , pourrait alors  décider de financer  elle-même  les entreprises , en achetant directement  des actions ou  des obligations .  Ce qui  ne serait pas sans poser des problèmes .  En effet, les variations  d’humeur  des marchés  se  retrouveraient  dans le bilan de la  banque centrale .  D’autre part, les entreprises qui bénéficieraient  des achats de la BCE  verraient  leur coût   de financement réduit , mais pas les autres .

De plus, les marchés  des dettes privées , potentiellement  achetables demeure étroit , en Europe :à la fin 2015, le stock de la dette  des entités  publiques  dépasse légèrement  les 7'500 milliards d’euros , celui des entreprises  non financières  se  situe à  900 milliards .

Face  à ces difficultés , une autre voie  est  proposée par nombreux  économistes pour faire financer  directement l’économie  par l’argent  de la banque centrale .  Les soutiens à ce principe ont été nombreux  et pas les moindres :  de  Paul  Krugman,  à  Ben Bernake , l’ancien  patron  de la FED en passant  par Willem Buiter, l’économiste  en chef  , chez  Citigroup, et  à  Adair  Turner, l’ancien responsable  de la régulation  financière  britannique .  Sans oublier les grands anciens  de Keynes à  Friedman !

Concrètement,  deux chemins sont proposés :  soit un financement de projets  d’infrastructures  publiques par la création monétaire , soit une distribution directe d’argent aux  Européens .  Aucun des deux   n’est facile ., explique  l’économiste  Frank Van  Lerven  **.  Dans le premier cas, explique l’économiste  les  projets doivent  pouvoir  être  mis  en œuvre  rapidement pour être efficace  et leur échelle  doit pouvoir varier en fonction de la quantité de monnaie  que la BCE est prête à créer . 

Les montants affectés à chaque pays  devraient être décidés  avec les banques centrales nationales , mais la décision  quant à l’emploi  des fonds appartiendraient aux Etats , lesquels devraient  se fixer  un objectif de réduction  de chômage, par exemple. Cela  pourrait concerner , par exemple, un projet  européen d’économie  d’énergie.   L’effet macroéconomique  et écologique , seraient  direct , local  et  important .

Sinon , reste  la seconde solution  qui consiste  à utiliser  l’argent créer  par la BCE pour remplir les comptes  des banques  de chaque Européen et l’inciter  à consommer ou à se désendetter .  Ce qu’on peut résumer par le slogan «  Quantitative  easing for the people » ou »  assouplissement quantitatif pour le peuple « est  une opération comptable blanche (…) sic !

Nul doute  que la mesure serait populaire , cependant l’impact  macroéconomique serait  moins fort que dans le cas précédent , car une partie  de ces revenus supplémentaire  serait épargnée  ou dépensée en importations . De plus, pour être efficace, il faudrait  distribuer  d’avantage d’argent  dans les pays  les plus en difficultés et procéder ainsi à une forme de redistribution  des revenus  dans la zone euro, dont  la maîtrise  serait laissée aux techniciens de  la BCE …

« Cela aurait sans doute, sur le plan économique , mais ce n’est pas  à la BCE de décider qui doit  recevoir  de l’argent . Ce ne serait pas  démocratique «  , explique un ancien banquier central .  «  C’est une solution  ultime , mais  elle a peu de chance d’être  pratiquée «  .  Même de « Sans limites «  de Mario  Draghi n’a aucune chance  de convaincre  et  a bel  et bien  des limites . Elles sont autant démocratiques  qu’économiques .  Encore, un coup d’épée dans l’eau   .  Quels  gâchis !

LA MONTAGNE ACCOUCHE D’UNE PETITE  SOURIS GRISE !

 « L’assouplissement  quantitatif pour le peuple » ou   « Quantitative  easing  for people « demeure  somme toute  une gesticulation  de plus  dans la panoplie  des volte-face  de M. Draghi.  Quand  on demande  à une experte , économiste  de  l’Université  Princeton  et du CNRS,  Madame A.L D., ce quelle  pense des propositions  de M. Draghi,   de distribuer  l’argent  de la BCE   aux  ménages  ou financer  directement  les grands projets,  elle  reste  perplexe .  Si on arrive à ce genre de propositions c’est que  l’Europe  est engagée dans une période de stagnation séculaire ,  en d’autres termes , une tendance  de long terme à une productivité et  à une  croissance faible . Mais la politique monétaire seule ne pourra pas répondre à cette situation .  Proposer  que  la BCE  finance directement les projets  d’investissements  ou les comptes en banque des ménages , c’est vouloir faire  jouer  un rôle  politique budgétaire . Face à un choc  de croissance  qui touche plus la Grèce  et  d’autres pays, et moins l’Allemagne  et la France , on demande  à la politique monétaire  de remplacer les transferts fiscaux inexistants qui permettraient de répondre  à la situation . 

