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Yémen :     CHRONIQUE    D’UNE   GUERRE DE    CECESSION.


PREMIERE PARTIE : LE YEMEN



Alors que les « Houtistes » tiennent la dragée   haute à l’Arabie saoudite, qui soutient le Président élu en 2012, les sudistes entendent créer leur propre Etat.  Il s’agit   d’une situation favorable aux groupes djihadistes qui dominent la scène politique yéménite, depuis le départ forcé de l’ancien président Ali Abdallah Salah, qui avait régné sans   partage   pendant les trente dernières années.

OUT LOOK
Population :  23 millions ;
PIB :               35 Milliards de dollars ;
Taux de Chômage :    N.C ;
Espérance de vie :       63 ans ;
Source :                      Banque mondiale, FMI ;


Le 25 mars 2015, une coalition de dix pays emmenée par l’Arabie saoudite lançait au Yémen une opération de ratonnade sous l’appellation « Tempête du désert « !  L’objectif affiché de cette ratonnade était de rétablir la légitimité du président élu Abd Rabbo Mansour Hadi, poussé vers la sortie quelques semaines auparavant, par la rébellion dite « houtistes », issue des minorités zaydites (un courant du chiisme qui représente un tiers de la population), accusé à tort ou à raison, d’être à la solde de l’Iran.

L’objectif interne de cette guerre se doublait d’une dimension stratégique pour les saoudiens : réduire la « menace iranienne » et assurer le leadership du royaume wahhabite sur la région.

Par ailleurs, la légitimité de la guerre est, certes contestable, cependant, elle pourrait se défendre, dans la mesure où l’attitude offensive des houtistes, au cours de l’année 2014, et leur logique du fait accompli lorsqu’ils avaient opéré en janvier 2015 un coup d’Etat contre les institutions de la transition (formés à l’issue du « printemps yéménite, de 2011 », qui avait plongé le pays dans une impasse politique. Leur alliance avec l’ancien dictateur Ali Abdallah Salah, contraint de quitter le pouvoir sous la férule de la rue, en 2012. Et leur invasion des villes méridionales avait déclenché un conflit armée massif.

En effet, dès le départ, le projet de l’offensive saoudienne contre les houtistes se révélaient néanmoins un peu vicié. Il était peu conforme aux standards requis qui se sont imposés pour ce genre d’opérations humanitaires. Blocus maritime et terrestre, frappes indifférenciées ont fait des civils les premières victimes du conflit, amenant les ONG encore sur place, à envisager la possibilité d’une famine et à documenter de possibles crimes de guerre perpétrés par la coalition, aussi bien que les rebelles.

Par ailleurs, à mesure de l’enlisement des forces armées, il est devenu indéniable que les objectifs de l’Arabie saoudite et ses alliés ne pouvaient, en aucun cas, être atteints. Compte tenu des spécificités du conflit, et de l’histoire tumultueuse du Yémen, au soutien dont bénéficient les houtistes dans les hauts plateaux du Nord, mais aussi l’impréparation de l’offensive, il apparaît que personne ne pouvait sortir vainqueur de ce bourbier voulu par l’Arabie saoudite, afin d’assoir l’autorité du jeune prince Mohamed Ben Salman, l’étoile montante du royaume wahhabite. En effet, les bombardements saoudiens, puis l’offensive terrestre menée par les armées du golfe et les tribus yéménites alliées, vers la capitale, Sanaa, ont fait évolué vers le pire, un conflit déjà complexe.

LE MEPRIS SAOUDIEN POUR LA QUESTION HUMANITAIRE DEVRAIT A LUI SEUL INTERROGER LE SUIVISME OCCIDENTAL

Sur le plan opérationnel, le fait le plus remarquable reste la résistance farouche des « houtistes » et leurs alliés.  En effet, début août, la reprise d’Aden par les partisans de la coalition, à certes desserrer l’étau, notamment    en libérant l’aéroports   de la ville et son port de marchandises, permettant l’arrivée de l’aide humanitaire et militaire dans les régions « libérées «.  

Les avancées se sont poursuivies un temps avant butter sur Taez, troisième ville du pays, mais surtout sur la capitale Sanaa.  L’engagement au sol des troupes saoudiennes, émiraties et qataris n’a pas produit un effet immédiat.

