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EDITORIAL  ECONOMIQUE  & FINANCIER

PAYS EMERGENTS : DOUCE REGRESSION ?

PROLOGUE

Après  une ascension  fulgurante  ces vingt dernières années , les pays  émergents  calent : la croissance ralentie en Chine et le reflux  des capitaux vers les Etats-Unis    pèsent  sur  les  pays  émergents .  Le risque d’une crise généralisée paraît , toutefois limité .

En effet, l’histoire économiques des  nations en développement est marquée  depuis le XIXe siècle par  l’alternance de  phases   d’euphorie  financières et de dépression  économique .   L’ampleur  des ressources humaines et naturelles dont jouissent la plupart de ces pays suscite  régulièrement , c’est à-dire chaque fois  que les capitaux sont disponibles, en abondance dans les pays  riches, des poussées de fièvre spéculatives qui dépassent de loin les opportunités d’investissement réelles .

Lesquelles sont moins régulièrement suivies de débâcles financières .  La période récente ne fait guère d’exception , à ceci près  que la phase euphorique ayant pris appui  cette fois, sur la maturation bien réelle et  rapide d’un acteur de poids , en l’occurrence la Chine .

LA  PRODIGIEUSE  DOUBLE   DYNAMIQUE

Depuis le début des années 2000 , la croissance chinoise avait tiré l’activité dans l’ensemble des pays exportateurs de produits de base , depuis le Brésil, jusqu’à  l’Australie , en passant par la Russie et l’Afrique .  Entre 2000 et 2014, le volume des importations chinoise a été multiplié par huit . 

Tirée  par l’investissement  et la demande d’importation chinoise ayant fait de la Chine , le premier consommateur des matières premières  . Le pays  assurait  à lui seul ,pratiquement  la moitié de la demande mondiale des métaux . En l’espace d’une décennie, les prix des matières premières sont passés d’un creux historique , progressant de 150% en dollars  entre 2002 et 2011.  Une envolée  entièrement  imputable à l’intensité et aux  caractéristiques structurelles de la croissance chinoise  .

Or , cette période  avait été aussi marquée  par une abondance exceptionnelle de liquidités . Celle-ci alimentée , dans la première partie des années 2000 , par la faiblesse des taux d’intérêt  aux Etats-Unis , au Japon et en Europe .

Les politiques de détente  quantitative *  mises en œuvre par les principales banques centrales à la suite du séisme financier de 2008 ont porté cette tendance à son paroxysme , avec une injection  en six ans  d’environ  6 000 milliards de dollars dans l’économie de ces trois zones .

Rebutés  par les rendements  nuls  ou déclinants offerts sur les marchés obligataires **,  des économies avancées, les capitaux avaient pris le chemin de la bourse  et autres économies  émergents .

La possibilité d’emprunter sur les marchés mondiaux à des taux exceptionnellement bas avait   aussi  encouragé l’endettement en dollars des agents privés .  Qu’il s’agisse d’institutions financières ou d’entreprises .  Les émissions d’obligations internationales privées s’élevaient ainsi , selon la Banque  des règlements internationaux (BRI), à plus de 1'200 milliards de dollars  sur la période 2010-2014. 

Rarement destinés  au financement  d’investissements productifs, les fonds levés ont été placés dans le système bancaire  ou sur les marchés financiers . Les emprunteurs –investisseurs bénéficient à la fois du différentiel positif de rendements entre marché local et le marché mondial et l’appréciation des monnaies locales, elles-mêmes suscitée par l’afflux de capitaux étrangers .

ZONES DE TURBULENCES

En effet, cette double dynamique  , fondée sur la demande chinoise et sur les capitaux occidentaux , s’est enrayée en trois temps . Tout d’abord, le ralentissement et surtout le rééquilibrage de la croissance chinoise après 2010 en faveur de la consommation et au détriment de l’investissement ont provoqué le retournement des prix des produits de base .  Hors  énergie, ceux-ci ont chuté en moyenne de 40% depuis le point haut de 2011( - 60% dans le cas du pétrole), mettant à nu la faiblesse persistante des ressorts internes de la croissance dans des pays comme le Brésil , l’Argentine ou la Russie .

