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EDITORIAL  POLITIQUE

LIBYE : POUR QUI SONNE LE GLAS ?

PROLOGUE

« L’élimination de Mouammar Kadhafi , le 20 octobre 2011,  avait  signifié au monde entier la fin d’un régime  despotique mais pas celle du chaos en Libye .  Les   dégâts collatéraux des raids  occidentaux affectent  aujourd’hui tous les riverains du Sahara .  A la barbe de l’Organisation  de l’Union  africaine qui regroupe une cinquantaine de pays africains et la Ligue arabe qui en regroupe vingt-deux ,  les  pays occidentaux ont démembré  la Libye, comme  ils l’avaient fait avec l’Irak de Saddam Hussein  auparavant .   Pour  l’Occident , il n’y a  que deux solutions pour survivre  :  se soumettre  à son diktat  pour vivre sous son joug    ou se faire rosser à plate couture  par son bras  armé en l’occurrence  l’OTAN et ses supplétifs  attitrés en l’occurrence la Grande Bretagne et la  France . Une kyrielle de petits pays  européens belliqueux comme le Danemark , la Norvège  et la Hongrie se sont associés à la ratonnade  avec joie .  Afin d’éviter un désastre annoncé , l’Union africaine avait proposé une solution politique,  en passe d’aboutir au moment de l’intervention étrangère .

FALLAIT-IL ASSASSINER  MOUAMMAR  KHADAFI ?

En 2011, en l’espace de seize jours, deux incursions militaires étrangères lourdes ont eu lieu dans l’espace souverain de l’Afrique , sans que  l’Union africaine , considérée, à tort ou à raison, comme quantité négligeable , ait été consultée .  En effet, entre le 4 et 7 avril , les troupes françaises intervenaient en côte d’Ivoire . Quelques jours plus tôt , à partir du 19 mars, les forces de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), principalement françaises et britanniques , avaient commencé à bombarder la Libye  afin de solder  deux contentieux  récurrents .  Le premier avec la France de Nicolas Sarkozy qui,   vexé comme un poux , après avoir  déroulé , en 2007, le tapis  rouge à Mouammar Kadhafi , en plein   Paris  .   Poussant le bouchon du  ridicule jusqu’à  le recevoir sous une tente plantée dans un prestigieux parc  de la capitale . En échange, le fantasque libyen avait commandé  à la France  pour dix sept  milliards de dollars  de matériel  allant  de la  matraque électrique jusqu’aux avions de chasse « rafale » , en passant  par les avions  de ligne :A320, A350, et A380 !  Sans oublier la commande de TGV  et autres quincailleries  civiles ou militaires .   Le total de la commande s’élevait à dix-sept  milliards de dollars  .  Une aubaine pour l’économie française  qui tournait au ralentie .  Six mois  plus tard, le fantasque , Premier - lieutenant , auto promu  colonel en 1969, se ravisa et annula toutes ces commandes .  Sarkozy, lui garda, un chiot de sa chienne .


Quant à la Grande Bretagne, elle attendait avec impatience, la première incartade libyenne pour se farcir  ce fennec   du désert qui se prend pour Mao  .   Malgré le paiement de plusieurs millions aux victimes de l’attentat de L’eukerbi, au large de l’Ecosse, et l’emprisonnement à vie  d’un proche de Kadhafi, mort  des suites d’un cancer  qu’il avait contracté  lors de sa détention en   Ecosse  .   Cependant, l’hydre de sa majesté  ne s’est pas calmée.  

En effet, dès les premiers jours de 2011, tout avait basculé en Afrique du Nord .  Le 14 janvier , la douce dictature de Zine el  Abidine Ben Ali, avait volé en éclats, obligeant ce dernier à fuir  son  pays dans le déshonneur   .  Après un périple aérien, il trouva refuge  en Arabie Saoudite , devenue lieu de refuge pour anciens dictateurs .  On dénombre  une demi  douzaine, allant d’Amin Dada  jusqu’à  Moucharref, finalement revenu au Pakistan, où  il sera jugé  pour  trahison,  complot contre l’Etat et autres broutilles , toutes passibles de la peine capitale .

