
EDITORIAL POLITIQUE
PROLOGUE
Quand on regarde attentivement la carte du Monde, nous sommes effarés par la multiplication des territoires à la découpe . En effet, avant, une chaine de montagne, un cours d’eau , suffisait pour séparer deux pays. Hélas, ce système est complètement chamboulé . Maintenant, toutes les frontières sont tracés par l’homme, définies au terme de guerres et de négociations fixées dans des traités .
L ‘UNION EUROPEENNE ENFERME SES VOISINS
L’Europe, l’un des quelques territoires sanctuarisés de la planète , qui n’en finit pas de rehausser ses murs . Ses frontières extérieures sont devenues de plus en plus étanches , donnant ainsi un tour de vis aux politiques d’immigration toujours plus strictes, mais qui n’empêchent en rien le flux des migrants . Des immigrants de plus en plus audacieux qui, au péril de leur vie, prennent plus de risques énormes pour pas grand chose . Le Royaume-Uni, réputé plus libéral, commence à serrer les boulons en votant des lois contraignantes . En effet, depuis 1989, l’Europe a changé de murs . A Berlin, les représentants des nations démocratiques accueillaient unanimement la chute du mur de Berlin, comme une victoire de la liberté « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien » : l’article 13 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 allait enfin pouvoir s’appliquer . Dans une résolution de 1991, le Conseil de l’Europe se félicitait de ce que « des changements politiques permettent à présent de se déplacer librement à travers l’Europe , ce qui constitue une condition sine qua none à la périnnité et au développement des sociétés libres et de cultures florissantes « sic !
QUELQUES REPERES HISTORIQUES
En 1945, à sa sortie de la deuxième guerre mondiale, l’Europe, exangue était confronté à l’ampleur de la tragédie qu’elle venait de vivre . Aux destructions et aux pertes humaines, engendrées par le conflit, s’est greffé l’horreur des camps de concentration . La scène mondiale fut complètement bouleversée . Deux superpuissances s’opposèrent et semblèrent se partager le monde : Les Etats-Unis et l’Union soviétique . Deux idéologies et deux systèmes socio-économiques se sont affrontés pendant 43 ans (1948-1991) : d’un côté le capitalisme , de l’autre , le communisme . Pour qualifier cette confrontation, qui ne débouchera jamais sur un conflit armé direct , on avait parlé de « guerre froide » . Selon la formule de Winston Churchul (1947), un « rideau de fer »scinda désormais l’Europe en deux . Le mur de Berlin, érigé en août 1961, deviendra le symbole le plus expressif de cette partition du continent . Les pays neutres et non-alignés avaient cherché , avec des fortunes diverses, à échapper à cette logique détestable des blocs .
Le début des années nonante, fut marqué par la réunification allemande et dislocation de l’URSS, qui donna le jour à « la Communauté des Etats Indépendants », regroupant la plupart des anciennes Républiques soviétiques . C’était la fin de la division de l’Europe en deux camps et la disparition de la politique des blocs . Les deux états qui étaient anciennement sous domination soviétique , recouvrirent leur indépendance dans un contexte de crise économique qui ne va pas, sans créer de nouvelles incertitudes : risque de fragmentation , replis identitaire, regain des nationalismes agressifs etc. La construction européenne ne constitue pas simplement une réponse à des conjonctures historiques spécifiques telles que les deux guerres mondiales, dramatiques qu’elles furent . Elle s’inscrit également dans la durée , à travers le XXe siècle et modifie en profondeur le système international . Quant à la vie internationale, elle avait été dominée par une poignée de grandes puissances dont la liste avait varié au cours de l’histoire , en fonction de la fortune des Etats et des empires . En effet, durant les quatre siècles qui avaient fait l’expansion européenne, consécutive aux grandes découvertes, la scène mondiale avait été largement dominée par des puissances du continent européen . En 1914, à la veille de l’ouverture des hostilités , le cercle restreint des grandes puissances, comprenait les Etats suivants : Russie, Allemagne, Autriche-Hongrie , Italie, France, Grande-Bretagne, Japon, Etats -Unis .