Par la suite, la normalisation progressive de la politique monétaire américaine , avec l’annonce , au printemps 2013, du ralentissement   de la détente  quantitative  outre-Atlantique , puis son arrêt en 2014, ayant provoqué un reflux massif des capitaux vers les Etats-Unis et un premier mouvement de déstabilisation financière des économies émergentes .  Ce mouvement s’est amplifiée en 2015 , avec les anticipations de relèvement des taux d’intérêt de la FED .

A son retour, le krach boursier  chinois  de l’été 2015 et les signes  d’un ralentissement plus marqué  de l’économie chinoise  qui ont suivi ont exacerbé les craintes d’une déstabilisation  généralisée  des économies émergentes , amplifiant ainsi, le mouvement de fuite des capitaux .   Ce mouvement global de repli des capitaux sur le dollar américain  expose les  réserves  de change  des économies émergentes , en particulier celles dont les échanges  sont nettement déficitaires ( Brésil, Turquie, Afrique du Sud etc..)  Mais à la différence de la crise asiatique de 1997-1998, la plupart d’entre- elles n’ont pas tenté  de s’opposer à la dépréciation de leurs monnaies , s’employant , dans le meilleur cas, à en contrôler la chute .

Par ailleurs, lorsqu’elles ont , malgré tout,  voulu défendre  leurs monnaies , comme  dans le cas de la Russie, en 2014, les réserves ont fondu à un rythme tel que la banque centrale  a dû  relever son taux d’intérêt de plus de  10 points , dans l’espoir, en vain, de briser le mouvement spéculatif .

En effet,  pour  plusieurs observateurs, cette flexibilité de taux de change constitue une différence essentielle  avec la crise  de 1997-1998.  Elle protège les réserves de change accumulées dans les années 2000 et devrait favoriser le  redressement de l’activité par une compétitivité accrue  sur les marchés  mondiaux  .

Par ailleurs,  la forte dépréciation des monnaies des pays émergents  n’en est pas moins déstabilisante  pour ces pays .  D’abord , parce qu’elle stimule l’inflation , comme on le voit  en Russie , en Argentine et au Brésil , obligeant les banques centrales à relever leur taux d’intérêt et donc  à freiner  l’activité .

Mais aussi, et surtout, parce qu’elle propulse  le service de la dette  des agents endettés en dollars  à des niveaux insupportables , provoquant des faillites  en série  et l’accumulation des créances douteuses aux  bilans des banques .

LES RISQUES DES RENDEMENTS DES EMERGENTS

Depuis dix-huit mois , les gros titres négatifs  concernant les marchés émergents se succèdent sans relâche .  Parmi les sources de préoccupation, notons l’impact , sur les pays qui les exportent , de l’effondrement du prix  des matières premières ; les répercussions d’un  ralentissement  brutal  chinois sur certaines  économies émergentes.  En effet, une hausse des  taux américains  sur cette catégorie d’actifs serait une possible redite du «Taper   Tantrum «   de 2013 .  Pourtant, cette année , les emprunts en dollars des  Etats et entreprises  des marchés  émergents (ME) ont dégagé un rendement de plus de 1% , ce qui est honorable  par rapport  aux marchés  mondiaux des actions  et   des obligations .  En fait , ce sont les devises des ME on subi une vente massive  depuis  18 mois . A l’évidence, les pays dont les prix  à l’exportation ont beaucoup  baissé, avaient besoin de s’adapter à une forte  dépréciation .

De plus, malgré des croissances  décevantes  et des déficits en hausse, beaucoup  d’entre eux disposent encore de  larges réserves de change, souvent supérieures à leur dette externe .  Grâce à leur taux de change  flottant, et leur solde extérieur positif, les décisions des marchés émergents ont  encore le temps de mettre en place les réformes nécessaires pour redynamiser leurs perspectives à moyen terme .