Médusée, l’Europe, n’intervient pas .  Le 10 février , en Egypte,  le général Moubarak, démissionnait sous la féru de la foule en colère .  Le 12 février , la contestation gagnant la Libye voisine .  Pour les  Occidentaux,  ce dernier soulèvement  fut une aubaine :  il leur permit de jouer à bon compte les héros humanitaires et de faire oublier  leur soutien aux autres régimes dictatoriaux .

En effet, avec le vote de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU), le 17 mars , ils pensaient avoir obtenu un feu vert pour entamer une dance macabre autour du dirigeant libyen , Mouammar  Kadhafi .

UNE RATONNADE POUR L’EXEMPLE …

Parmi les protagonistes du conflit libyen  figuraient le Conseil national  de transition (CNT) , un machin  créée  de toute pièce  par la France de Sarkozy  et surtout par l’activisme douteux  d’un certain  (BHL),  pseudo-philosophe  de salon,  dont l’ activisme politique allait de l’extrême gauche  à l’extrême droite .  Il était  selon ses dires, compagnon de route de Jean Paul  Sartre et Simonne  de Beauvoir .   . Autoproclamé  philosophe,  il n’a pas écrit un seul  traité  philosophique .  Après voir soutenu  Ségolène Royal  en 2007,  il rejoint  avec armes et bagages Nicolas Sarkozy, en prononçant sa  terrible  phrase «  le parti  socialiste est un cadavre à la renverse … » 

Recruté par les équipes de Sarkozy, il épousa  la cause libyenne en remuant ciel et terre pour qu’une intervention militaire ait lieu .  Quant au CNT, et ses « révolutionnaires « ,  ramassis hétéroclites , qui avaient pour  seul objectif commun de se débarrasser  du Tyran . Pour y parvenir , un soutien extérieur leur était indispensable * .

En second lieu, intervenaient  la coalition occidentale et son bras armé l’OTAN , qui firent irruption , tels des justiciers , dans cette bataille des sables . Elles entendaient réagir avec férocité aux agissements de Kadhafi et, comme avec Saddam Hussein , l’éliminer  définitivement .  Mais pour se débarrasser d’un seul homme et arrêter un  massacre des civils , fallait-il engager une guerre punitive de cette ampleur et commettre    un autre massacre de civils , tout aussi innocents ?

On jouait avec le feu ,et on pouvait déjà prévoir le chaos qui, comme en Somalie , en Irak et en Afghanistan et ailleurs , en résulterait .  Détricoter  ce qu’on appelait le  «  tiers-monde »  est devenue la première priorité  des Occidentaux .  Car pour   l’Occident,  il  n’y a qu’un choix :   « se soumettre  ou disparaître , pas d’autres choix «  !


Le camp  occidental  comptait naturellement sur le grand frère américain « la  nation indispensable «  , selon l’expression de l’ancienne secrétaire d’Etat  Madeleine Albright .  Il se trouve cependant, que, à ce moment –là , M. Barak Obama  dévoilait sa nouvelle doctrine  de pivotement vers l’Asie-Pacifique . 

L’Amérique engluée dans ses problèmes intérieurs nés de la crise économique et financière, éprouvait le besoin de se replier quelque peu sur elle-même .  Elle avait décidé d’exercer  désormais  son  leadership mondial depuis l’arrière  «  leading from behind « .   Abandonnant ainsi les traditions de sa diplomatie, à  la France, elle, prit  la tête de la coalition internationale  anti – Kadhafi . Elle  dirigea les hostilités de l’avant  et par précaution internationale .

Mais  qui allait gouverner la Libye  post-Kadhafi ?  Qui peut apaiser les tensions interrégionales , intertribales, et interreligieuses  qui naîtront inéluctablement de la terrible confrontation à venir ? Comment éviter le chaos  à l’intérieur et la déstabilisation à l’extérieur , notamment au Sahel ? Telles étaient les questions essentielles  que  les Occidentaux avaient balayés par un revers de main .  Quand à  l’Union  africaine , elle  avait  vu déferler des troupes d’occupation à travers  son territoire  sans remuer la queue  .