Par ailleurs, durant le XIXe siècle, l’Europe avait pu paraître relativement pacifiée, parce que l’aventure impérialiste lui servait d’exutoire et, parce qu’à l’intérieur du continent les diverses puissances se contenaient mutuellement . Pour désigner cet équilibre précaire et fluctuant des puissances, les dirigeants parlaient de « concert européen « . Replacées dans une vision à long-terme, la Première et la Seconde Guerre mondiale apparaissaient comme des guerres civiles qui traduisaient la rupture de cet équilibre . En effet, le XXe siècle fut bref : il s’était ouvert durant l’été 1914et s’était achevé, pour les Européens, la nuit du 8 au 9 novembre 1989, avec la chute du mur de Berlin . Ainsi le XXe siècle aura assisté au passage d’un monde multipolaire euro-centrique à un sytème international dominé par une poignée d’Etats-continents . Dans cette perspective, les Européens bénéficient d’une quasi-certitude : aucun Etat du continent ne peut rêver d’appartenir à titre individuel à l’ensemble des grandes puissances qui ont dominé la première moitié du XXe siècle . En effet, la construction européenne répond, non seulement, à un faisceau de bonnes volontés qui visent à surmonter ce qui nous divise ou nous déchire « plus jamais la guerre « ! Et à un ensemble d’ambitions intellectuelles et spirituelles , mais aussi un redimensionnement du système international qui passa de l’euro-centriste à une vocation planétaire .
LES DEUX PRÈCURSEURS
Les premiers projets de construction européenne datent du XIVe siècle , au XXe siècle, deux tentatives d’organisation européenne apparaissent durant l’entre-deux guerres . Il s’agit , en 1922, de l’appel de Richard Koudenhove-Kalergi, à la création de la « Pan-Europe, qu’il reprendra dans un ouvrage publié en 1924, intitulé « le Manifeste européen « . L’heure du destin de l’Europe a sonné …Avec un inconcevable légèreté, l’Europe joue ses destinées ;avec un inconcevable aveuglement, elle refuse de voir ce qui vient , avec une inconcevable passivité, elle se laisse pousser vers les pires catastrophes qui aient jamais menacé un continent … En effet, en 1929, Aristide Briand, alors ministre français des Affaires étrangères, soumet à la Société des Nations (SDN) une proposition générale, de la confédération européenne. En affirmant « je pense qu’entre des peuples qui sont géographiquement groupés comme les peuples d’Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral « . Il présenta, en 1930, sous le titre de mémorandum sur l’organisation d’union fédérale européenne, dans une forme plus élaborée et plus précise , dont la rédaction revenait à son plus proche collaborateur , le poète et diplomate, Saint-John Perse (alexie Léger) . Malheureusement, ce projet ambitieux fut vite enterré par la SDN .