En l’absence d’une  alternative de coordination  budgétaire, il est parfaitement cohérent sur le plan économique  et écologique  que la BCE  crée de la monnaie pour financer, par exemple, un grand  projet de rénovation thermique des bâtiments dans une zone  bien déterminée .  Mais cela pose un  sérieux   problème démocratique :  la  décision de distribuer des financements  incombe à des parlements élus . Or pour être  efficace  , il faudrait  transférer l’argent allemand  et  du Nord de l’Europe  vers les pays du sud  de l’Union , qui sont loin de leur  potentiel  de croissance ou bien qui ont trop de chômage .

On  mettrait  donc en œuvre une  politique  de redistribution au niveau européen , dont les modalités  seraient déterminées  par les experts  de la BCE, sans  transparence  politique. On est au delà  de la politique  monétaire !

Parmi les pistes pour changer la politique monétaire  européenne figure : décider  de changer le niveau des taux d’intérêt ou de créer telle quantité de monnaie en une nuit .  On peut  agir plus vite  que s’il fallait attendre une coordination des politiques budgétaires . Cependant, il faut tenir compte du risque :  une mesure technique , de court  terme , met sous boisseau  la réflexion  sur les modalités  de la construction  européenne et ses insuffisances  en matière  budgétaires .

LA HANTISE  D’UN  NOUVEAU KRACH  FINANCIER !

Les banques  européennes  et françaises  viennent de connaître plusieurs semaines difficiles .  La chute de leurs cours  de bourse ,entamée  dès janvier , s’est brusquement accélérée mi-février .  En effet,  l’indice boursier des  banques européennes   STOXX Europe , 600  Banks , avait perdu 30%  de sa valeur en un mois et demi .
Or , il n’y a  encore pas , si  longtemps, les milliers de milliards  de dollars d’aides apportés  par la Banque Centrale européenne (BCE), était  considérés  comme un magnifique  cadeau à la finance , permettant  d’assurer son avenir .

En effet, ces  dernières semaines, changement de ton : en imposant des taux d’intérêt au ras  du plancher et des contraintes réglementaires fortes, la BCE serait la principale responsable  de la perte  de rentabilité des banques , des inquiétudes  des investisseurs et la récente panique  boursière .  Une catastrophe  se dessine, clament  les monétaristes paniqués ! 

A bien regarder  les marchés boursiers, les banques  européennes sont victimes  de la défiance  des investisseurs, depuis  l’été  2015 . Cependant, les raisons avancées  pour expliquer cet état  d’esprit  ne sont pas crédibles .  En effet, les  perspectives d’une croissance modeste  et le ralentissement  de la croissance  en Chine ,  aux Etats-Unis et chez les autres  émergents, jadis, moteurs  de croissance , pourrait être au bout de leur cycle  de croissance . Quant à  la zone euro, elle vivote  doucement .

Pour les banques, tout cela  devrait  se traduire , au pire  par des cours boursiers plats , mais pas   en chute libre , comme  en 2008 .  L’autre élément d’explication : le bas  prix de baril  du brut fragilise  l’industrie pétrolière  et les prêts bancaires  à ce secteur pourraient ne  pas être remboursés  facilement .  Mais là encore, cela ne suffit pas . Il fallait  donc trouver  une autre raison !   Et  comme  souvent,  quand la finance dérape,  c’est la faute  des autorités publiques, en l’occurrence la BCE !  Celle-ci aurait  plombé  la  rentabilité  des banques  en imposant  des taux  d’intérêt  très bas et   Les crédits  rapportent peu .   D’un côté lorsque  les banques  ont des  liquidités  à placer, cela leur rapporte moins.  De l’autre, quand les taux d’intérêt  sont bas, les crédits rapportent peu.Comme , en plus, les nouvelles régulations bancaires imposent aux banques  de se financer moins par emprunts- sur lequel elles paient  des dividendes  - et que le second  est plus cher que le premier, tout cela concourait  à plomber  la rentabilité  des banques. Ce qui  expliquerait que les investisseurs boudent .