En effet, la résolution 1973 se contentait  d’exiger un cessez-le-feu  et d’interdire tous les vols  dans l’espace aérien libyen  afin de pouvoir protéger les civils .   Elle excluait le déploiement d’une armée d’occupation .  Sans utiliser leur droit de veto, la Russie et la Chine , faute de réponses  sur les moyens envisagés  pour mettre en œuvre cette résolution, avaient prudemment  opté pour l’abstention .  L’Allemagne et le Brésil  et l’Inde   se sont abstenus  aussi .

L’intervention militaire , avec recours aux forces spéciales sur le terrain , l’aide aux rebelles  ou les attaques aériennes contre les troupes  et centres de commandement , constitua  donc  pour ces deux puissances  un camouflet  et un détournement de procédure.  Jamais il n’avait été question de se débarrasser de Kadhafi ou imposer un changement de régime .

Les agissements occidentaux  , jugés illégaux et immoraux par beaucoup , et suscitèrent de très nombreuses réactions , des fois particulièrement acerbes comme celle  de M. Mbeki « Nous pensons avoir définitivement mis un terme à cinq cents ans d’esclavage , d’impérialisme , de colonialisme  (…) Or les puissances occidentales se sont arrogé de manière unilatérale et éhontée le droit de décider de l’avenir de la Libye » .  Ce coup de sang illustrait un sentiment d’humiliation largement partagée  par la population africaine  et  certaines élites progressistes  .

Pour les rares Africains non corrompus, de toute évidence, le spectre de la guerre civile , de la partition, de la « somalisation «  , du terrorisme  du narco-trafic  planait sur la Libye.  Cependant , pourquoi  étaient-ils  peu nombreux  à le voir ? ** Allait-on  se battre là-bas pour défendre la démocratie ? Ou  pour le contrôle des sources énergétiques, notamment le pétrole ? Pire encore, pour des considérations  électoralistes  sordides  de Nicolas Sarkozy, déjà en précampagne présidentielle de l’année suivante ? 

En ce qui concerne  Nicolas Sarkozy, il s’est ramassé  par ses turpitudes  et  perdit les élections présidentielles , face à M. François Hollande .  N’y avait-il pas d’autres voies possibles que les bombardements massifs ?

L’Union africaine  en était persuadée , à tort ou à raison .  C’est pourquoi elle opta pour une réponse plus politique que militaire et consacra ses efforts  sur l’élaboration d’une feuille de route, adoptée le 10 mars . Ce document comportait essentiellement trois points :  cessation immédiate des hostilités ; un dialogue en vue d’une transition consensuelle , c’est à-dire en excluant le maintien au pouvoir de Kadhafi ; et l’objectif ultime : l’instauration d’un système démocratique «  .  Mais l’Occident voulait supprimer un homme ; l’Union africaine entendait changer un système .

La réponse de l’Otan était  terrible : les bombardements de l’Otan débutèrent le 20 mars , le jour même où une délégation de l’Union africaine s’apprêtait à se rendre à Tripoli , puis à Benghazi , pour tenter de mettre en œuvre cette feuille de route .  

En effet,le 19 mars,  le comité des chefs d’Etat, mandaté par l’Union africaine pour persuader les deux parties du conflit  libyen d’accepter les termes d’une solution politique se réunissait à  Nouakchott, en Mauritanie , après une première rencontre à Addis-Abeba , en Ethiopie , au siège de l’Organisation .  Au beau milieu des délibérations  , M. Bann-Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, voulu de toute urgence  s’entretenir au téléphone  avec les organes dirigeantes de l’OUA, pour s’enquérir de la situation . Sans  grand succès .  Il participait ce jour là , à Paris , à un autre sommet   international réunissant les dirigeants arabes, européens  et nord-américains  pour  « décider et agir collectivement sur l’application de la résolution 1973 «  . Les gouvernements présents à Paris savaient  que « les opérations  militaires de l’OTAN   vont commencer le jour même de  cette réunion de Paris «  .   Un scénario  semblable , visant à  marginaliser l’ONU  et les médiation de l’Union africaine , a eu lieu en Côte d’Ivoire , démontrant que , pour certaines puissances, aucune autorité internationale n’est supérieure à  la leur .

