EDITORIAL POLITIQUE

EDITORIAL POLITIQUE « SPECIAL PRINTEMPS ARABE »
CINQ ANS DE TERGIVERSATIONS CHAOTIQUES …
PROLOGUE
« L ’étincelle qui provoqua la vague de révoltes en Tunisie , en janvier 2011, dite « printemps arabe « est pris en étau, entre le retour des pouvoirs autoritaires et la menace djihadistes . Mais l’exigence de la dignité et l’aspiration à la liberté sont restées intactes . La révolte se propagea dans tous les pays arabes à des degrés spécifiques à chaque pays de la région . Il faut cependant, retourner à la source de cette lame de fond survenue à travers une révolution presque oubliée … En effet, l’engouement unanime des responsables politiques pour la guerre traduit une méconnaissance de la réalité sur le terrain . En effet, la guerre décidée durant l’été 2014, l’engagement occidental ajoute une cinquième strate à une superposition de conflits qui embrasent l’aire arabo-islamique « .
LE VER EST DANS L’HISTOIRE …
En 1979, la révolution iranienne avait mis en place le premier régime politique contemporain , officiellement « islamique « , mais en réalité exclusivement chiite . Elle revivait ainsi le conflit ancestral entre sunnites et chiites qui représentait le premier strate d’une lente sédimentation . En effet, après sa prise de pouvoir à Téhéran , l’ayatollah Khomeiny demanda une gestion collective des lieux saints de l’islam , le défi apparut insupportable pour l’Arabie saoudite .
En 1995, en France, un certain Khaled Khelkal, jeune djihadiste trouva la mort près de Lyon , déclarait au sociologue allemand qui l’interrogeait : « le chiisme avait été inventé par les juifs pour diviser l’islam « . Il s’agit en effet d’une ânerie que les wahhabites saoudiens avaient l’habitude de débiter pour justifier le massacre des chiites , comme en témoignait , dès 1802, la prise de Kerbala ( aujourd’hui entre les mains des irakiens ( qui s’était traduit par la destruction de sanctuaires de tombeaux , dont celui de l’imam Hussein , et le massacre de nombreux habitants ) .
Cette « guerre de religion « déchire encore aujourd’hui, sept pays de la région, en l’occurrence , L’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, le Pakistan, le Liban, le Yémen, et le Bahreïn). Elle surgit sporadiquement au Koweït et en Arabie saoudite . Par ailleurs, En Malaisie, le chiisme est officiellement banni .
A l’échelle de la planète, les attentats les plus aveugles et les plus abjects avaient été commis , pendant pendant la période de pèlerinage « HAJ » , en langue arabe , tuant dix fois plus de musulmans que de non-musulmans . Les trois pays les plus frappés sont l’Afghanistan , le Pakistan et l’Irak . La communauté des croyants, «OUMMA » , que les salafistes et autres djihadistes prétendent défendre , recouvre aujourd’hui, un gigantesque espace d’affrontement religieux .
Dans ce contexte, on comprend pourquoi l’Arabie saoudite mobilise beaucoup plus facilement ses avions et ses troupes contre les » houthistes « du Yémen , assimilés aux chiites , que de porter secours au régime pro-chiite de Bagdad . On voit mal pourquoi les Occidentaux devraient prendre position dans cette guerre , et avec quelle légitimité ?
La deuxième guerre est celle que mènent les Kurdes pour se rendre maîtres de leur destin , en particulier contre l’Etat turc. Elle est née en 1923, dans les décombres de l’Empire ottoman . L’avènement du traité de Lausanne qui divisait le Kurdistan entre les quatre pays de la région : Turquie, Syrie, Irak et Iran . Par ailleurs, les nombreuses révoltes qui ont secoué le Kurdistan turc entre 1925 et 1939, ayant toutes été écrasées par Mustapha Kamel Atatürk. Depuis les années soixante, tous les soulèvements , en Turquie , en Irak ou en Syrie et en Iran ont été noyés dans le sang , dans l’indifférence totale de la communauté internationale .