Ce raisonnement ne tient non plus la route . Les banques  empruntent de l’argent à court –terme ( les salaires, mis sur nos comptes en banques) et le prêtent à long-terme (prêts –aux logements à  dix-quinze ans  ou plus  et aux entreprises) .  Elles font ainsi – ce que les  économistes appellent «  la transformation  d’échéance » .  L’important  pour leur rentabilité réside donc  dans  la différence de niveau entre les taux de leurs emprunts  et  ceux  de leurs  prêts .  Or , grâce  à la BCE, les taux d’emprunt  des banques  sur les échéances  courtes , jusqu’à un an sont négatifs !  En revanche, le taux  moyen  des prêts  de moins  d’un million d’euros  aux entreprises  est de 2,2%, de 2,3% , en moyenne pour les prêts  au logement , de 5%pour les prêts  à la consommation . Les marges sont donc largement  positives .

Et même si, au delà des activités  de prêts , on ajoute les activités  du marché , les grandes  banques de la place financière européenne, annoncent un taux de rentabilité  de 7,9%.   Par ailleurs, dans une économie française  qui croit  de l’ordre de 1,5% , avec 0,5%  d’inflation,  soit  2% au  total en valeur , c’est un  résultat plutôt exceptionnel .

Les raisons invoquées par les commentateurs pour expliquer le plongeon des cours  boursiers  n’expliquent rien . Est-ce à  dire  que tout  va bien  dans les meilleurs du monde pour les banques françaises et européennes ? Non. Elles  affichent  plus de fragilité que leurs  semblables  américaines .  Il est à noter que le manque   de   capitalisation des banques européennes  n’est pas é démontrer : le ratio capital  sur les activités  en normes IFRS  varie  entre 3,1% pour   la  Deutsche Bank à 8,3  pour Wells Fargo .

CONCLUSION

Controverse débat chez les  économistes .  Pour les uns , la BCE entretient  la volatilité  des marchés  et prépare une crise financière  de grande ampleur . Pour les autres , elle maîtrise  la situation  et continuera à le faire . Quelques arguments  en présence .

Selon  M.P.A., chef économiste  chez Natixis, l’objectif de la Banque Centrale européenne  (BCE)  avec le « Quantitative easinng » : La BCE  achète  des titres de dette sans  risque, des emprunts  d’Etat majoritairement .  En asséchant le marché, elle incite les investisseurs  à se reporter sur d’autres placements : en partie à  l’étranger , ce qui contribue  à une dépréciation  de l’euro, surtout vers  le financement  des entreptises , en achetant des actions et des obligations .  La BCE cherche ainsi à faciliter  le financement des entreprises  sur les marchés  financiers, c’est vraiment  cela l’essence  du «  Quantitative  easing «  .

POURQUOI  CELA  N’A  PAS  FONCTIONNE  ?

Cela a  fonctionné au début : les bourses  ont effectivement monté et les taux d’intérêt  des emprunt des entreprises ont diminué. Mais  ce sont des placements  trop risqués  pour les investisseurs , les compagnies d’assurances  et les fonds de pension, qui doivent  garantir  une sécurité  aux épargnants  qui leur confient leur argent .  Ces investisseurs  sont devenus inquiets  d’être obligés  de placer leurs fonds  sur des actifs plus risqués :    dès  qu’il y a  des chocs  comme la baisse brutale des prix  du pétrole , les risques géopolitiques , le ralentissement  de la Chine et des Etats-Unis,  ces derniers  fuient  les bourses  et reviennent  vers les valeurs habituels  de placement , c’est-à-dire  les dettes publiques, considérées à tort  sans risque .

La bourse s’agite , mais à part l’Allemagne, les banques  ne sont pas  aussi fragiles qu’il y a huit ans. Pour l’avenir, c’est plus par   ses  règles  de   contrôle  des banques   que par sa politique  monétaire  que la BCE pourra  redonner confiance  dans les banques européennes .













* Voir notre éditorial  « Zone euro : Le piège de la dette publique » paru sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch; le 03/12/2015 ;
** Voir « Recovery  in the Eurozone,Using Money ,création to stimulate the Real Economy « -Positive  Money – décembre  2015 .


REFERENCES :
- ALTERNATIVES  ECONOMIQUE  No 355 – Mars 2016 ;
-Christian  Chevagneux  «  DES TULIPES  AUX SUBPRIMES – Editions  La Découverte /Poche 75013 Paris

DR BEN ABDALLAH  Mohamed ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE  EN MACRO-ECONOMIE  DU MAGHREB ;
AUTEUR DE «  L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB
ENTRE   LE  POSSIBLE  &  LE REALISABLE ;
EN LIGNE SUR  NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch;
DEPUIS  LE 1er Mars  2009 ;

&

 EDITORIALISTE-REDACTEUR  EN CHEF  DU SITE



DEMEURANT  SIS 1202 GENEVE

07/04 /2016