LA CREATION DU CONSEIL DE L’EUROPE
Le Conseil de l’Europe est devenu une organisation internationale de type classique qui comporte une Assemblée consultative de représentants des parlements nationaux et un Comité des ministres prenant les décisions à l’unanimité . Le Conseil de l’Europe, va s’élargir progressivement à l’assemblée des pays démocratiques du continent : Grèce et Turquie (1949), Islande (1950), République Fédérale d’Allemagne (1951), après la création de la RFA, Autriche (1956, après le traité d’Etat de 1955), Chypre (1961), Suisse (1963), Malte (1965), Portugal (1976, après la révolution des œillets ), l’Espagne (1977, après la disparition de Franco)l le Liechtenstein (1978), Saint-Marin (1988), Finlande (1989, grâce à la Glasnost) et, après le mouvement de démocratisation des pays de l’Est : Hongrie (1990), Tchécoslovaquie et Pologne (1991), Bulgarie et Roumanie (1992) . Depuis 1993, le Conseil de l’Europe, a en outre accueilli les deux Etats successeurs de la Tchécoslovaquie ( à savoir la République Tchèque et la Slovaquie ) ainsi que l’Estonie, la Lituanie, la Slovénie et la principauté d’Andorre. De façon générale, le Conseil de l’Europe, souhaite accueillir le plus rapidement possible les Etats européens de l’ex-URSS, pour autant qu’ils se donnent une orientation démocratique et respectent les Droits de l’Homme . Il rassemble en 1994, trente-trois Etats membres et fait place, en outre , à quelques Etats candidats à l’adhésion qui ont le statut « d’invité spécial » en l’occurrence ( l’Albanie, Biélourussie Croatie Liettonie , Moldavie, Russie et Ukraine) . Par ailleurs, le Conseil de l’Europe est apparu , dès sa création, comme une institution qui ne répond pas aux attentes des fédéralistes et des partisans d’une véritable union de l’Europe . Il joue cependant un rôle considérable dans la diffusion des valeurs démocratiques et le respect des Droits de l’Homme sur l’ensemble du Continent . En effet, depuis sa création , il a fait sien un triple objectif : celui de protéger , diffuser et renforcer la démocratie et celui des droits de l’homme ; celui de chercher des solutions communes aux problèmes de sociétés auxquels sont confrontées les diverses démocraties du continent . Enfin, celui de favoriser une prise de conscience des valeurs communes unissant les Européens .
Les critères d’admission au Conseil de l’Europe sont stricts qu’explicites. Ainsi que stipule l’article 3 des statuts : « Tout membre du Conseil de l’Europe reconnaît la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales « . Cet impératif est la raison d’être du Conseil de l’Europe . Si un Etat enfreint cette disposition , il peut être exclu . Ce fut le cas de la Grèce qui, sous le régime dit « des colonels » , fit l’objet d’une demande de suspension pour non respect des droits de l’Homme et se retira du Conseil de 1969 à 1971 . Ce fut également le cas de la Yougoslavie, en juillet 1992 . Ces critères font de la participation au Conseil de l’Europe une sorte de brevet de démocratie pour les pays membres . Ce trait contribue à le distinguer d’une autre institution : La Conférence sur la Sécurité et Coopération en Europe (CSCE), qui est ouvert à tout pays européen souverain , quels que soient son régime politique et son degré de respect des Droits de l’Homme .
ACTIVITÈS DE L’INSTITUTION
La tâche la plus importante du Conseil de l’Europe consiste à élaborer des conventions et accords européens . Depuis les début de l’institution jusqu’au 1er janvier 1995, cent cinquante conventions ont été adoptées . Outre le champ des Droits de l’Homme, elles touchent aux domaines les plus divers : affaires sociales, santé, culture, éducation et sport , médias, et environnement ainsi que la protection des données , mouvements et établissements de personnes, autonomie locale et coopération transfrontalière etc. Dans le cadre de son travail, le Conseil de l’Europe accorde la priorité à l’élaboration des normes qui aboutissent à des recommandations aux gouvernements ou à des conventions internationales . Certaines comme l’entraide judiciaire dans le domaine pénal, contribuent à la création d’un ordre juridique européen . D’autres établissent des procédures ou cadres quasi juridiques ( dans les domaines de la pharmacopée par exemple), favorisant la création d’une coopération administrative entre Etats (comme la lutte contre la drogue ) , ou la création d’organismes de services publics ( comme le Centre et Fonds européen pour la Jeunesse ) . Et enfin, le Conseil de l’Europe contribue à sensibiliser et mobiliser le public dans de nombreux domaines que l’environnement et la protection de la nature, la solidarité Nord-Sud, l’accès à la culture etc .