Depuis 1984, cette guerre avait causé plus de 40'000 morts en Turquie, où 3000 villages kurdes avaient été détruits , pour un coût estimé à plusieurs millions de dollars . Nul ne devrait être surpris que la Turquie ait laissé affluer les candidats djihadistes vers les deux principales forces dans lesquelles se reconnaissaient le Front Al Nosra et Daeach ( Etat islamique ) , puisqu’elles combattent les Kurdes d’Irak et surtout de Syrie , très proches de ceux de Turquie . Principale menace pour Ankara . Le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), reste classé comme groupe terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis , et ne peut recevoir d’aide militaire occidentale .
Seul pays de la région à appartenir à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et avoir la capacité de modifier la situation sur le terrain, la Turquie, après moult tergiversations , avait fini par rejoindre la coalition . Cependant, elle concentre ses moyens sur la reprise des affrontements avec le PKK et voit d’un mauvais œil les Kurdes d’Irak et de Syrie gagner une indépendance de fait , depuis la première invasion de l’Irak par Bush père , en 1990-1991 .
Troisième guerre en cours, celle qui déchire les islamistes entre eux , depuis la première guerre du golfe (1990-1991) et plus encore depuis les révoltes arabes . En effet, la rivalité la mieux connue oppose les Frères musulmans , soutenus par l’Arabie saoudite , en Egypte , en Libye ou en Tunisie . A cela s’est greffé la concurrence entre, d’une part , Al-Qaïda et ses multiples franchises , et d’autre part, les affidés de M. Boubaker Al Bagdhadi , le chef autoproclamé d’un califat virtuel (Daeach) ou Etat islamique (EI ).
En effet, au cours des premiers mois de 2014, ces derniers ont pris le pas sur le Front Al Nosra, filiale locale d’Al Qaïda en Syrie , au prix de 6000 morts . La proclamation du « califat » avait suscité de nombreux ralliements . Les combattants étrangers de « Deach » ou « EI » proviennent d’une centaine de pays . En désignant Al- Bagdhadi , comme leur ennemi principal , les pays occidentaux ont orienté d’une façon décisives la mobilisation des djihadistes à ses côtés .
Enfin, l’une des guerres les plus meurtrières , qui avait fait plus de 250'000 morts et des millions de réfugiés , est celle que mène , le président syrien Bachar Al Assad, contre ses opposants .
LA POLITIQUE DU PIRE MENÈE PAR L’ARABIE SAOUDITE
La bataille que se livrent les Occidentaux apparaît comme un nouvel épisode d’une guerre plus ancienne , avec une autojustification historique insupportable pour les populations de la région . Faut-il remonter aux accords Sykes-Picot , ce partage colonial de la région entre la France et le Royaume –Uni les ruines de l’Empire Ottoman ? Faut-il remonter à Winston Churchil, alors secrétaire à la guerre du Royaume-Uni, faisant raser des villages kurdes –bombardés au gaz chimique ypérite - et tuer deux tiers de la population de la ville kurde de Souleimania , ou réprimant violemment les chiites irakiens entre 1921 et 1925 ?
Comment oublier la guerre Iran-Irak (1980-1988 ) , dans laquelle Occidentaux et soviétiques soutinrent « l’agresseur « de Bagdad et mirent sous embargo « l’agressé » Téhéran ? Monsieur Barak Obama est le quatrième président américain ayant envoyé des bombardiers en Irak , pays déjà meurtri par vingt-trois ans de frappes militaires occidentales .
Par ailleurs, après l’invasion américaine , entre 2003 et 2011, près de 120'000 civils * ont été tués . En 2006, la revue médicale « The lancet » estimait le nombre de décès imputables à cette guerre à 665'000 , cette catastrophe démographique s’ajoutant aux 500 000 morts causés par l’embargo international entre 1991 et 2002. Au dire de l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright , le 12 mai 1996, sur CBS, cela « valait la peine « .