Considérant l’asymétrie des forces militaires en présence et le fait que les houtistes ne bénéficient à Aden d’aucun soutien local et devraient affronter l’hostilité systématique des populations, le temps mis à libérer la deuxième ville du pays ayant révélé un manque total de coordination entre les acteurs anti-houtistes. Quant aux frappes de la coalition, elles ne semblent pas avoir affecté la capacité de mobilisation des houtistes auprès des populations du nord d’origine zayadiste qui vivent pourtant sous les bombes.  En outre, la répression orchestrée par la milice zayadiste contre ses opposants islamistes et libéraux avait un temps limité l’apparition d’un mouvement anti-houtistes   Sanaa.

En effet, l’objectif affiché par la coalition emmenée par l’Arabie saoudite, était de rétablir la légitimité du gouvernement dirigé par Hadi.  Ce dernier apparaît cependant largement hors-jeu, y compris à l’issue de son retour à Aden après six mois d’exil en Arabie saoudite. Il ne bénéficie même pas  du  soutien de la population du Sud Yémen, d’où il est originaire mais où il est souvent perçu comme un traître   à   la cause sudiste   et    un paria   à   la solde de ses protecteurs saoudiens, qataris, émiratis, voir turques (…)

Par ailleurs, la question de la préservation de l’unité du pays constitue entre autre une limite à l’opération saoudienne. En effet, l’offensive houtistes vers Aden, capitale du sud, en mars 2015, avait certes précipité le mouvement sécessionniste sudiste dans la guerre.  Jusque-là en effet, les houtistes et sudistes, chacun s’appuyant sur une logique identitaire - zayadiste- pour les premiers, régionale et historique les seconds. Cette situation n’était pas explicite de concurrence.  Mais l’implication saoudienne, initialement concentrée sur Aden, en quelque sorte, avait acté une dislocation annoncée du Yémen, permettant au mouvement sécessionniste du sud de prendre directement le contrôle du territoire.  De fait, la « libération d’Aden » avait été célébrée avec des drapeaux à étoile rouge de l’ancien Yémen du Sud souverain (1967-1990) et des promesses d’indépendance.

Quant aux membres de la coalition, ils feignent encore de croire en un Yémen unifié. Ils préfèrent avoir affaire à un Etat croupion à leur solde qu’à un Yémen unifié, capable de leur damer le pion le moment venu. Quant aux militants sudistes d’Aden, ils sont « hinterland », qu’ils soient marqués par l’idéologie socialiste ou islamiste. Ils prétendent prendre le pouvoir sous la houlette d’un nouvel Etat et revenir à la situation d’avant 1990, date à laquelle le nord et le sud s’étaient unifiés. Ils oublient, ce faisant, les divisions internes des sudistes, et particulièrement le mépris affiché pour Aden par les habitants de la province orientale de Hadramaout, qui se sont construits une identité propre et n’ont   aucune volonté de revenir dans le giron de la grande ville sudiste, préférant lutter pour leur propre indépendance, voire être annexés par l’Arabie saoudite (.,) 

Enfin, l’intervention des saoudiens au Yémen avait pour pour fonction implicite d’assoir la légitimité du nouveau roitelet, Mohamed Ben Salman, fils de son père, le ci-devant, roi d’Arabie saoudite, jeune ministre de la défense.  La manœuvre liée à la nomination de ce dernier au poste de vice-prince héritier d’Arabie saoudite, à la barbe de nombreux aînés de la famille royale, exigeait   que le jeune prince fasse ses preuves.  Or l’enlisement du conflit dans le pays et les incursions répétées des houtistes en territoire saoudien sont des signes de fragilité qui nuisent au clan royal.