Et se fut une partie remise .  Le 10 avril, les représentants de l’Union africaines se posaient à Tripoli, pour rencontrer Kadhafi. Le lendemain, à  Benghazi, les voitures des représentants  de l’OUA , furent encerclées et conspués jusqu’à  l’arrivée à l’hôtel ou devait se tenir les pourparlers .

Henri Lévi, dit  BHL  est  sans doute derrière  cette manœuvre  qui consiste  à marginaliser  Mustapha  Abdeljalil , homme lige du CNT .  Ses équipes de négociateurs engagèrent des discussions sous la pression constante d’une foule de manifestants  agressifs  qui hurlèrent  jusqu’au départ sous les hués  des représentants de l’OUA .  Malgré tout, Mouammar Kadhafi, accepta la proposition de la délégation  de l’Organisation  panafricaine .  Finalement,    les  pyromanes l’emporte sur les pompiers , en l’occurrence, l’affrontement  sur la négociation .

Avec le recul, on relèvera  que l’Union africaine , fut la seule  organisation internationale à proposer une issue politique .  Sans doute, parce que l’Afrique avait vécu des expériences analogues et conserverait les stigmates indélébiles .Que l’on se rappelle le drame  que connaît , depuis vingt ans la Somalie, abandonnée de tous, à la suite de la désastreuse opération militaire américaine «  Restore  Hope «  , en 1993.  Que l’on considère  aussi le chaos irakien et la désintégration actuelle de l’Etat *** .
Comme  l’avait prévue l’Organisation de l’Union africaine, le rêve européen a tourné au cauchemar . Les appareils d’Etats  avaient imposé au profit des seigneurs de guerre , des clans mafieux et des terroristes islamo-affairistes , le pillage des stocks d’armes , ayant transformé ce pays en un gigantesque arsenal à ciel ouvert .  Dans ce chaos organisé  se  sont  imposés  des seigneurs  de guerre  avides  au profit où  tout y passe :  trafic d’armes, filières d’immigration clandestine, trafic d’organes humains, prostitution etc…

Au point que la Libye est devenue, selon l’expression d’un ancien chef des renseignements Français : «  L’ Afghanistan de proximité  des Européens «  . L’Union africaine avait averti le monde entier  du futur désastre de l’éclatement  de la bombe à retardement, qui  a, finalement   explosé  à la figure  de ses instigateurs  .  

En effet,  la proposition  africaine, dont personne ne voulait  entendre parler , visait à persuader  Mouammar Kadhafi de suivre la voie de Ben Ali, soit celle de l’exil  extérieur , soit celle de l’exil intérieur , comme Hosni Moubarak.  Il devait renoncer , de lui même à ce qu’il resait de pouvoir , afin d’épargner à son peuple les malheurs d’une intervention étrangère , ainsi que les affres d’une guerre civile, dont l’issue lui serait fatale .


QUE CACHE LE PRETEXTE HUMANITAIRE ?

L’Union africaine n’a pas ménagé ses efforts pour trouver un pays d’accueil à cet encombrant membre .   Pour l’exil intérieur, l’Organisation avait proposé  Sebha, capitale de la région du Fezzan, proches de pays amis d’Afrique noire, notamment le Tchad.  Pour l’exil  extérieur, la Turquie  , qui avait décliné l’offre de l’Union . Le Venezuela ,s’était  proposé , mais s’était trop délicat .  L’Egypte avait été  contactée , mais les partisans de Kadhafi avaient rejetée la proposition .

L’Union africaine croit , à tort ou à raison, que la diplomatie reste l’arme principale de l’Union africaine .  La logique  de cette dernière demeure celle de la paix  et non comme est devenu l’Occident de la guerre préventive , dépourvue de toute légitimité . Pourquoi l’Occident n’a pas laissé  une chance aux Africains de régler  le cas Kadhafi pacifiquement comme en Tunisie ou en  Egypte ? 