LA CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME
Après la Seconde Guerre Mondiale, en 1948, l’Organisation de Nations Unies adopte, à Paris, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme . Peu après, en 1950, les pays membres du Conseil de l’Europe signent la Convention européenne des Droits de l’Homme . Elle est entré en vigueur en 1953 . Cette convention constitue une véritable révolution dans les relations internationales , dans la mesure où elle comporte des mécanismes de contrôle et de sanctions précis . Elle apporte quatre innovations essentielles : elle reconnaît qu’un individu possède des droits devant lesquels la « raison d’Etat » doit s’incliner ; 2. Elle crée une juridiction pour garantir ces principes ; 3. Elle instaure une véritable obligation juridique pour les Etats ; 4. Elle permet à un individu de porter plainte contre un pays responsable . Tous les Etats membres ont aujourd’hui cette convention . Deux instruments juridique permettent à un individu, un groupe ou un Etat , de demander justice sur un point de droit contenu dans la Convention européenne des Droits de l’Homme : - la Commission européenne des Droits de l’Homme, instauré en 1950, qui est l’organe de contrôle de la Convention et statue, en premier ressort, sur la recevabilité de la demande et tente de concilier les deux parties ; - La Cour européenne des Droits de l’Homme, crée en 1959, qui, s’il n’a pas eu de conciliation , délibère en procédure publique sur les requêtes qui lui ont été soumises par les Etats et par la Commission. Elle a tranché, à ce jour, un peu moins de deux cents affaires. Par ailleurs, la Cour européenne des Droits de l’Homme ne doit être confondue ni avec la Cour de justice de La Haye qui intervient dans le cadre des Nations Unies, ni la Cour de justice de la Communauté européenne qui siège à Luxembourg .
LA CONVENTION EUROPEENNE POUR LA PREVENTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS OU DEGRADANTS
C’est à l’instigation du Genevois Jean-Jacques Gautier, que le Conseil de l’Europe a adopté cette convention . Elle est entrée en vigueur en février 1989. Son but est de renforcer la protection des personnes privées liberté du fait d’une autorité publique, qui risquent d’être ou qui sont déjà victimes de tortures et de peines ou de traitements inhumains et dégradants . Cette protection est assurée par un comité d’experts choisis pour leur indépendance et leur intégrité . Ces experts sont habilités de se rendre sur les lieux où séjournent des personnes détenues : prisons, commissariats de police, établissements psychiatriques etc. Le Comité effectue des visites périodiques dans les Etats parties à la convention ainsi que d’autres visites , le Comité remet un rapport à l’Etat concerné . Ce rapport contient souvent des recommandations ayant pour but de mieux protéger les droits des personnes privées de liberté . Si un pays s’y refuse de remédier à la situation dénoncée par le Comité , ce dernier peut la rendre publique . Ce qui n’empêcha pas l’Europe des années 2000 de se sanctuariser en enfermant ses voisins au delà des frontières de Schengen .
L’UNION EUROPEENNE N’A PAS DETRUIT LE RIDEAU DE FER,
ELLE L’A SIMPLEMENT DEPLACE LE LONG DE LA FRONTIERE SCHENGEN
De nouvelles lignes de front apparaissent à la fin de la guerre froide , le long desquelles d’autres remparts concrets ou virtuels sont apparus . Plus étanches et plus meurtriers qui jalonnent les frontières terrestres et maritimes . A l’Est, l’Union européenne, avait marchandé son élargissement en échange d’un engagement des nouveaux membres à surveiller les frontières . Sur le pourtour méditerranéen , le sommet européen de Tampere, prônait depuis 1999, une « coopération régionale entre les Etats membres et les pays tiers limitrophes de l’Union , en matière de lutte contre la criminalité organisée » , ce qui inclut le « traite d’êtres humains « . Le sommet des chefs d’Etats à Séville en juin 2002, consacra la lutte contre l’immigration illégale comme une priorité absolue de l’Union dans ses négociations avec les Etats voisins .