Quant à la communauté internationale, comme à son habitude, elle a enfoncé sa tête dans le sable du désert saoudien, tout en affirmant « qu’elle continuait in fine « à laisser l’Arabie saoudite gérer seule la complexité du dossier yéménite. De leur côté, la Russie et la Chine ne proposent pas de politique alternative (…)  L’institution onusienne n’a certes pas ménagé ses efforts pour favoriser les négociations, notamment aux côtés du sultanat d’Oman. Toutefois la stratégie saoudienne n’est guère contestée (…) Dès lors, les failles de l’offensive menée par la coalition se doublent de forfaitures qui concernent en premier lieu les grandes puissances occidentales.  Le mépris saoudien pour la question humanitaire est patent et devrait à lui seul interroger le suivisme occidental. Il va de même pour les destructions par les bombes du patrimoine yéménite des sites classés par l’UNESCO.

Par ailleurs, les soutiens internationaux de l’offensive saoudienne, la France et les Etats-Unis, en tête, ne peuvent ignorer combien la structure du conflit est bénéfiques aux groupes djihadistes. La logique confessionnelle anti-chiite, souvent explicite, qui préside à la légitimation de la guerre contre les houtistes, se trouve en accointance avec l’idéologie portée par Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) et avec l’Organisation de l’Etat islamique Daech. Cette dernière, nouvellement apparue au Yémen, avait revendiqué diverses opérations contre les mosquées zaydites. L’écroulement des structures étatiques, le déploiement d’une culture des armes, notamment au Sud, bénéficient de façon manifeste à l’ancrage territorial des militants islamistes sunnites. Une telle dynamique risque de peser lourdement sur l’avenir du pays.

DEUXIEME PARTIE : ARABIE SAOUDITE 



GRANDE ANGOISSE   CHEZ LES PETROMONARCHIES DU GOLFE


Le jeune prince Mohamed Ben Salman, fils de son père, ayant reçu tout en héritage doit, faire face au retour en grâce de l’Iran et à la dégradation de la situation économique due à la chute du prix du pétrole.

Les chasseurs de superlatifs vous diront « une révolution «. Mais une révolution de palais. En Arabie saoudite, le jeune Mohamed  Ben Salman veut tout changer (économiquement, pour ne rien changer (politiquement  ) dans un royaume qui voit le cours de sa principale source de revenue, en l’occurrence le pétrole, s’effondrer. En effet, le baril de pétrole valait plus de 115 dollars en juin 2014, il oscille aujourd’hui autour de 30 dollars et est passé plusieurs fois sous cette barre fatidique, en janvier dernier. Or, le pétrole dont le royaume wahhabite est le premier exportateur dans le monde, représentent -en moyenne 92% des recettes d’exportation du pays.  Et surtout pour la nombreuse famille régnante, 90% des recettes budgétaires de l’Etat.

Le prince Mohamed Ben Salman, 30 ans « possède quelques atouts pour lancer sa révolution «, affirment les connaisseurs des couloirs des palais royaux saoudiens. Comme son nom l’indique, il est le fils du roi Salman, ayant accédé au trône en janvier 2015. Et son géniteur, bousculant les habitudes plus consensuelles de la vaste dynastie des Al-Saoud, l’a propulsé d’un seul coup à plusieurs postes à la fois : vice-prince héritier, ministre de la défense et président du Conseil des affaires économiques et du développement, lequel veille sur la stratégie du pays en la matière (…) Or chute du baril oblige, les comptes de l’Etat ne sont plus ce qu’ils étaient.

Le pays affichait   en 2015, un déficit budgétaire de 15% du Produit Intérieur Brut (PIB). Certes, grâce aux réserves accumulées pendant les périodes fastes d’un baril à plus de 100 dollars, les caisses du royaume sont encore bien remplies (plus 600 milliards de dollars aujourd’hui), mais ce trésor fond à une allure inquiétante : il a perdu 100 milliards en un an.

Par ailleurs, la dégradation de la situation financière et économique font  peser une menace vitale sur le régime saoudien dans un Moyen-Orient, où depuis les « printemps arabes « de 2011, les crises politiques et militaires s’enchainent et s’entremêlent, pour la plus grande inquiétude   des » pétro-bédoucraties «   du golfe. Déjà les Tunisiens et Egyptiens, emmenés par leurs jeunesses désespérées, avaient provoqué la chute de dictatures notoires, en l’occurrence, celle de Ben Ali et de Moubarak, deux bons alliés de l’Arabie saoudite, particulièrement le roi Abdallah, prédécesseur   Salman, avait alors ouvert grand le portefeuille de l’Etat afin de prévenir les ardeurs contestataires de ses propres concitoyens – encore sujet de sa majesté. Dans un pays où les deux tiers de la population ont moins de trente ans et/ou le taux de chômage des jeunes est plus de 30%. Plus de cent (100) milliards de dollars avaient été déversés par le régime, sous forme d’aides sociales diverses : aides sociales, augmentations de salaires, primes aux fonctionnaires et construction de logements …

