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EDITORIAL  ECONOMIQUE


LIAISONS DANGEREUSES    POLITIQUE   & ARGENT …

PREMIERE PARTIE

Dans un monde matérialisé jusqu’au boutisse, il est  de bon aloi de vérifier  l’assertion  selon laquelle : «  l’argent mène  à la corruption  et la  corruption  mène à la faillite des États «  . Assistons-nous à un fin   de cycle ou le début d’un autre ?

En effet, la politique dite « moderne « est devenue une véritable profession, qui entretient des liens complexes avec l’argent et de plus en plus serrés avec le marché. Au point  aujourd’hui de brouiller la nette démarcation public -privé.  La question qui se pose est : est-ce-que la politique est une profession comme les autres ?

Emplois  fictifs, abus de biens sociaux, prise illégale d’intérêts, corruption  endémique etc.…La litanie  est longue  comme un jour  de jeûne  dans le désert .   En effet
, la  litanie  des scandales financiers impliquant des responsables politiques contribue  à  rallier un nombre  croissant  de citoyens au slogan : «  «  tous pourris " . Elle alimente aussi une exigence toujours plus grande de probité et de transparence de la part  qui gèrent les affaires publiques .  Ces derniers ont beau jeu  de mettre en avant leur  « désintéressement «  et leur « sens du sacrifice «  …Mais ils contribuent par-là, à faire  oublier que la politique « moderne » est devenue une véritable profession , exercée par des agents devant vivre , non seulement « pour « , mais aussi  de « cette activité « , selon  la formule  de Max Weber * .

Souvent déniée par les acteurs eux-mêmes, comme si elle contrevenait à l’idéal démocratique . En effet,  cette professionnalisation comporte plusieurs  dimensions qu’il faut distinguer .

La politique ,  est tout d’abord devenue une affaire de spécialistes .  Ce que l’on peut  regretter , mais  qui ne fait qu’illustre la complexification croissante de nos sociétés  et de la division du travail toujours plus poussée qui l’accompagne . 

En effet, administrer  une collectivité ou concevoir des lois  demande  des savoir-faire avancés et un travail de  chronophage . L’indemnisation des élus , ensuite, constitue  une condition nécessaire de l’ouverture de ces fonctions à d’autres couches sociales que les aristocrates et les grands-bourgeois ,  qui   ont longtemps  monopolisés .

En France, cette indemnisation a ainsi  été instaurée  - en toute discrétion  - en 1789 pour les députés de l’Assemblée constituante contrains  de siéger à Paris , pendant plusieurs semaines . Il faut  attendre le suffrage universel en 1848 pour que l’indemnisation parlementaire soit clairement associée à l’ouverture du jeu politique aux classes populaires .

Il n’est d’ailleurs pas anodin que le second Empire  et le régime de .  Vichy suppriment temporairement , en 1852 et 1941, la réforme  de  1906 . Obligés  d’abandonner leur activité antérieure, ces élus issus de la petite et moyenne bourgeoisie, avaient alors intérêt  crucial  à ce relèvement pour préserver leur train de vie . Mais ces nouveaux entrepreneurs politiques doivent s’appuyer sur  une   conséquente de collaborateurs  pour organiser  leurs compagnes  et leurs activités .

Ce n’est cependant  qu’en 1953, que la rémunération de ces derniers  commence à être prise  en charge par le budget du parlement , et encore au départ pour le seul  secrétariat .  Il faut attendre 1975, pour que le bureau de l’Assemblée  décide d’accorder aux députés  les moyens de recruter  des « collaborateurs de bon niveau  pour l’aider dans son travail politique et  législatif « . Cette population de plus de 3000 personnes dans les deux parlements constitue  l’un de ces champs adventices  (avec les collaborateurs  des parties,  des  syndicalistes , communicants  et fonctionnaires )où  se forment  et  se recrutent les futurs élus .

Enfin, cette clôture du champ politique , offre désormais la possibilité  de véritables carrières au détriment de l’entrée  de « profanes », relève la montée des savoir-faire techniques , militants et  relationnels  nécessaires à l’exercice de   telles   fonctions .



CORRUPTION  ET CLIENTELISME, DES  PHENOMÈNES  AMBIVALENTS !