Parmi les autre facteurs stratégiques  figuraient les Etats arabes et leur organisation régionale, en l’occurrence  ce plâtre sur une jambe de bois nommée «  Ligue arabe » , qui, contrairement à l’Union africaine, elle s’était pratiquement alignée sur la position occidentale , avec le nain du Qatar, particulièrement belliciste .  Quant à Kadhafi lui-même, il ne pouvait  comprendre que, dans un monde  devenu village planétaire , où tous les peuples aspirent à la liberté , à la  dignité et à la justice .  Sa réaction au soulèvement populaire venait d’un autre temps : la répression, rien que la répression .

Par ailleurs, ce curieux personnage, semblait au faîte de sa gloire . Il  était devenu fréquentable et entretenait les meilleures relations avec les puissants de ce monde : que  l’on pense à son séjour à Paris fin 2007, et sa célèbre tente bédouine plantée à quelques pas  des  Champs -Elysées , ou  encore , au voyage de Nicolas Sarkozy  à Tripoli , en juillet de la même année ; aux bonnes notes du Fonds Monétaire  International (FMI), ou encore  aux excellents rapports du dirigeant libyens avec l’Italie de  Silvio  Berlusconi. 

Kadhafi collaborait même avec les services de renseignement américains, britanniques et français .  Et puis tous les rêves grandioses du «  guide  « s’effondrèrent comme un château de cartes , emporté par le » tsunami  arabe « . On se lève avec le monde à ses pieds, on se couche avec une pluie de bombes au dessus de sa tête .

Le coup de pied de l’âne arriva en  brayant , le 20 octobre, l’aviation française  interceptait le convoi du chef libyen .  S’échappant , sans gloire à pied.  Il  était repéré , atrocement battu par un groupe  d’insurgés  et finalement achevé  comme un vulgaire malfrat de cinquième zone .

On découvrit alors, que la « guerre humanitaire «  drapée dans  les bons nobles sentiments du nouveau principe « responsabilité de protéger «  ,   adopté par le   «  machin « alias  les Nations Unies, en 2005, n’était en réalité qu’une mystification . Elle dissimilait une politique classique visant à renverser  un régime et à   assassiner un chef d’Etat étranger , avec cette fois , le feu vert  du machin, alias l’ONU . L’épilogue à cet assassinat  est   toujours en cours . Ce n’est qu’une petite guerre civile  entre « nègres et bougnouls »  dont  personne  ne tirera gloire .  Mais , qui  sait , peut –être, un jour   on  renversera  la  vapeur et on se retournera  contre  l’oppresseur en lui rendant  coup  pour coup .  C’est déjà  commencé  en Afrique  du Nord  .  Le  salut  viendra peut-être de très loin …

UNE   LIBYE, EN LAMBEAUX , MAIS  DEBOUT FACE  À UN  MONDE QUI  L’AVAIT  RAYEE  DE  LA CARTE  « HÂTIVEMENT « …

Contrairement aux allégations de certains journalistes français  en mal de sensations fortes qui affirment que «  La Libye n’existe plus « . Eh  bien ils se trompent lourdement  ,  car  la  Libye existe  bel et bien .  Même   si son corps et  âme  sont en lambeaux  et son  territoire  est en proie d’un dépeçage systématique par les milices rivales  , la résistance s’organise partout sur  l’immense territoire  libyen .  Certes, elle est encore anarchique, à l’image de l’héritage de Kadhafi,  mais elle commence à s’organier péniblement .

En effet, la ville martyre de la révolution de 2011, ne cesse de combattre les fantômes de Kadhafi ,  dans une Libye brisée  qui prend les allures d’une géopolitique  aux  portes  de l’Europe .   C’est par la faute de l’Onu, L’Otan, et les deux principaux  instigateurs de la ratonnade de 2011, que la Libye en est arrivée là  où elle est maintenant .

Brisée en mille morceaux, par les frappes de l’Otan   et la coalition punitive qui s’était constitué à l’appel de la France et la Grande Bretagne , avec l’aide logistique et opérationnelle des Etats-Unis qui, lassés  de dix ans de guerre en Afghanistan et en Irak, ont délégué  la ratonnade africaine  aux petits gendarmes de l’Afrique, en l’occurrence la France et le Royaume uni .