Pour les produits  de  taux des  ME , l’un des défis  majeurs demeure la  possibilité de voir se rééditer le Taper Tantrum   de 2013, lorsque la  FED  commencera à relever  ses taux .  Une nouvelle vente massive  et  généralisée des devises  des ME , semble peu probable , et /ce pour   quatre raisons . D’abord, le resserrement de la FED ne serait pas une surprise . A ce stade, le plus important est certainement le rythme  des hausses plutôt  que la date à laquelle la première interviendra .  Deuxièmement , la décision de la FED  ne déclenchera pas d’autres  tours de vis monétaires .  Troisièmement , la base des investisseurs  est stable . Près de  soixante-dix milliards USD, ont fuit la catégorie des produits  de taux  des ME lors du Taper Tantrum   de 2013 et qui ne sont pas encore revenus .Quatrièmement, des valorisations plus attrayantes et  d’autres agglomérées plus larges permettant d’amortir , en partie, la hausse des taux américains .

Par ailleurs, malgré une  performance positive sur 2015, les fonds souverains des ME se sont élargis  bien au delà  du plus  haut de 2013 .

Même sans Taper Tantrum ,  il est probable que les produits de taux des ME soient confrontés à un resserrement monétaire progressif en 2016, il est évident que les pays aux fondamentaux faibles, dont le déficit commercial et budgétaire est large et dont le financement dépend donc des marchés internationaux , devraient accuser une contre-performance durable .

Ainsi, plusieurs pays exportateurs de matières premières ( Brésil , Venezuela, Colomie, , ou Pérou, par exemple, dont les indicateurs économiques sont nettement affaiblis , depuis 2013, sont  vulnérables , alors que les pays qui se sont préparés , comme le Mexique, le Etats d’Europe centrale et  certains marchés  émergents  asiatiques devraient sauver la mise .

Pour les obligations d’entreprise en dollars des ME,  les effets de la hausse des taux américains sur les entreprises  sont  souvent   indirects , via la qualité de leurs bilans  et la monnaie dans laquelle sont libellés.



LA GUERRE DES MONNAIES REPOUSSEE 

Ceci  explique la réticence des autorités chinoises à laisser le yuan de déprécier de façon significative par rapport au dollar ( en plus des aspirations à voir son rôle international se développer à long terme ). A cet égard, la réforme de change annoncée par les autorités chinoises , le 11 août  dernier vaut moins pour la dévaluation initiale de 2% qu’elle en avait entraînée que  pour la plus grande flexibilité du taux de change qu’elle autorise .

Les  interventions de la banque centrale qui  ont immédiatement suivi cette réforme et les instructions données aux banques d’Etat de vendre des dollars ( et donc soutenir le yuan ) attestent clairement du désir des autorités de maintenir la valeur de la monnaie tout en augmentant l’incertitude à  laquelle sont confrontés les spéculateurs .

En fait, cette détermination  des autorités chinoises  consiste en soi, une bonne nouvelle pour les économies émergents et plus généralement pour l’économie mondiale  qui semble écarter le scénario conflictuel d’une course à la dévaluation compétitive et elle confirme  la priorité donnée par le pouvoir à la transition vers un modèle de croissance tiré par la consommation .

Si le yuan se dévaluait d’avantage, les produits importés verraient en effet leur prix augmenter,  pénalisant ainsi, la consommation . Tandis que la pression inflationniste serait accentuée dans le reste du monde  par la baisse des prix des produits chinois .

Certes au rythme actuel de la fuite des capitaux ( plus  de cent milliards de dollars par mois )et avec des réserves de change désormais en baisse, les doutes peuvent être émis sur la capacité de la banque centrale chinoise à garder, à terme, le contrôle de la situation .