Ainsi, le vieux continent, s’estimant incapable de contrôler ses frontières , entreprend méthodiquement, au mépris des accords internationaux existants, de se décharger de cette tâche en amont , sur les pays de provenance et de transit . « Migreurop », un réseau de chercheurs popularisera le concept « d’externalisation « , emprunté aux économistes, pour qualifier ces entraves à la liberté de circuler prévue par les textes internationaux . En effet, les frontières de l’espace Schengen, bénéficient désormais d’une seconde enceinte , extérieure, nécessitant la collaboration des pays tiers . Baptisée « dimension externe de la politique d’immigration et d’asile « * par le programme de La Haye de 2004. L’externalisation charrie un cortège de faux-fuyants idéologiques alimenté par la doctrine d’exclusion de tout non-Européen du cocon de l’espace Schengen . Dans les faits, il s’agit de se défausser du contrôle des frontières sur les Etats non-européens , dans le cadre d’un partenariat inique qu’opaque qui broie des immigrés livrés à eux-mêmes . Cependant les dirigeants des vingt-sept, se doivent de présenter l’affaire comme une « une gestion concertée des flux migratoires « Par ailleurs, « l’externalisation « à la mise en place d’un dispositif souple, toujours un peu plus éloigné des frontières . Ses deux formes principales sont incontestablement, la délocalisation des contrôles et surtout la sous-traitance de « la lutte contre l’immigration illégale ». En conséquence, les grands perdants demeurent : l’exercice du droit d’asile que tous les pays de l’Union, se sont pourtant « engagés « à respecter en ratifiant la « Convention de Genève sur les réfugiés , et dont le droit de quitter « tout pays y compris le sien « proclamé par six textes internationaux . Afin de pouvoir ancrer sa doctrine, l’Union européenne avait, dès les années 1990, dépêché des « collaborateurs techniques « , notamment auprès des futurs Etats membres , pour endiguer les migrations à la source . Un réseau « d’officiers de liaison immigration « avait été formellement mis en place en 2004 . L’objectif principal de ces officiers de liaison est « contribuer à la prévention de l’immigration illégale et la lutte contre ce phénomène , au retour des immigrés illégaux et la gestion de l’immigration illégale « . Ainsi l’immigration se voit qualifiée d « illégale « avant même d’avoir eu lieu. La tâche principale de ces officiers de liaison est d’aider les autorités locales à vérifier dans les aéroports la validité des documents de voyage, ce qui est en principe, peut amener à bafouer la souveraineté du pays de départ . En 2001, l’Union européenne a instauré un système de sanctions financières pour les transporteurs coupables d’acheminer des personnes dont les passeports ou les visas sont invalides . Une directive fortement dissuasive puisque les amandes peuvent atteindre 500'000 euros qui s’ajoutent aux charges du refoulement des personnes interceptées . Les compagnies sont obligées d’engager du personnel spécialisé , ce qui relève de la quadrature du cercle puisque le personnel de bord (pilotes, hôtesses ect. ) n’ont pas forcément formés à une sélection des voyageurs avant leur départ . Encore une nouvelle entrave à la liberté de circulation des personnes . Cette privatisation des contrôles réduit le travail de filtrage à l’arrivée .