Aujourd’hui, pourquoi les Occidentaux intervienne-ils contre Daeach ? Pour défendre les principes humanitaires ? Il est permis d’en douter fortement , lorsqu’on constate que trois pays de l’alliance continuent à pratiquer la décapitation, la lapidation et couper les mains des voleurs : le Qatar, les Emirats arabes, - très loin devant les deux premiers – l’Arabie saoudite . Et la liberté religieuse ? Pour les chiens ? En tout cas personne n’ose l’exiger de Riyad , où une cour d’appel vient de condamner à mort un poète palestinien pour apostasie **. S’agit-il encore d’empêcher des massacres ? L’opinion arabe a du mal encore à croire quand, deux mois après , près de 1900 morts dans les bombardements israélienne sur Gaza , qui avaient laissé les capitales occidentales , étrangement muettes .
Par ailleurs, la décapitation de trois occidentaux avait suffi pour décider de bombarder le Nord de l’Irak . « Mille morts à Gaza, on ne fait rien ; trois Occidentaux égorgés , on envoie l’armée ! « Dénonçait un site salafiste francophone .
Pour le pétrole alors ? L’essentiel des hydrocarbures de la région s’en va vers les pays d’Asie , totalement absents de la coalition pour tarir le flot des réfugiés ? Mais dans ce cas , comment accepter que les richissimes Etats du Golfe n’en accueillent aucun ? pour protéger « les droits de l’homme » , en défendant l’Arabie saoudite ? La capitale saoudienne vient de montrer son vrai visage d’une monarchie obscurantiste, ennemi du progrès, ennemi de l’humanité . Ses sujets préfèrent la compagnie de leurs dromadaires que leurs femmes, considérées comme des objets sans aucune utilité . Elles n’ont pas le droit de sortir seules, n’ont pas le droit conduire un véhicule, d’enseigner les mathématiques, ou d’être membre d’un jury d’assises . Riyad vient de montrer sa conception novatrice en condamnant , un jeune manifestant chiite , à être décapité , puis crucifié , avant que son corps soit exposé publiquement jusqu’au pourrissement (…) Les Occidentaux ne voient que du feu ! On leur achète des Rafales, des Frégates, des canons, du matériel dédié à la répression, l’espionnage de leur population, et surtout le flicage de leurs ressortissants vivant à l’étranger .
Sur le plan militaire, les contradictions sont plus évidentes encore aujourd’hui . Seuls les avions occidentaux bombardent réellement Daech. Les Etats-Unis déploient près de 400, la France, une petite cinquantaine, dans le cadre de l’opération « Chammal » . Avec l’arrivée du porte-avion–« Charles De-Gaule « , l’Arabie saoudite dispose d’environ 400 avions de combat , mais n’engage qu’une quinzaine en Irak, , soit autant que la Hollande et le Danemark réunis . En revanche, le royaume des Al-Soud, est engagé à fond au Yémen avec une centaine d’avions qui bombardent sans relâche les positions des Houtistes (chiites » , dans le cadre d’une campagne d’une coalition de dix pays arabes sunnites contre les chiites saoudiens dont le seul tort est d’être chiite . Etrange déséquilibre ! C’est bien contre les Houtistes chiites que Riyad mobilise toutes ses forces ! Et non contre Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), dont se revendiquait les auteurs du massacre de « Charlie» à Paris .
Cette organisation que l’ancien directeur de la CIA D. P. , ancien général de l’armée des Etats-Unis, qualifiait « de branche la plus dangereuse « de la nébuleuse Al-Qaïda qui avait pris le contrôle d’Aden , deuxième ville du Yémen . Désormais, Daeach a atteint ses objectifs stratégique dans la région . Tout d’abord, cette nébuleuse apparaît comme le défenseur des sunnites opprimés en Syrie et en Irak et au Pakistan . Ses victimes sont à 90% des musulmans . En Afghanistan, en Irak et en Syrie, au Pakistan, les victimes des attentats sont d’abord des chiites , ensuite de « mauvais musulmans «, en particulier des soufis , puis des représentants des régimes arabes , et , en dernier lieu seulement, les membres de minorités religieuses ou des Occidentaux .