Parallèlement, dans un style plus brutal et pour avertir ceux qui, au sein de la minorité chiite du pays (10% de la population installée à l’Est du pays, dans les régions de production pétrolière), seraient tentés de profiter du climat protestataire, l’armée saoudienne était entrée à Bahreïn en mars 2011.  Elle avait écrasé des manifestations démocratiques, dans un émirat à majorité chiite (environ 60%), mais dont la dynastie régnante est sunnite, comme celle de Riyad.

LE SPECTRE DE LA MENACE IRANIENNE !

Aujourd’hui, avec sa double casquette de ministre de la défense et de planificateur en chef de la stratégie économique (…) sic, le jeune prince Mohamed Ben Salman manie à la fois la carotte (de la réforme intérieure) et le bâton (contre l’Iran, sur la scène régionale). Deux fronts intimement liés par les luttes feutrées qui oppose l’Arabie saoudite aux autres producteurs de pétrole sur les marchés pétroliers.

En effet, en dépit de la baisse rapide des cours du baril, l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPPEP) ayant refusé jusqu’à présent, de diminuer sa production pour tenter de faire remonter le cours.  En effet, la domination de l’Arabie saoudite sur l’OPEP explique en large parties cette stratégie hyper-égoïste. Grâce à des couts d’extraction plus bas que les autres producteurs, Riyad engrange encore des bénéfices lorsque le baril tombe à 30 dollars. C’est    vrai,  face à des pays non membres du cartel pétrolier, comme la Russie ou les Etats-Unis, qui sont devenus en 2014, le premier producteur mondial d’or noir en exploitant les pétroles de schiste.  Mais c’est également au sein de l’OPPEP elle-même, face au Venezuela, par exemple.
A cela s’ajoute la rivalité de l’Arabie saoudite avec l’Iran. En effet, pendant que l’Iran était soumis à des sanctions internationales sur les exportations pétrolières en raison des incertitudes pesant sur son programme nucléaire. L’Arabie saoudite, qui dispose d’une importante capacité de production pétrolière de réserve, l’a remplacé sur les marchés. Cependant Téhéran, qui a conclu, en juillet dernier un accord sur le nucléaire avec les grandes puissances devrait progressivement lever ces sanctions et faire son retour sur la scène pétrolière. Surtout s’il trouve des investisseurs prêts l’aider à moderniser son appareil productif.

C’est donc une menace économique mais aussi géopolitique pour l’Arabie saoudite, qui s’inquiète    de voir son voisin prendre de l’ascendant sur la scène régionale (Irak, Syrie), même quand l’implantation de Téhéran dans un pays est faible, l’inquiétude des dirigeants saoudiens est telle,   qu’ils prêts à lancer leurs troupes, comme ils l’ont fait au Yémen, depuis mars 2015. Malgré l’important déficit des comptes publics, le budget de la défense voit d’ailleurs ses crédits augmenter dans le budget 2016, pour faire face à cet engagement.

L’ASIE PREMIER DESTINATAIRE DU PETROLE SAOUDIEN

La    destination   d’exportation du pétrole saoudien par région dans    est la suivante :
  • Asie & Pacifique : 61,8% ;
  • Amérique du Nord :17,5% ;
  • Europe du Nord : 13,3% ;
  • Proche –Orient : 3,8% ;
  • Afrique : 2,7% ;
  • Amérique latine : 1% * ;
Le maître mot en Arabie saoudite est devenu :  économiser et se diversifier ! Mais face à l’ensemble de ses concurrents sur le marché pétrolier, l’Arabie saoudite doit se souvenir aussi que, dans les années 1980, certains pays de l’OPPEP n’avaient pas respecté les quotas que l’Organisation avaient fixé à ses membres **. Elle a donc décidé cette fois de tout faire pour conserver ses marchés escomptant ainsi que le prix du baril finira par retrouver des niveaux plus acceptables pour elle.