Fait marquant, les frappes  de l’Otan et ses alliés ont épargné les champs de pétrole , les raffineries, les oléoducs  et autres infrastructures nécessaires  à la  marchandisation de l’or noir libyen qui, rapportait  entre 160 et  400  milliards de dollars à  la Libye  d’avant la révolution  de 2011 .

C’était en mars 2011, à l’heure où le colonel Mouammar Kadhafi affrontait  les premières vagues protestataires , une nouvelle séquence d’un  « Printemps  arabe «  , commencé quelques semaines  plus tôt , en Tunisie, puis prolongé  en Egypte .

Le siège de la ville de Misrata ( troisième après Tripoli et Benghazi )  par les forces loyales à Kadhafi, fut une véritable boucherie .  Un millier d’habitants auraient été tués .  Cependant, on peut  se demander , pourquoi ce déferlement  de violence ?  Le « guide «  libyen avait pensé que la cité lui serait reconnaissante de son opulence , confortée par l’ouverture économique des années 2000 : premier port de la Libye , siège d’une des plus grosses aciérie d’Afrique.  Pareille trahison , méritait un châtiment exemplaire .

En effet, la Misrata de la révolution c’est d’abord son martyr original . On dirait un deuil impossible à lever, une mémoire incarcérée .  Les stigmates du drame n’en finissent pas de s’étaler sur les murs de la ville . Lui répondant en écho vengeur, les images d’un Kadhafi en sang , lynché par les citoyens de la cité opulente , en octobre 2011 à Syrte . Film,  diffusé en boucle sur les écrans de télévision.

La rue de Tripoli, artère principale de Misrata, où artilleurs et snipers de Kadhafi  ont semé la mort , a  conservé  son décor mutilé .  Façades éventrées , carbonisées et parsemées d’impacts .   Les séquelles ont été maintenues intactes afin de pouvoir témoigner  comme un décor mort  d’un théâtre dévasté d’un récit sur lequel le rideau ne doit pas tomber .

Au musée des martyrs, les  cloisons sont tapissées  de photos de centaines de victimes, souvent jeunes , un cortège oppressant de visages de sacrifiés qu’adoucissent à peine des gerbes de fleurs .  A l’entrée , un tapis sale, à l’effigie de Kadhafi, où l’on continue  à s’essuyer les pieds, injure posthume à laquelle les visiteurs s’adonnent avec délectation.

Comment oublier ? Pour les Misratais, continuer à prendre les armes , c’est tout simplement honorer les morts . «  Misrata  est la ville qui a souffert le plus en Libye, on  ne peut pas abandonner la révolution « . L’homme qui clame sa détermination , n’est pas  une tête brulée . Il s’agit en effet, d’un homme d’affaires  délié, importateur de frites et de viandes congelées .  Il est typique de cette classe marchande de Misrata , frottée aux échanges avec  Malte, la Turquie, l’Italie et bien d’autres pays .  Et ne pas abandonner la révolution, signifie à leurs yeux, s’arrimer à la coalition «  Aube de la Libye «  , régnant à partir de  Tripoli , sur une grosse partie de l’ouest du pays .  Ce  rassemblement de groupes islamistes ( principalement les Frères musulmans ) , associés  aux salafistes .  A cela s’ajoute  un mélange hétéroclite  de laïcs,  des anarchistes  et  quelques libre –penseurs ayant fait des études supérieures  à l’étranger .  Leur  dénominateur commun demeure , une haine inguérissable de l’ancien dictateur et ses comparses . 

Si Misrata est à ce point stratégique  dans l’équilibre libyen , c’est parce que la ville contribue  à la moitié du potentiel  militaire d’Aube de la Libye.  Les brigades  de Misrata , en sont le véritable bras armé , allant jusqu’à guerroyer dans les sables du sud .  Elles  combattent l’adversaire de l’opération « dignité «  , une coalition de libéraux, d’anti-islamistes,  et d’ex-kadhafistes  recyclés qui se réclament de la légitimité du parlement exilé à Tobrouk , dans l’est du pays .  L’Assemblée  avait été élue  en juin, 2014, en vertu d’un  scrutin  reconnu par la  communauté internationale . 