Elle est lourde de conséquences lorsque ces départs sont justifiés par un besoin de protection pour les demandes d’asile . Car , si en principe, ces derniers ne peuvent se voir opposer l’irrégularité de leur situation, ou le défaut d’un visa valable, une fois arrivée dans le pays d’accueil, encore faudra-t-il qu’il ait pu atteindre . Par ailleurs, c’est une Agence de l’Union européenne, dénommée « FRONTEX » qui, depuis 2005, coordonne les opérations d’interception maritime entre la côte africaine et les îles Canaries , ou encore dans le canal de Sicile . En son temps, M. José Luis Zapatero , alors Premier ministre espagnol , s’était félicité , fin 2009, de la réduction de moitié des arrivées « illégales » en Espagne, par la mer . Cependant, tout indiquait que la mortalité des migrants, en mer, ou dans le désert , elle n’a pas diminué . En effet, si le renforcement des obstacles, ne freine pas les départs, il impose le recours à des routes migratoires beaucoup plus longues et plus dangereuses . Nul ne sait dans quelles conditions a lieu ou non, lors des interventions de FRONTEX , l’identification d’éventuels demandeurs d’asile , une démarche, en principe obligatoire, au regard des normes européennes d’accès au territoire des Etats membres . En effet, outre le fait qu’elle se déroule à l’abri de tout contrôle démocratique, cette délocalisation , dont FRONTEX , est devenue le symbole, permet aux pays européens de se soustraire aux exigences imposées sur leur territoire par leur engagement dans le domaine des droits fondamentaux .
L’HECTACOMBE MIGRATOIRE
L’externalisation du contrôle des frontières constitue la trame du « partenariat global avec les pays d’origine et de transit « validé par le pacte européen sur l’asile et l’immigration , conclu entre les vingt-sept, en 2008, à l’initiative de la France, qui exerçait alors, la Présidence de l’Union et avait fait de la lutte « contre l’immigration subie « son cheval de bataille . Au nom de la « synergie entre les migrations et le développement « , un texte qui place les pays d’où viennent et passent les migrants , en route vers l’Union, en position de gardes-frontières obligés .** Ils ont ainsi tenus de protéger à distance les frontières européennes en échange de contreparties financières ou politiques . « Le statut avancé » obtenu par le Maroc est l’illustration de ce vil marchandage entre un Maroc , prompt à toutes les turpitudes pour trois fois rien . En 2008, le Royaume de Mohamed VI, a été récompensé pour son statut plus royaliste que le roi qui n’a pas ménagé ses efforts pour jouer le rôle qu’on attend de lui dans la gestion des migrations ***. Par ailleurs, les accords de « réadmission » signés avec les pays voisins représentent un élément-clé du dispositif . Pour pouvoir expulser un étranger en situation irrégulière, sur le sol européen, il faut que son pays d’origine ou, désormais, le pays qu’il a traversé en dernier le reconnaisse . En effet, conscients du fait que les pays tiers ne trouvent guère d’intérêt à accepter le retour de ses ressortissants, et encore moins celui des migrants qui n’ont fait que transiter chez eux . Les Etats européens se sont lancés dans un cycle infernal sans fin, de transactions , le moins qu’on puisse dire, douteuses, dont la logique entraîne la floraison d’une corruption rampante , qui s’ajoute à un recul généralisé des droits fondamentaux, entre autres , au Sénégal, en Ukraine ou certains pays des Balkans . Victime directe de cette guerre menée par l’Union européenne et par ses Etats membres contre les candidats à l’exil , le droit d’asile est balloté partout et les candidats sont repoussés ou retenus « dans des pays tampons » auxquels est assigné la protection la forteresse Europe. Par ailleurs , ceux qui seraient éligibles au statut de réfugié (4 à 5%) , selon les pays, sont privés de possibilité de le demander . Au nom d’un prétendu « partage du fardeau « l’Union feint de croire que les demandeurs d’asile qu’elle ne veut plus accueillir le seront dans de bonnes conditions chez des alliés dont elle a su monnayer la collaboration . Elle encourage ainsi, dans des pays qui n’ont ni la capacité logistique ni la volonté politique d’intégrer des réfugiés , par exemple ceux du Maghreb, des poussées xénophobes à l’encontre d’une population mal accepté et contrainte à une vie précaire . Elle incite aussi au développement d’une multitude de camps de rétention, qu’elle –finance, comme l’Ukraine depuis 2004 . Encore s’agit-il d’un pays signataire de la convention de Genève sur les réfugiés . Ce n’est pas le cas de la Libye, où les mauvais traitements infligés aux migrants et aux réfugiés sont largement documentés . Et pourtant , depuis 2009, l’Italie refoule des embarcations de migrants pour les remettre aux mains des autorités libyennes . Ce faisant , elle viole à la fois le droit maritime international et le principe de non-refoulement , qui interdit de renvoyer des personnes susceptibles d’avoir besoin de protection .