Ce bras de fer, coûte très cher au royaume wahhabite, pour l’instant et  ne fait que rendre plus urgentes les réformes économiques impulsées par le prince  Mohamed   Ben Salman. Des réformes aux objectifs extrêmement ambitieux, sur lesquels ses prédécesseurs se sont souvent cassés les dents et qu’il les a exposés dans un entretien avec « The Economist » ***. Il y revendique sans complexe une « filiation intellectuelle « avec Margaret Thatcher, très libérale Premier ministre britannique de 1979 à 1990. Epoque de sinistre mémoire qui avait vu défiler les grévistes, dans les rues des villes du Royaume. Ainsi qu’à   la condamnation à mort   par la faim des Irlandais du Sinn Finn, notamment le célèbre Bobby Sand.  En tout cas, aujourd’hui, en Arabie Saoudite, chaque vendredi, on décapite au sabre des hommes et des femmes qui osent dire non   au  roitelet, on administre des coups de fouets en public et on ampute des « voleurs « qui, dans un royaume d’opulence ont volé une pomme (…) voilà   le triste visage du triste Sir qui veut être l’héritier de Margaret Thatcher.  Quant aux femmes du royaume, elles ne peuvent pas conduire un véhicule, ne peuvent pas non plus, se promener sans la compagnie d’un frère, d’un mari, d’un cousin ou un parent (…) 
Côtés recettes, le jeune prince exclut l’idée d’instaurer un impôt sur le revenu dans le royaume. Ce serait trop demander à ses sujets qui n’ont jamais payé un rial d’impôt. En revanche, il prévoit d’augmenter la TVA, mais uniquement sur les produits non essentiels, afin de ne pas pénaliser les classes moyennes et défavorisées.  De même, il entend supprimer les subventions sur l’eau et l’électricité.  Déjà l’essence ayant vu son   prix bondir de 50%, d’un   seul coup, fin décembre dernier.

Outre les économies, ces augmentations ont-elles  incitlé    les Saoudiens, jusque-là extrêmement dispendieux, à réduire leur consommation énergétique ? C’est un enjeu crucial de moyen terme dans un royaume qui voit sa consommation intérieure augmenter à vive allure, oignant à terme ses vitales capacité d’exportation.

Cette perspective combinée à l’incertitude que les variations des prix de l’or noir font peser en permanence sur les comptes du royaume, force les autorités saoudiennes à rouvrir d’urgence un dossier depuis longtemps sur la table, mais qui n’avance pas :  celui de la diversification de l’appareil productif du pays. Partant de ses seules exportations, la seule inflexion jusqu’à présent porte sur le modeste accroissement de la part des produits pétrochimiques dans le commerce extérieur saoudien.

Par ailleurs, à en croire les déclarations de Mohamed Ben Salman compte, dans un premier temps, sur les mines d’uranium notamment, pour diversifier l’économie (…).  Encore plus de matières   premières stratégiques à mettre sur le marché international. La ritournelle d’un tourisme saoudien revient chaque année comme le Hadj, où de plusieurs centaines de milliers (environ 2 millions de pèlerins environ)  envahissent la Mecque et Médine, où le port de voile est obligatoire et où les femmes n’ont toujours pas le droit à la moindre émancipation comme la conduite d’un véhicule.

PROMOTION DU SECTEUR PRIVÈ 

Pour   résorber le chômage des jeune, soit 11, 6% atteint des sommets, surtout chez les diplômés, officiellement  au  chômage, l’Etat saoudien, compte diversifier ses exportations qui passe par l’expansion d’un secteur privé, et notamment par le développement des petites et moyennes entreprises(PME-PMI) qui se heurte constamment aux habitudes prises par les sujets de sa majesté Salman Al Saoud, qui sont employés par deux tiers dans le secteur public.  Un secteur où les salaires sont plus élevés que dans le privé et où le temps de travail est 10 heures inférieur, note le Fonds Monétaire International (FMI). 