Par ailleurs, Daech est parvenue à délégitimer Al-Qaïda et sa branche locale en Syrie , le Front Al Nosra . Les appels du successeur d’Ousama Ben Laden, Ayman al-Zawahiri, mettant en demeure Al- Bagdhadi, de se placer sous son autorité , traduisant ainsi, une impuissance pathétique . La somme des défections au sein des groupes djihadistes montre la dynamique nouvelle créée par Daeach .
A QUAND DAECH CONTRE L’ARABIE SAOUDITE ?
En quelques années Daeach est devenue l’ennemi numéro un de l’Occident . En réponse à la barbarie de l’EI , l’Occident avait déclenché contre lui une « croisade « qui ne dit pas son nom , mais qui peut facilement être présentée comme telle par les propagandistes du djihad . L’opération américaine « Inhrent Resolve «, « détermination absolue « , regroupe principalement douze pays de l’OTAN . plus l’Australie, et l’alliance retrouvée avec la Russie renforcera encore plus le caractère de « Front Chrétien « que les propagandistes djihadistes sur Internet savent très bien l’utiliser .
En effet, selon une pétition en ligne signée par 53 membres du clergé saoudien , les frappes aériennes russes ont visé « des combattants de la guerre sainte en Syrie « , qui défendent « la nation musulmane dans son ensemble (…) sic ! Et si ces combattants sont vaincus , « les pays de l’islam sunnite retomberont tous les uns après les autres » . Par ailleurs, la contre-stratégie militaire des Al-Saoud ne laisse planer aucune ambiguïté . Elle est essentiellement axée sur la lutte contre les chiites . Riyad, comme les autres capitales du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) ne peut considérer Daech, comme la principale menace , sous peine de se trouver contesté par sa propre société.
En effet, l’intervention saoudienne à Bahreïn , en 2012, était destinée à briser le mouvement de contestation républicain , principalement chiite , qui menaçait la monarchie sunnite des Al-Khalifa . Au Yémen, l’opération « Tempête décisive « , lancée en mars 2015, visant à rétablir un pion de l’Arabie saoudite, en l’occurrence, Mansour Hadi, renversé par la révolte houtiste . Il n’est donc pas question pour Riyad d’envoyer ses fantassins combattre Daeach , alors que 150'000 hommes sont déployés sur la frontière yéménites . Pourtant, le prochain objectif de Daeach devrait être d’asseoir la légitimité religieuse de son « calife » autoproclamé qui s’est lui-même nommé Emir Al – Mouminin « Commandant des croyants » , titre de l’époque abbasside . Il s’agit d’une imposture qu’aucun croyant ne, peut accepter . Toutes les références au califat abbasside ont disparu après la dislocation de l’Empire abbasside sous al Baramika (descendants du calife abbasside Haroun Al –Rachid ) . Quand aux délires de Daech, personne ne les prend au sérieux . Une véritable compétition est engagée avec l’autre puissance qui prétend prendre la tête de l’Oumma « et l’Islam avec, en l’occurrence de l’Arabie saoudite, une dynastie imposée par les Anglais qui s’est attribuée les lieux saints de l’Islam . L’Arabie saoudite est dorénavant contestée sur le terrain . Pour l’emporter , Al-Bagdhadi , doit défier le « le défenseur des lieux saints de l’Islam « . Nous pensons donc qu’à terme, une fois réduites les zones chiites , le calife auto-proclamé , visera l’Arabie saoudite …Pour le moment, les deux imposteurs sont à égalité . A quand un affrontement de titan ?