LA LUTTE CONTRE « L’IMMIGRATION ILLEGALE « EST EN REALITE UNE LUTTE CONTRE L’EMIGRATION
En effet, les violations de principes engageant l’Union au regard des droits fondamentaux sont commises par un Etat membre sans susciter aucune réaction, sinon la recherche de solutions pour lui permettre de continuer à agir ainsi . En juillet 2009, la Commission européenne proposait à la Libye de Kadhafi, d’engager une « coopération pour parvenir à une gestion conjointe et équilibrée des flux migratoires « , tandis que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ( UNHCR), offrant des bons offices pour une « gestion humanitaire » des centres de détention . Par ailleurs, au delà, de la question de l’atteinte aux droits des réfugiés, l’instrumentalisation par l’Union du partenariat avec les pays tiers, menace dangereusement une liberté première, celle d’aller et venir . Elle affecte aussi les flux migratoires de ceux qui ne souhaitaient pas particulièrement se rendre en Europe . Quant au concept de « développement », qui paraît généreusement inspiré , en associant migration et développement, il s’avère comme une régression . Car si officiellement elles n’en constituent qu’un volet , les questions liées à la sécurité des frontières occupent une place prépondérante dans un marché de dupes. Quant au discours de co-développement, il permet de faire accepter des décisions européennes unilatérales , à des populations soudain qualifiées « d’acteurs de développement « . Une façon de protéger l’idée, en Europe mais aussi dans les lieux de son départ, que le développement des pays d’origine va enrayer l’immigration illégale . Il s’agit , bien entendu d’un double leurre : le décollage économique d’un pays a en effet tendance à favoriser la mobilité de ses ressortissants . Quant à l’aide, elle est souvent détournée par des dirigeants sans foi, ni loi . Leurre efficace pour assurer leur mission de filtrage , des pays verrouillent leurs frontières et se transforment en geôliers de leurs propres nationaux . Jusqu’à présent, les résultats tangibles de cette « coopération » mise en place , par exemple , entre l’Espagne et certains de ses voisins d’Afrique : En Algérie et au Maroc, la loi fait de « l’émigration illégale « un délit, tandis que le Sénégal punit dans les faits . Les populations ne sont pas dupes , il s’agit d’un blocus inversé . Comme le titrait le quotidien sénégalais , « Le Soleil « , à la veille de la Conférence euro-africaine de Rabat , en 2006 sous le titre « l’Europe ferme nos frontières « . La situation a encore empiré depuis l’avènement du « Printemps arabe » qui s’est transformé en « Hiver islamique » . ·
* Notre Thèse de doctorat « l’L’Intégration économique du Maghreb entre le possible et le réalisable – Chapitres VIII & IX . ·
Visible sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch ·
** L’EUROPE EN BREF –Editions ACTES SUD TOMES 1, 2, 3, 4 et 5 ·
*** Rapport sur l’Italie du Comité pour la prévention de la torture et
des peines ou traitements dégradants (CPT)
Conseil de l’Europe, 28 Avril 2010. ·
**** Manière de voir , No 128 (Avril-Mai) 2013
DR BEN ABDALLAH MOHAMED
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB
AUTEUR DE « L’intégration économique du Maghreb entre le
Possible et le réalisable »
EN LIGNE SUR NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch
Dès , le 1er mars 2009 &
REDACTEUR EN CHEF DU SITE «
www.dr-ben-abdallah.ch
BASE , SIS 1202 Genève - CH
02/05/2013