En effet, les moyens d’action ne manquent cependant pas : contrôle de changes, bourse fermée aux investisseurs étrangers, banques sous contrôle, marges de manœuvre budgétaires . Ils plaident pour un optimisme modéré à court terme sur la capacité du pays  à traverser sans trop de dommage la zone de turbulence actuelle .  Le  risque de refinancement  est moins préoccupant , car nombre d’entreprises des ME ont profité des conditions très favorables  durant la période d’assouplissement quantitatif pour allonger  les échéances de leurs concours de dette en procédant à une gestion active de leur passif .  Ainsi , même si les taux  américains augmentent et si la liquidité  des marchés de financement s’assèchent , les entreprise des ME ont tout le temps de s’adapter .

Selon toute vraisemblance, les produits  de taux des ME sont moins vulnérables qu’on le pense  et  les scories larges des emprunts d’Etat et d’entreprises en dollars pourraient, actuellement, receler des occasions intéressantes . En effet,  pour les obligations , en monnaie locale, le seul marché intéressant , demeure l’Europe centrale, qui bénéficie  de l’attitude accommodante  de la BCE  et de la faiblesse des  prix  de pétrole .

La grande inquiétude demeure, que les pays qui pourraient se permettre de relancer des réformes, longtemps  repoussées ne s’y emploient pas, gaspillant ainsi de précieuses réserves  de change .  il convient  donc d’être  sélectif et bien choisir les émetteurs «  gagnants «  , en délaissant les « perdants «  pour  les  semestres à venir…



UN RISQUE  D’ABORD  LOCAL


Les risques actuels de déstabilisation des économies émergentes ont ainsi  des chances de demeurer catonnées  au niveau local plutôt que de prendre une tournure  systémique .  D’autant plus que la FED ayant reporté le relèvement de son taux  directeur .  La dégradation  récente de la dette brésilienne au statut « junk bonds » par Standard & Poor’s ,  qui fait suite à celle  de la Russie , illustre  l’ampleur de la crise que traversent  certains pays .   Celle-ci est toutefois davantage le résultat d’une gestion économique déficiente ( Brésil, Argentine , Russie , Turquie )  ou de décisions  aventureuses ) , (invasion de la Crimée par la Russie et l’impact des  sanctions économiques qui l’ont suivie )  que la conséquence inéluctable des inflexions de la conjoncture mondiale .

En effet, l’impact du ralentissement de la croissance chinoise et plus généralement des économies  émergentes  qui représentent près de la moitié  du Produit Intérieur Brut (PIB) mondial , au taux de change courant , ne peut cependant manquer de faire sentir , au niveau global . Cependant, cette onde négative  sera amortie pour nombre d’économie par la réduction  de la Facture pétrolière .

A l’heure où la    nation  américaine  s’affermit , la croissance mondiale pourrait donc se recentrer sur son moteur traditionnel .  Mais elle traîne toujours le poids mort que constitue la zone euro , qui continue d’accumuler les excédents extérieurs faute de soutenir sa demande intérieure .


LE REVEIL  AFRICAIN EST-IL AU RENDEZ-VOUS ?

Apparemment oui si  on croit  les déclarations d’amour  qui affluent de tout part , allant de l’incontournable  ex-Sherpa, de feu François  Mitterrand ,  Jacques Attali,  qui n’a pas hésité  d’affirmer «  L’Afrique notre chance ou notre drame «  .  Quant à l’ancien ministre centriste Jean-Louis  Borloo  qui n’est pas à  une énormité  près   en déclarant : » Nous avons le devoir d’agir , nous devons agir «  . Quant à M. Antony  Blair, l’ancien premier ministre britannique , il n’hésite pas  de  qualifier l’Afrique de « cicatrice sur la conscience du monde «  .  Allons Messieurs ,un peu de calme . Oui l’Afrique est riche , elle attire les convoitises, soit ,  mais que proposez-vous ?   Au mieux  du vent de sable , au pire , le rétablissement de l’esprit du colonialisme .  Alors, du balaie , circulez, il n’y a rien  à  grappier !  Les Africains  sont devenus adultes et n’ont pas besoin de sherpas  pour les guider .