A cette césure  principale  sont venus se greffer  des rivalités locales  et des conflits tribaux , illustrant la fragmentation territoriale du pays. Un tel désordre ayant ouvert des espaces inespérés à des groupes nouveaux .  L’Etat islamique (EI) demeure l’un des plus conquérants ayant établi ses bases  à Derna  (est) et Syrte , à l’ouest .  Misrata  continue  sa révolution de 2011 et prend difficilement la mesure de la nouvelle guerre  qui avait commencé  avec l’entrée fracassante de Daech  ( EI), en Libye parce que l’adversaire  de Tobrouk  ayant nommé le général  K. H.  Ancien dignitaire de l’armée de Kadhafi , entrée en dissidence à la fin des années quatre-vingt , à la tête de l’état-major .  La ville martyre y voit la preuve que l’ancien régime est de  retour (…)  Là, serait le vrai péril . 

En effet, l’activisme des nouveaux acteurs djihadistes , en particulier ses alliés salafistes de circonstance, au sein d’Aube de la Libye ( tel le groupe Ansar al Charia ), dont les connexions  avec Daech , sont établies , demeure  aux yeux de certains Misratais , secondaire .
« Nous savons que Daech –acronyme en arabe de L’EI, est présent à Derna et Syrte « .   Cependant, pour le moment , ce n’est pas notre problème . Notre priorité, c’est combattre la   «  contre-révolution « . Est-ce à dire  que les djihadistes radicaux ne sont pas un danger objectif pour cette ville imprégnée de culture laïque ? «   Nous les combattrons , mais plus tard « , une fois que nous aurons nettoyé la maison .

Ce  second front anti-Etat islamique a en fait commencé à s’ouvrir . Syrte, bastion de l’EI dans l’Ouest, est assiégée par les brigades de Misrata .  Voilà la preuve , clament les Misratais que leur ville , si elle est alliée aux « Frères musulmans «  pour défendre la révolution . est au fond hostile  aux djihadistes de Deach  (…) sic !

Dans les chancelleries  occidentales , les exilés de Tunisie ( un million  et demi ) , selon le gouvernement tunisien , où  les diplomates traitent avec bienveillance  .  A  l’heure où les Nations Unies, alias le machin , planchent laborieusement sur un plan de réconciliation nationale , Misrata  veut présenter les gages nécessaires pour remporter une place de choix dans le partage du pouvoir .

Reste que la métropole portuaire ne partage pas  la même analyse du danger représenté par Deach en Libye que les Occidentaux . Les Misratais établissent clairement une hiérarchie entre leurs deux adversaires :  les ex.kadhafistes  sont toujours tenus pour dangereux  que les islamistes radicaux ! A Misrata, on soutient même que l’EI à Syrte, l’ancien fief de Kadhafi, n’est qu’une leurre, mis en scène  par les forces issues de l’ancien régime .  « Les trois quart de l’EI de Syrte sont des ex-kadhafistes  qui veulent prendre leur revanche sur la révolution «  , assure un haut cadre   de  la ville de Misrata (…) Périlleux déni de la réalité de l’enracinement de extrémisme islamiques ?

Ainsi  Misrata s’érige-t-elle en rempart de la révolution avec l’assurance ombrageuse de ceux  qui ont vu les cadavres de leurs enfants s’empiler à l’arrière des pick-up.  Il y a une paranoïa  à Misrata , de se voir voler la révolution (…) ! Une telle prétention de Misrata , incarnant la rupture de 2011, avait fini par irriter les autres localités tentées par une pause dans la révolution .