La question qui nous brûle les lèvres : quelles conséquences durables pour le vieux Continent ? Après les réfugiés afghans, irakiens, et syriens , l’Europe devrait rapidement voir arriver les réfugiés yéménites . Pays encore plus peuplé que la Syrie qui ne peut pas évacuer ses ressortissants vers les pays frontaliers , tous membres du CCG et qui refusent de recevoir qui que se soit .
Par ailleurs, depuis 2004, la guerre au Yémen avait fait plus de 340'000 déplacés , dont 15% vivent dans des camps , selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations-Unis . Outre le Yémen, accueillait 246'000 réfugiés , somaliens à 95% . Les bédoucraties du golfe ( membres du CCG) montrent leur visage hideux d’égoïstes , alors que l’exode syrien bat son plein depuis quatre ans . Aucune place n’est offerte aux réfugiés syriens par cette racaille du CCG . Honte à eux !
On comprend mieux pourquoi l’alliance mène une guerre pour laquelle elle ne peut fixer un objectif stratégique claire . Sachant que chacun des « alliés « est en conflit ouvert avec l’un ou les autres .
Par ailleurs, les interventions en Irak, en Syrie, au Mali ou en Afghanistan, s’apparentent au traitement de métastases : le cancer salafiste ayant son foyer dans les « bédoucraties « du Golfe (pays du CCG) , protégés par les Occidentaux selon la doctrine « Carter « . Alors peut-on détruire Daech sans renforcer d’autres mouvements djihadistes , le régime Assad ou celui de Téhéran ? La guerre sera longue et impossible à gagner , car aucun des alliés régionaux n’enverra ses troupes au sol, par crainte de menacer ses propres intérêts (…)
Quant à la stratégie occidentale fondée sur les bombardements et la mauvaise formation des combattants locaux ayant échoué lamentablement en Syrie, en Irak , comme en Afghanistan et au Mali, les Européens et Américains peuvent toujours poursuivre des objectifs qui ignorent les mécanismes des crises internes du monde arabo-musulmans afin qu’ils puissent vendre à perfusion leur quincaillerie de la mort sans que personne ne leur demande des comptes .
Plus l’engagement militaire s’accentuera , plus le risque de terrorisme augmentera , avant l’affrontement prévisible et ravageur qui devrait finir par opposer Daeach à l’Arabie saoudite . Peut-être nous assisterons à une désintégration programmée du CCG, origine de tous les malheurs du monde arabo-musulman . Qui sait tout est devenu possible …
LA GENESE DU DJIHADISME
A l’instar d’autre idéologies, extrémistes, le « djihadisme « puise ses racines dans le désenchantement provoqué par la première guerre mondiale . Le démantèlement de l’Empire Ottoman, dit « l’homme malade « suivit par l’abolition du califat par Mustapha Kamel Atatürk , la domination occidentale et la montée en puissance de nouvelles formes de socialisation ont engendré un véritable désarroi dans les milieux islamistes conservateurs .
Pour sortir de cette crise identitaire , certains militants « lettrés « et juristes et théologiens qui voyaient dans l’islam l’unique remède . Le plus important d’entre eux est sans doute celui des Frères musulmans . Une confrérie fondée par l’Egyptien Hassan Al-Banna. Pour ce dernier, « l’islam est ordre supérieur et total qui doit régner sans partage sur l’espace social musulman , car il est à la fois dogme et culte , patrie et nationalité , religion et Etat , spiritualité et action , Coran et sabre « . Un charabia inspiré de Youg Men’s Christian Association (…) Dans cet objectif bien obscur , il envisage une stratégie idéologique dont le but principal , à terme serait : islamiser la société par le bas en dépassant toutes les école juridiques et théologiques, avant de s’emparer du pouvoir et créer des Etats islamiques .