Ce qui n’incite pas les jeunes concitoyens du prince Ben Salman, à se risquer dans le monde du privé.  Outre la diversification des exportations, le réformateur en chef, veut s’attaquer à un autre serpent de mer : la « saouditation de l’emploi «.  Alors   que le chômage frappe, officiellement 11,6% de la population active de nationalité saoudienne, dont beaucoup de jeunes diplômés, le royaume emploie 6,1 millions d’étrangers sur une population   active totale de 11,7 millions.  Des étrangers, qui sont employés, près de 100% dans le secteur privé ***. Mohamed Ben Salman voudrait inciter ses concitoyens à les remplacer, au moins en partie.   Il proclame d’ailleurs, en dépit de son conservatisme affiché sur les questions politiques et mœurs, sa volonté de promouvoir une plus grande participation des femmes au marché du travail.

L’Arabie saoudite a en effet, réalisé d’importants investissements pour la formation des jeunes filles :la moitié des étudiants dans les universités publiques désormais son des étudiantes. Alors que ces différentes réformes seront inévitablement lentes à se mettre en place pour certaines d’entre-elles impopulaires, le prince Mohamed Ben Salman ayant rompu un autre tabou :  Il envisage de mettre   en bourse (une petite partie) d’ARAMCO, la compagnie nationale   pétrolière saoudienne dont la capitalisation serait potentiellement la plus importante au monde.

Au départ, cette ouverture  ne porterait que sur des filiales  de la société. Mais ça serait un virage politique important. Un virage risqué aussi, pour la dynastie Al-Saoud. Car elle supposerait de faire auditer les comptes de la compagnie et, d’un coup, de mettre au grand jour les sommes versées aujourd’hui aux   milliers de membres de la famille royale.  Le prince met en avant, dans ce projet, sa volonté de transparence et de lutte contre la corruption.   

LE ROYAUME WAHHABITE À L’ASSAUT DU MONDE !

Dans un tintamarre indescriptible, l’Arabie saoudite avait annoncé la création d’un méga-fonds souverain, le 25 avril dernier, n’a pas surpris grand monde. Ce qui a surpris, en revanche,  c’est la taille que le fonds devrait atteindre : soit 2000 milliards de dollars, 1940 milliards de Francs suisses, assure le royaume.

A titre de comparaison, le fonds souverain norvégien, le plus important au monde, pèse 850 milliards de dollars.  La masse saoudienne, issue de la vente d’une partie de la société pétrolière ARAMCO, serait ainsi suffisante pour racheter les quatre plus grandes capitalisations du monde que sont Apple, Google, Microsoft et Berkshire Hathaway, se sont empressées de souligner les observateurs.

Pour l’Arabie saoudite, dont 90% des revenus proviennent des énergies fossiles, le fonds souverain représente l’après-pétrole, Une réalité que la chute du prix du pétrole depuis 2014, n’a fait qu’accélérer. En Mars, le prince Mohamed Ben Salman ayant révélé aux journalises de Bloomberg qu’un véritable vent de panique avait soufflé sur le royaume l’an dernier lorsqu’il avait été découvert que celui-ci puisait dans ses réserves monétaires beaucoup plus vite que prévu. Et qu’il y avait un trou de 200 milliards de dollars dans le budget annuel. « Si l’on avait continué avec le même niveau de dépenses qu’au  mois d’avril 2015, nous aurions été totalement à sec en moins de deux ans «, ayant même expliqué son plus proche conseillé financier M. A.S.

Pour éviter la banqueroute, le prince avait réduit de 25%le budget de l’Etat, introduit un contrôle strict des dépenses, emprunté sur les marchés financiers et coupé dans les subventions (eau, électricité et essence). Il plaide pour une introduction d’une taxe sur les produits de luxe à l’horizon de 2018. 

En effet, la mesure la plus importante annoncée à ce jour, reste toutefois la vente, via une introduction en bourse, de 5% du capital d’ARAMCO, la société étatique pétrolière, véritable bras armé du royaume, est le premier producteur du pétrole au monde, avec une capacité de 12 millions de barils par jour. Elle dispose en outre des deuxièmes réserves de brut, derrière le Venezuela. C’est le produit de cette vente qui viendra alimenter le fonds souverain dans un premier temps. Pour le prince, ce fonds représente l’assurance d’une meilleure gestion des pétrodollars, car selon lui, 80 à 100 milliards de dollars par an ont été dépensés à mauvais escient ces dernières années par les milliers de membres de la famille régnante.  Faut-il dès lors, s’attendre à ce que le royaume wahhabite rachète le monde entier, qu’il mette la main sur une grande banque suisse, une tour de Londres ou un club de foot européen ?