Par ailleurs, comme le remarque l’éditorialiste Burkinabé, Grégoire B. Bazié , (Lefaso.net) «  ont ne peut comprendre quil veuille susciter des adhésions autour  de son projet (…) ;mais de là à ignorer les structures existantes , c’est quand même aller trop loin . L’Union africaine dispose d’une commission de l’énergie chargée de coordonner les actions  au niveau continental «  .  Par ailleurs  le projet phare  allemand , vient de tomber à l’eau  car , il est techniquement  irréalisable ! 

Sur liste des courtisans intéressés  on peut ajouter la  Chine qui s’est installé   sur le continent  depuis trois  décennies , le Brésil, depuis   quinze ans, mais aussi la Turquie, la Russie , depuis   quarante ans  dans les pays ex-communistes africains . D’autres  courtisans  improbables se bousculent au portillon  africain , notamment , les pays qui regorgent de matières premières .  Même, le Président Barak Obama, multiplie les gestes  d’amitié, comme lors de sa visite à Nairobi , en juillet 2015, alors que le Congrès américain révise la liste des bénéficières des préférences commerciales  de «  L’African Growth and Opportunity Act «  ( AGOA).

Et  les Africains dans tout ça ?  Un chien  dans un jeu de quilles ?  Probablement pas . Avec  un taux de croissance , somme toute,  demeure élevé , malgré le ralentissement économique mondial , particulièrement  dans la zone euro , qui frise  le néant .  Les Etats  se désendettent afin de pouvoir  élargir leur marge de manœuvre .  Mais pour faire quoi ?

Selon toute vraisemblance, faute de stratégie  et d’anticipation programmatique, pour le continent,  l’Afrique , une fois de plus, reste spectatrice de la guerre économique qui se joue sous ses yeux , laissant la Chine , l’Europe  s’imposer  sur le Continent sans que les peuples africains aient voix au  chapitre !  A quand  une révolution  des peuples africains ?  Une lame de fond  qui balaie  les scories du colonialisme : explosion démographique, décomposition  politique et sécuritaire du Sahel, bouleversements religieux ( montée de l’islamisme radical, prosélytisme  des sectes protestants ), violences terroristes , interventions militaires vagues migratoires et j’en passe … Les responsables politiques se révélent dépassés par les évènements , décalés  et  incapables de tracer un  schémas  directeur à  un  bateau  qui a perdu  son gouvernail .  Ils réagissent  au coup par coup  face  aux exigences  de la mondialisation . Ils suivent  bêtement  les choix  dictés  par   leurs  maîtres .  Au lieu  de répondre aux demandes  leurs sociétés qui réclament à cor et à cri :  une démocratie juste  et une justice  sociale  qui ne laisse personne au  bord de la route .

Selon  les prévisions internationales, en 2040, pour la première fois, de l’histoire, davantage d’Africains  vivront en ville qu’à la campagne .  Mais l’explosion des centres urbains n’est que l’une des métamorphoses  du Continent .  Avec la croissance, les  classes moyennes sont de retour et découvrent l’hyperconsommation .  Les géants  mondiaux du numérique et des transports  se livrent à une violente compétition à coups  d’investissements colossaux .


 FRENESIE  DE CONSOMMATION EN AFRIQUE SU SUD


Pour assouvir  sa soif de consommation facile, la nouvelle classe moyenne sud-africaine recourt  sans modération au crédit . Banques nationales  et étrangères exploitent  sans vergogne cette veine , au risque d’encourager  le  surendettement des foyers  .  Alors que s’attisent les inégalités sociales , le  miracle  sud-africain révèle  des failles préoccupantes .