Le printemps arabe avait failli réaliser ce rêve fou en Tunisie et en Egypte . Heureusement, les Frères musulmans se sont cassés la figure en montrant leur incompétence en matière de gouvernance . Leur incurie crasse avait failli paralyser le pays. Le peuple tunisien refusa le diktat des Frères musulmans et les renvoya aux oubliettes de l’histoire par les urnes . Ils gouvernent avec Nidâ Tounès , sous la vigilance accrue de la société civile qui n’hésitera une seconde de les mettre à la porte du pouvoir .
En Egypte, c’est sans ménagement que le maréchal El-Sissi envoya en prison leur leader Mohamed Morsi et plusieurs centaines de leurs membres . La peine de mort a été prononcée contre plusieurs d’entre eux, mais jusqu’à présent , aucune sentence n’a été exécutée .
Par ailleurs, grâce à la simplicité relative de son discours et au zèle de ses membres, la confrérie avait élargit considérablement sa base de soutien en Egypte et ailleurs dans le monde, sans pouvoir s’emparer du pouvoir . Les Frères musulmans gouvernent au Qatar, en Turquie et en partie en Tunisie .
Dès la fin des années quarante, l’échec de la confrérie conduisit la minorité à adopter des positions plus radicales , notamment en ce qui concerne l’usage de la violence . Les choses s’accélèrent de manière dramatique durant les décennies suivantes , en raison de la répression sans précédent menée par le nouveau pouvoir des Officiers libres, qui s’installèrent au Caire, proclamant la laïcité , mettant ainsi fin à l’hégémonie de la confrérie .
En dépit de leur popularité et de leur adoption par certains groupes radicaux à partir des années soixante, les idées d’Al-Banna et de Qotb, sont freinées dans leur diffusion par un obstacle structurel : leurs auteurs ne sont pas des oulémas dépositaires d’une tradition séculaire , mais de simples intellectuels et militants islamistes . Une catégorie qui n’a pas encore trouvé sa place dans le champ politico-religieux . Tout le long des années 1960-1970 , plusieurs groupes djihadistes (Sahab Mohammed Al-Jihad et Al-Takfir wa –hijra ) se sont efforcés de remédier à ces carences en utilisant à l’envi des références classiques particulièrement , des écrits du juriste –théologien Ibn Taymiyya ( 1263-1328) et son disciple Ibn Qayyim Al-Jawaziyya . En vain !
En 1979, l’invasion soviétique de l’Afghanistan avait permit au djihadisme de se doter d’une doctrine théologique et juridique bien établie : le wahhabisme . Grâce au pétrodollars de l’Arabie saoudite , cette tradition avait pu s’imposer dans le champ islamique comme une nouvelle orthodoxie .
Né dans la seconde moitié du XVIIIème siècle en Arabie centrale, le wahhabisme est un avatar du hanbalisme , l’une des quatre grandes écoles juridiques du sunnisme . Prédicateur intransigeant , son fondateur , Mohammed Ibn Abel-Wahhab (1703-1792), ne reculait devant rien pour imposer ce qu’il considère comme seule vraie religion , celle du prophète et des pieux ancêtres « Al-salaf –al-salih « , d’où le terme « salafisme « , autre dénomination de cette tradition .
En 1744, il s’alliait aux Saoud pour bâtir sur la base de sa doctrine une entité politique : le premier Etat saoudien , en place jusqu’à 1818 .
Suivi aveuglement par ses disciples, Ibn Abdel-Wahhab, assurait « que la seule voie possible vers le salut est la restauration de la religion « pure « . Pour ce faire, il faudrait découvrir, encore une fois, le concept : « Al-Tawhid « ,éponyme de beaucoup de mouvements djihadistes .
L’ORGANISATION DE l’ETAT ISLAMIQUE ( DAEACH), A TIRE LES LECONS DES ECHECS D’AL-QAÏDA …
Devenir et rester un véritable monothéiste suppose d’appliquer strictement les prescriptions divines dans tous les domaines de la vie . Pour atteindre cet objectif , le wahhabites une interprétation rigoristes des textes sacrés . La chariâa, notamment les châtiments corporels – selon eux doivent être appliqués à la lettre .