 LA   VENTE D’ARAMCO NE SERA PAS UNE CHOSE FACILE

La tâche ne sera pas des plus faciles, estiment les experts. Tout d’abord, parce que le fonds ne disposera pas de 2000 milliards de dollars du jour au lendemain, n’en déplaise au prince de 31 ans. « Si ARAMCO est valorisée à 2000 milliards de dollars aujourd’hui, il faudrait toutefois que l’Arabie saoudite en vende la totalité pour que ce fonds atteigne cette taille «, souligne le directeur de   GEO ECONOMICA, une société spécialisée dans les risques politiques. Or, ils n’ont prévu d’en vendre 5%, ce qui devrait rapporter 100 milliards de dollars. Cet argent sera administré par le fonds d’investissement public, une structure crée en 1971, qui possède déjà160  milliards d’actifs, précise S. H., responsable de gestion chez « The National Investor «, une banque d’affaire basée à Abu Dhabi.  « Ce à quoi pourrait s’ajouter les 550 milliards de dollars accumulés par la Banque Centrale saoudienne (SAMA), ainsi les produits de privatisations qui pourraient intervenir ces prochains mois.  Que ce soit les aéroports ou le système de santé «, poursuit-il. Le fonds pourrait continuer de croître année après année grâce aux revenus pétroliers qui ne serviront pas au fonctionnement de l’Etat.

Reste à savoir ce que les saoudiens feront avec ces pétro-milliards de dollars ?  Selon les    informations diffusées en compte-gouttes, la seule certitude est : le fonds qui devrait être crée en 2017, achètera surtout des actifs non liés au secteur pétrolier, avec pour objectif de porter les participations étrangères à 50% du portefeuille d’ici 2020. « Les investissements deviendront la source principale de revenu du gouvernement saoudien, ayant expliqué le prince  Mohamed  Ben Salman à Bloomberg «. « Si bien que d’ici vingt ans, notre Etat ne dépendra plus entièrement du pétrole «.

IMITER   LA STRATEGIE    DU   QATAR SERAIT  UNE   ERREUR STRATEGIQUE IRREPARABLE !

Pour S. B., les Saoudiens suivront l’exemple   des autres fonds souverains. « D’abord dans l’obligataire avant de développer une expertise qui leur permette de gérer un portefeuille d’actions » explique-t-il. Puis ils pourront investir dans des produits alternatifs comme l’immobilier, et acquérir éventuellement de larges positions dans les grandes sociétés internationales stratégiques leur permettant un transfert de technologie (…)  Pour les aider dans leur quête, les Saoudiens ont commencé à recruter des banquiers d’envergure. Peut-être, avec le temps ils essayeront certainement tout faire par Internet, comme les Norvégiens.  En attendant, ce sont les grandes banques qui participeront à l’introduction en bourse les bijoux du royaume en se frottant les mains …


CONCLUSION

Dans une région où les individus sont définis par leur ascendance, les Saoud   souffrent   d’un grand handicap :  ils n’appartiennent pas à la tribu du prophète Mohamed descendant Qoreish, la lignée la plus prestigieuse du monde arabe. Le titre de calife est réservé aux descendants de Qoreish, or les Al- –Saoud émanent de Hanifa (…)