En effet , fin 2013, la banque Goldman Saches dressait le bilan économique de deux décennies de démocratie sud-africaine **. Elle notait que l’endettement  des ménages s’établissait  à 75% de leurs  revenus  disponibles , contre 57% en 1994 .  Cette tendance au surendettement personnel était , selon elle, générée par la croissance du marché des prêts sans garantie , en augmentation de plus de 300%, depuis 2007 . Toutefois, précisait Goldman Sachs , cette catégorie de prêts à risque , souvent de petites sommes , allouées  pour de courtes  périodes moyennant de forts taux d’intérêt , ne représentait que 11% de l’ensembles des crédits octroyés .  Les banques restaient à  l’abri de tout  risque  systémique – parole  de banquier !

Pourtant, le 10 août 2014, l’African Bank  Investments  Limited (ABIL), premier établissement bancaire sud-africain spécialisée dans les prêts sans garantie, cinquième banque du pays,   doit être placée  sous tutelle de la banque centrale .  Quatre jours auparavant, la direction avait reconnu des pertes record de 529 millions d’euros  et  un déficit de fonds  propres de 600 millions d’euros .  les événement s’enchaînent alors :  le directeur général  L. K   démissionne ; la cote d’ABIL s’était  effondrée de 93% à la bourse de Johannesburg . Pour éviter la faillite pur et simple , la banque centrale  avait procédé au premier  sauvetage bancaire de son histoire , acquérant près de la moitié du 1,2 milliard d’euros de crédts défaillants .  Une « banque propre » .  L’AFRICAN BANK  avait été créé avec la partie la plus solide des actifs d’ABIL et avait été dotée de 730 millions d’euros , injectés  par plusieurs  investisseurs privés .  Ce crash  spectaculaire  avait révélé  les failles  du «  miracle  économique Sud-africain «  , en proie à une version nationale de la crise  dite  de Sub-Prime .

Par ailleurs,  l’Afrique du sud avait vu naître à partir  des années 2000, une génération d’emprunteurs rêvant  d’accéder à la propriété  offerte par la première puissance économique du continent .  L’appétit  de consommation de la nouvelle classe moyenne noire dépasse alors  ses 500 euros de revenus mensuels : électroménager, voyages, écoles  privées …Les centre commerciaux  sont bondés .  Plus d’un million de véhicules neufs sont vendus chaque année . 

En effet, pour satisfaire leur frénésie d’hyperconsommation ,  les  Sud-africains se tournent vers les banques et organismes de micro-crédit octroyant des prêts sans garantie. Alors  que le marché  des hypothèques et  des crédits  immobiliers  marquent déjà  des signes d’essoufflement .

Comme le résumera cyniquement , en 2013, M. T. S. L’un des cadres exécutif d’ABIL, «  les consommateurs  ne cherchent pas à connaître  leurs droits ni à consulter la documentation financière . Tout ce qu’ils  veulent c’est prêt  et le plus rapidement possible «  .  En 2005, le gouvernement avait adopté une loi   sur le crédit  qui encadre le taux d’intérêt.  Mais l’industrie  du crédit sans garantie , moins régulée , passe  régulièrement outre à la législation .

Plusieurs  sociétés étrangères  se sont jointes  au festin . Wonga, organisme  britannique de microcrédit  en ligne , ayant ouvert  en Afrique du sud  une filiale  proposant de «  rapides  petits prêts «  , remboursables sur   cinquante  jours   au maximum .  Au Royaume-Uni , le taux d’intérêt annuel de Wonga  peuvent dépasser  les 3000% par an !
Le monde  du  capital-investissement , en tout cas achète  des actions sud-africaines, arrosant de liquidités ce jardin hors-sol  afin de pouvoir pousser , marges et bénéfices .