Forts du projet Al-Banna , de la feuille de route de Qotb, , de l’orthodoxie wahhabite et la victoire contre les soviétiques , les djihadistes pensaient détenir, enfin la formule idéologique idéale pour mettre sur le métier, leur projet foireux d’un califat , se référant à « l’ Âge d’or de l’islam « . Comme l’attestent les professions de foi qui circulent sur la toile depuis 2007 . Cette idéologie a peu évolué durant les dernières décennies . Les seules nouveautés à signaler sont la montée en puissance du discours anti-chiite , dû au contexte saoudien , irakien et syrien . Autre avatar à signaler est le développement des écrits légitimant toutes les formes de violences et celui des récits messianiques .
Pour faire triompher ce qu’ils appellent la vraie religion (…) , les djihadistes avaient élaboré , depuis le début des années nonante plusieurs stratégies à la fois concurrentes et complémentaires . Al-Qaïda avait fondé sa raison d’être sur l’idée que l’ »Oumma , » est cible d’agressions intérieures et extérieures depuis des lustres . Les musulmans du monde entier ont l’obligation , selon elle, de porter secours à leurs semblables en détresse. Cette solidarité organique devrait s’exprimer à travers la pratique du « djihad global » , à la fois contre les grandes puissances et contre les régimes arabo-musulmans qui les soutiennent . L’objectif final est de chasser les puissances étrangères et les régimes corrompus qui les soutiennent .
Les membres d’Al-Qaïda pensaient faire de l’Afghanistan le foyer principal d’une nouvelle épopée . Après dix de guerre larvée , ils ont été renvoyé dans leurs foyers sous la férule des missiles et des bombes .
L’occident avait fini par délaisser cette terre maudite qui ne peut être autre chose que la désolation totale . En 1998, Ben Laden et ses lieutenants avaient prêté allégeance au chef des talibans , le mollah Omar, mort comme Ben Laden, lors d’un raid des forces spéciale . Tirant les conséquences de l’échec patent d’Al-Qaïda , Daeach adopta une attitude moins globale mais plus centrée sur l’agressivité et la transgression en tout genre . Les dirigeants de l’Organisation, pour la plupart d’anciens cadres du parti Baath syrien ou irakien , rompus aux stratégies complexes . Ils ont préféré tout d’abord de se doter d’une plate-forme au cœur du monde arabo-musulman et assurer leur autonomie financière avant d’envoyer leurs soldats à l’assaut du monde . Pour ce faire, ils ont suivi un plan en trois étapes , publié entre 2002 et 2004 sur Internet . Ce dernier préconise : « De l’administration de la sauvagerie : l’étape la plus critique que franchira notre communauté de croyants « en des termes simples et directes , cet opuscule explique comment les djihadistes peuvent profiter des évènements et des circonstances , sur le plan local ou international, pour mettre la main sur un territoire . Une fois conquis, celui-ci peut devenir une plate-forme, non seulement par le recours à une violence extrême et à une propagande implacable , mais également en s’inspirant de l’art de la guerre et du savoir-faire administratif occidentaux . La réussite partielle de cette stratégie et la proclamation du « califat » en juin 2014, ont fait des émules dans le monde arabo-musulman et ailleurs . Notamment au Sinaï, en Libye , au Sahel , en Tunisie et surtout en Arabie saoudite . Les attentats de Paris démontrent que la stratégie du terreur préconisée par Daeach mène à une impasse . Maintenant, tous les Français sont contre Daech et non une minorité d’irréductibles . Les maghrébins vivant en France seront dorénavant les premiers à combattre cette anomalie historique et cette aberration stratégique .