Le malaise est d’autant plus aigu , que les brigades de Misrata éparpillées  dans l’ouest et le sud, sons perçues comme des «  forces d’occupation «  par les locaux . De vieilles  est sourdes haines contre les Misratis  surgirent de nulle part . Des représailles contre  les pro-Kadhafi , notamment les tribus  Warfalla et les  Noirs de Tawargha  , furent d’une extrême violence .  Par ailleurs, la lassitude     de la guerre est bien  présente partout , mais  personne s’ose le déclarer  publiquement .  Depuis le mois de mai, les  forces favorables à la paix s’affirement de plus en plus à Misrata au grand dam des groupes les plus islamistes de la ville .   Les jeunes sont lassés  de cette guerre fratricide  .  Les étudiants  sont les premiers à  lâcher prise  et refusent de partir au front .  Si la réconciliation  avec le camp de Tobrouk  est encore lointaine,  à cause de la personnalité du général Hafter  . Jusqu’à présent,  Misrata  ayant  récemment conclu des accords de cessez-le-feu  avec certains  adversaires ( comme la tribu Warshfana ) , de son voisinage immédiat . 

Cependant, comment arrêter les djihadistes ? Les principales capitales arabes et occidentales avaient, en un temps espéré atteindre ce but sans combattre, en confiant le travail à des milices locales aguerries .  Mais  cette   stratégie a montré ses limites .  Les Etats-Unis ont dû  replonger  ces dernières semaines dans le conflit  irakien , en menant des frappes aériennes contre Deach , et leurs alliés  kurdes, menaçant  de prendre trop de terrain .  Un nouvel acteur improbable  est entré dans  la danse macabre  en Libye . Il s’agit  du richissime  Etat  pétrolier : les Emirats arabes unis qui,  contrairement à  leur habitude  couarde,  ont engagé  leur aviation pour bombarder  « Aube libyenne «  , en passe de conquérir l’aéroport   de  Tripoli .

Les Etats-Unis  assurent n’avoir joué aucun rôle dans ces dernières frappes .  Ils jurent même n’avoir pas été avertis  de ce qui se tramait .  Selon  l’administration américaine, l’opération avait été entièrement montée par deux pays  arabes , en l’occurrence, l’Egypte et les Emirats arabes unis , qui avaient engagé leurs chasseurs et leurs pilotes . Est/ce à deux reprises  .  Ce n’est pas par hasard que les Arabes sont toujours en queue de peloton .  « Il arrivera  le jour où l’on interdira aux Arabes l’enseignement des mathématiques pour les remplacer par les sciences coraniques, comme au bon vieux temps du colonialisme , à la grandes joie  des islamistes et autres ennemis du progrès «  ****.



CONCLUSION


Période éminemment fragile  et volatile . Car  comment baisser la garde au milieu des loups ? Comment briser le cercle vicieux  d’ancestrales vendetta .  La Libye  n’a jamais  été un Etat  souverain.  Les Italiens  ont créé une colonie qu’ils avaient délaissée après la défaite des forces de l’axe  en  1945 .   Depuis la Libye  a tangué comme un  navire sans gouvernail . Les Officiers libres  libyens  se sont emparés du pouvoir en 1969 .  La Libye a vécu  son âge d’or  pendant  les premiers  quatre ans  .  Le  reste n’est que les effets pervers  de l’or noir .  Les libyens  seront-ils  une Nation ?   Rien  n’est moins sûr  pour le moment ! 






* « Les pièges d’une guerre «  par Serge Halimi – LE MONDE DIPLOMATIQUE –Mars 2002
** « Partition de la Libye «  Notre éditorial  par sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch  -Mars 2002
*** Notre éditorial «  Désintégration de l’Irak «  paru sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch - Novembre 2014 ;
*** Notre premier éditorial paru sur  IPA PRESS AGENCY Sàrl  -Janvier 1991 ;



DR MOHAMED BEN ABDALLAH ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE «  L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB
ENTRE   LE  POSSIBLE & LE REALISABLE » ;
EN LIGNE SUR NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch;
DEPUIS  le 1er mars 2009 ;

&

EDITORIALISTE – REDACTEUR EN CHEF DU SITE

DEPUIS  le 1er mars 2009 ;

DEUMEURANT SIS  1202  GENEVE II ;


Fait à Genève le 03 septembre 2015 .