En effet,  en cinq ans, plus de 18 milliards  d’euros  ont été  levés  au profit de la bulle  sud-africaine  des prêts sans  garantie  . Quant  aux services financiers , ils prêtent de toutes petites sommes , prêts  qui rapportent beaucoup à leurs actionnaires  et finissent par représenter  20% de la capitalisation boursière de  Johannesburg Stock Exchange (JSE) , en  2012 . Goldman Sachs  elle-même  participe , en décembre 2013, à « l’une des plus grandes opérations transfrontalières  africaines de l’année  sur les marchés des capitaux «  .  Elle avait levé 442 millions d’euros  au profit  d’ABIL .  L’argent attirant l’argent , cet investissement suscite  une nouvelle capitalisation  lancée par  Société  financière  internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale (BM) .

Pourtant, la crise mondiale de 2008, battait son plein  et sur le point de rattraper le pays .  En effet, la  bourse de Johannesburg  est devenue un terrain de jeux  spéculatif pour les fonds d’investissement occidentaux .  Ils s’abattent   principalement  sur le secteur financier, qui   contribuait  au quart du produit intérieur brut (PIB)  de l’Afrique du sud .  Avec une inflation de 6,6%  et une forte hausse du coût  de logement qui culminait à 5,8% sur un an .  Le coût  de l’alimentation  s’établissait à 8,8% . Quant au prix de l’électricité  il s’est multiplié par deux  ces quatre dernières  années  et  les transports  ont grimpé à 8,6%, handicapant lourdement les budgets  des plus modestes .  En outre, plus de 4,7 millions de personnes  sont au chômage , soit 25,6% de la population active.  Fin 2013, 9 millions de personnes , sur les 21  millions , ayant contracté un emprunt,  accusent  au moins trois mois de retard dans le remboursement de leurs traites . Sur les  3,2 millions  de prêts  personnels octroyés par  ABIL, un tiers font défaut . Bref, le marché  des crédits  sans garantie est  devenue une bombe à retardement . Personne, pourtant n’a  songer à la désamorcer .

Par ailleurs, peu de temps  avant la crise, Deloitte, un  des quatre géants de l’audit  mondial, salue encore l’émergence  de la classe moyenne africaine  et conseille toujours  d’investir , tout particulièrement dans une « occasion en or » :  des prêts  sans  garantie .

DEBAT HOULEUX SUR L’INSTAURATION D’UN SALAIRE MINIMUM
Pour M. A. H. , économiste en chef du fonds d’investissement sud-africain Gadiz  Asset Management , la chute d’ABIL  pourrait se traduire par la sortie de millions de Sud-Africains du système de crédit .  Les actionnaires de la Banque , eux s’en tireront avec des pertes de 10% , en moyenne , sur leurs  mises de départ . Mais quelles seront les conséquences du déclassement social des born free Sud-Africains , nés  après 1994, date de la  fin de l’apartheid , qui n’auront récolté que les fruits  les plus amers  et les  plus coûteux de la démocratie ?  Nul  ne le sait . Mais tout le monde pensent sur fond curieusement des  inégalités  et de houleux débats sur l’instauration d’un salaire minimum  national .

Parmi les causes du mouvement de grève des mineurs, violemment réprimé à Mariakana , en 2012, figure notamment, leur endettement . Selon l’universitaire, S. F , Maître  de conférence à l’université de Stellenbosch, souligne que les villes de la ceinture de platine, la zone où l’on extrait ce métal, sont   devenues «  la nouvelle frontière «  de  centaines de prêteurs d’argent, formels ou informels .

En effet,  collecteurs  de dettes et sociétés  de recouvrement profitent   des vides  juridiques  de la législation  sur le crédit  pour saisir  parfois  les salaires des mineurs  endettés directement auprès de leur employeur.  La longue  grève sauvage , près d’un mois sans revenues, avait  forcé de nombreux ouvriers, employés  ou sous-traités  par « Lonminin   «  à contracter de nouveaux emprunts  pour rembourser  leurs arriérés  .

Selon l’essayiste M. T. M , «  étant donné que les banques commerciales sont incapables d’octroyer des crédits aux pauvres sans les punir de vivre ai si, c’est  désormais au gouvernement de fonder une banque qui pourra enfin d’accorder des prêts à faible taux  aux Sud-Africains les plus  modestes «  . 