CONCLUSION
En guise de conclusion nous vous proposons des extraits la rencontre avec les responsables des sociétés du Croissant rouge réunis la semaine dernière à Genève. Parmi les centaines de membres des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge , réclament une attention particulière qu’ils n’obtiendront que par intermittence en Syrie, Irak, Yémen, et Libye . Rencontre avec ceux pour qui la guerre est un cauchemar quotidien .
Selon M. A. Attar , président du Croissant Rouge syrien En Syrie, les volontaires sont passés de 11'000 à 7'000. « chaque matin nous nous levons avec un seul objectif : être capables de continuer notre travail une journée supplémentaire « .
Le Croissant –Rouge est pratiquement seul maître pour décider de l’acheminement d’aide ou de secours . Le risque de transformer cette assistance en une arme politique , en choisissant ceux qui pourront en bénéficier . Le directeur balaye ce soupçon d’un revers de la main arguant qu’une cinquantaine de membres de l’organisation ont payé de leur vie leur volonté de porter assistance à chaque Syrien affirme-t-il . « Nous essayons d’être présents sur l’ensemble du territoire , à l’exception des régions tenues par Daech , comme Raqqa ou Deir –Ezz-or « .Face aux évènements, l’homme veut donner l’impression d’une maîtrise relative . Cependant, il concède « au delà des combats, la Syrie compte maintenant 9 millions de déplacés internes « . Leur venir en aide, leur trouver des abris relève du casse-tête . La Syrie se vide , et le nombre de volontaires syriens est passé de 11'000 à 7'000.
En Libye, c’est l’anarchie totale : deux gouvernements qui se font face , un à Tripoli, l’autre à Tobrouk . Aucun d’eux ne s’intéresse au travail réel du Croissant-Rouge sur le terrain . Des centaines de milliers de personnes sont sans abris, livrées à elles-mêmes , en proie d’être rançonner ou vendus comme du bétail aux seigneurs de la guerre ou à Daech qui occupe un quart du pays .
Les plus démunis et oubliés de tous sont les Yéménites . La délégation yéménite est presque une surprise puisqu’elle ne suscite aucune attention . « Notre pays est oublié de tous « s’est exclamé le représentant de Croissant-Rouge yéménite . Un pays saccagé, bombardé par l’Arabie saoudite et sa légion de mercenaires . Des bombardements qui n’ont aucune logique . Un jour c’est un village, le lendemain un quartier etc. La population se terre dans les ruines . L’aide arrive compte-gouttes et ne couvre pas l’ensemble du territoire et le Croissant –Rouge local fait tout ce qu’il peut dans la désolation totale …
En Irak , c’est aussi par millions que se chiffrent les déplacés .Mais l’Irak est toujours considéré comme un pays riche . Ils reçoivent moins d’aide que les autres . Une autre aberration de la guerre (…) Le Printemps arabe ayant accouché un lugubre hiver islamiste nauséabond . Quant aux Tunisiens, par qui la Révolution est arrivée, on leur a offert un lot de consolation sous forme « Prix Nobel de la Paix » (…) sic !
* Lire notre éditorial « IRAK : LA CASSURE ? Paru sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch le 02/10/2014 ;
** lire Akram Belaïd « Une obsession dans le monde arabe- Dossier « le complot » -Le Monde Diplomatique -« Juin 2015 –
REFERENCES :
LES CENT PORTES DU PROCHE-ORIENT – ALAIN GRESH & DOMINIQUE VIDAL ;
EDITIONS « AUTREMENT « -PARIS -
LE MONDE DIPLOMATIQUE No 741 – Décembre 2015 ;
DR BEN ABDALLAH MOHAMED ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB ENTRE LE POSSIBLE
& LE REALISABLE » , EN FORMAT PDF ;
EN LIGNE SUR NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch
DEPUIS LE 1er Mars 2009 ;
&
EDITORIALISTE-REDACTEUR EN CHEF DU SITE
DEMEURANT SIS 1202 GENEVE II ;
07/01/2016