Le monde arabe est un monde de sang : Au sommet figurent les descendants des deux ancêtres Adnan et Qahtan, suivent ceux qui ne peuvent pas revendiquer une telle origine. Fermant ainsi la marche   des descendants d’esclaves. Et le processus ne s’arrête pas là : ces catégories sont à leur tour subdivisées en filiation de plus en plus fines, mais jamais anodines.  Plus un individu s’approche du sommet et plus il doit émaner d’une lignée prestigieuse. Celui qui aspire aux hautes fonctions politiques ou religieuses est ainsi censé posséder des attributs de naissance descendante   des plus nobles de toutes celle Qoreish, la tribu du prophète Mohamed :  à  savoir Hachem, Taïm, Adi, Omeya.  Hachem a donné la lignée Abbas, Ben Abd-Al Taleb, oncle du Prophète. Ali s’est marié avec Fatima, fille di prophète qui donna naissance à l’Imam Al-Hassan et Al-Hussein. L’’Imam Ali ibn Abu-Taleb, avait été assassiné par un Kharidjite nommé Abderrahmane ben Maljem. La lignée du 4e calife Ali, gendre du prophète et 1er Imam des chiites.  Sa descendance se prolongea jusqu’aux Abbassides Califes de 750-1517. Leurs descendances :  Ruhallah Khomeiny, Hassan   Nasrallah , au  Liban et Mohamed VI, au Maroc. Les descendants d’Omeya sont Al-As Othman, 3e calife, Al Harb, Muawiya, premier calife Omeyade (661-750).  Le dernier descendant des béni Hachem est le roi Abdallah II, souverain de Jordanie.  Al Baddadi, revendique le califat sur le croissant fertile (Syrie, Irak et Jordanie), pour le moment il règne en maître sur Daech /EI).  Quant aux Al-Saoud, ils n’ont aucun lien avec Qoreish, et encore moins avec   l’Islam, puisque ce sont des convertis chrétiens qui avaient combattu l’Islam, à sa naissance.  Il s’agit d’une secte hanafite  qui  est en délicatesse avec l’Islam par ses origines chrétiennes qui   restent à démontrer.  L’Arabie saoudite est avant tout, un grand gisement de pétrole.  Maintenant, les Al Saoud veulent racheter la planète ! Ils doivent savoir qu’un mulet reste un mulet, même s’il est ferré en or massif. La preuve en  en est :  que les Al-Saoud ne permettent toujours pas que l’en   écrive les titres de Sayed ou chérif sur les cartes d’identité saoudienne. Ceux qui peuvent se prévaloir des appellations sont les califes potentiels, car sont les descendants d’Ali (le gendre de Mohamed), par Hassan ou Hussein. Et donc par Qoreish. Hélas, le risque qu’ils revendiquent le pouvoir est devenu très faible, cependant, on ne sait jamais… La dynastie hachémite repliée sur la Jordanie ne pose guère un problème aux Saoudiens, mais le guide de la révolution iranienne l’ayatollah Khomeiny, s’est révélé un ennemi redoutable, dans les années 1980, en revendiquant son appartenance à la tribu du prophète … L’une des raisons que l’EI joue actuellement sur les mêmes références.  Trop de revendications tue la vérité. Restons avec les existants : les hachémites, de Jordanie, les alaouites du Maroc, Hassan Nasrallah du Liban, qui peuvent justifier de leur lien de sang avec Qoreish et par conséquent avec le prophète Mohamed.

Quant aux Saoudiens, ils vivent sous une dictature trop implacable pour oser évoquer la question en public, mais ils n’en pensent pas moins, quand leur souverain se trouve en mauvaise posture.




* »Saudi Arabia  and the shiffinting geoeconomics of oil « , par Dag Harald Cleas . Al Canrrgiefor International Cooperation  21/05/2015 ;
**Journal  LE « TEMPS «  du  09/05/2016  « L’Arabie Saoudite  à l’assaut du monde « ;
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REFERENCES

ALTERNATIVES ECONOMIQUES No 354  - Février  2016 ;

ATLAS SOCIO-ECONOMIQUE  2014 – EDITIONS  LAROUSSE – Paris –France  2014 ;







DR BEN ABDALLAH MOHAMED ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION  ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB
ENTRE LE POSSIBLE & LE REALISABLE » ;
EN LIGNE  SUR NOTRE SITE  www.dr-ben-abdallah.ch ;
DEPUIS le 1er Mars 2009 ;

&

EDITORIALISTE-REDACTEUR EN CHEF DU SITE www.dr-ben-abdallah.ch;
DEPUIS LE  1er Mars 2009 ;

RESIDENT SIS  1202 GENEVE II ;


Genève   le    1er   /09/ 2016 ;