Les  cadres  de la défunte  banque ABIL,  se sont gavés pendant  dix ans  en stocks options.  L’ancien directeur , considéré  comme visionnaire parce qu’il avait osé prêter  aux pauvres , s’est offert  une propriété  à quatre millions d’euros , dans les environs  du CAP .

Quant au pays, il  avait vu sa croissance fléchir de 1,5%, en 2014, contre 2,2% l’année précédente .  Et  si le miracle  économique  Sud-Africain , qui attire les migrants  autant que les investisseurs , n’était en fait,  qu’un miroir  aux alouettes !

CONCLUSION

Les émergents, voir  les pauvres  ont besoin,  avant tout,  de gouvernements solides capables  d’améliorer  leur vie  et non  une manne  sons forme «  d’aide au développement «  .   Dans l’ensemble, les émergents  s’en sortent  plutôt   bien  malgré  la pression  des pays   riches  qui continuent  à considérer leurs  anciennes colonies  comme  leur terrain de chasse gardé  .  L’émancipation  de ces  peuples  passe par une démocratisation  de ces  derniers .  Les dictatures  ne peuvent qu’accentuer  les inégalités ,  et sèment la discorde  dans  les sociétés .   Dans les pays  pétroliers, les richesses  sont déversées  dans des investissements  aberrants , voir improductifs  comme les  tours  de plusieurs centaines de mètres, à trois quarts vides, des flottes d’avions civils qui volent à vide ou à des prix bradés  .   Par vanité ,  les cheikhs de pétrole ont renfloué  les banques occidentales qui continuent à placer  leur patrimoine  à  moins 1 – de leur mise .  Pour d’autres,  ils achètent des escadrilles d’avions de chasse , sans  compter dans leur population un seul  pilote  de chasse capable  de piloter  les « rafales », par exemple . 

Par ailleurs, l’idée  est que le sous-développement est avant tout dû  à la corruption  est loin d’être farfelue .Car lorsqu’un gouvernement  a une préoccupation majeure , l’accumulation  de richesse par ses membres, leurs amis et  leurs  familles .  Il  ne remplit   pas donc son rôle  de soutien  à la croissance .  L’absence  d’un cadre juridique  de l’activité économique ne permet pas aux entrepreneurs de fonctionner , du moins en dehors des mécanismes  de corruption .   Si le gouvernement  ne fait rien pour la  santé l’éducation  et la sécurité  sociale, il  n’aura  pas mérité  une aide internationale  de développement .

Si un pays  veut s’insérer  dans l’économie mondiale, il  a l’obligation  d’alphabétiser la majorité de sa population afin  qu’elle puisse  compter  sur elle-même  et rejeter l’idée  qu’une manne  leur  tomberait du ciel .   L’aide au développement doit passer  par l’éduction, les échanges  d’informations techniques et technologiques  et non gaver  des gouvernements corrompus qui ne pensent  qu’à se remplir les poches . L’aide  au développement  est un facteur aggravant pour les pauvres  et une insulte à l’intelligence de l’humanité .


*Détente quantitative : politique consistant , pour la banque centrale , à acheter des titres sur le marché des obligations de  façon à provoquer la  baisse des taux  d’intérêt à long terme ;

**Marchés  obligataires :  Les marchés sur lesquels  les entreprises et les Etats  se financent  en émettant des titres de dette ;

Références :  Alternatives économiques  No 350 – Octobre 2015 ;
                       Manière de voir No 143 – Octobre-Novembre 2015 ;



DR BEN ABDALLAH Mohamed ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE  EN MACRO-ECONOMIE  DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’Intégration économique du Maghreb entre le possible & le réalisable » ;
EN LIGNE  SUR NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch ;

&
REDACTEUR EN CHEF  DU SITE www.dr-ben-abdallah.ch;

DEMEURANT  SIS 1202 GENEVE II ;

05/11/2015