Quel que soit  sa vertu personnelle, le soupçon de  corruption  plane au-dessus  de tout homme ou femme politique .  Mais encore, le terme recouvre des phénomènes d’ordre divers . La récente affaire  dite «  emplois familiaux de François Fillon, a par exemple  montré que certains arrangements entre amis ou (la   famille !) peuvent enfreindre  des normes morales mais non juridiques et réciproquement .  C’est pourquoi, comme le montre le politiste Pierre Lascoumes , la corruption peut être définie d’au moins  trois manière différentes :comme abus  d’une fonction publique, comme  une atteinte    aux principes démocratiques et, enfin comme  transaction entre acteurs  publics ou privés . »Les dénonciateurs pessimistes » , l’envisagent eux, « comme importante grave » . Entre les deux, pôles , les « pragmatiques  inquiets « , la réprouvent , tout en l’estimant mineure et «  les réprobateurs réalistes «  , la considèrent répandue , mais font preuve d’une certaine tolérance à son égard, l’envisagent comme « un moindre mal nécessaire «  .  Cette géométrie variable des jugements révèlent les tensions entre  intérêts  individuels   et intérêts  collectifs  et intérêt général . « inhérentes à toute société organisée «  , souligne  Pierre Lascoumes .

En effet, au flou de la caractérisation des pratiques , semble donc répondre l’ambivalence de l’opinion . Certains chercheurs, proposent ainsi de parler de « complexe de la corruption «  pour désigner « lensemble des pratiques dusage (abusif, illégal et/ou illégitime ) dune   charge publique , profitant des avantages privés indus «  . Ils  distinguent sept formes élémentaires : la commission  de rétribution  d’un  intermédiaire pour l’accès à une ressource publique , la gratification  de remerciement après coup , le piston , la rétribution d’un service public , le tribut  ou le péage sans contrepartie , le perruque ( usage privé pour un bien public )et   le détournement d’un bien  public .

Or ces pratiques se retrouvent à toutes les échelles et dans tous les endroits du monde . Le clientélisme , par exemple, est loin d’être l’apanage des seuls pays pauvres ou en développement , comme  le laissent entendre certains esprits chagrins dont bon nombre d’experts et d’organisations internationales .

Par ailleurs, le rôle des machines   dans la structuration de la démocratie étasunienne est bien documenté .  Loin de se réduire à un simple « achat de voix » , son analyse révèle des rapports des élus /administrés moins asymétriques que l’on peut penser auparavant .  En effet, dans une enquête  sur Marseille, Cesare Mattina , montre que ces formes officieuses de  redistribution « Font partie intégrante des modalités du gouvernement de la ville et de l’hégémonie politique concrètement exercée par les groupes sociaux , alliés entre eux et fédérés par le pouvoir politico-institutionnel «  . Le  problème principal est alors moins l’existence des pratiques clientélistes que le fait qu’elles renforcent la domination , mais de certains groupes sociaux  sur  d’autres .  Dans la  cité  phocéenne , celle-ci axant ainsi clairement profité à certains individus , familles, et catégories aisées de la ville au détriment  des classes populaires .

UNE CONFUSION  CROISSANTE   DE  LA SPHÈRE   PUBLIQUE    &  DE LA SPHÈRE  PRIVÈE

A trop dénier la nécessité du  financement  de la vie politique, nous nous  empêchons finalement de saisir les véritables  facteurs  de la « capture «  des postes et des décisions publiques par certaines catégories d’acteurs  de la vie politiques, à laquelle la professionnalisation de la politique devrait faire barrage. Selon Max Weber, semble ainsi particulièrement patente   aux États-Unis  . en 2012, pour la première fois, plus de la moitié  des membres du Congrès américain étaient constituée de millionnaires ( 268 élus   sur 364)  . Mais surtout alors les quelques dépenses de campagnes  électorales ne cessent d’exploser (6,6 milliards de dollars), en   2016 ...  Les »fat cats donors » ,   donateurs   particulièrement fortunés , jouent depuis plus d’un siècle un rôle décisif dans leur  financement .

Le rôle des grandes firmes s’est accru considérablement , depuis 2010, avec un arrêt de la Cour suprême , levant toutes les barrières à leur intervention dans les campagnes  et au nom de la liberté d’expression . En effet, l’influence de ces «  généreux contributeurs  «  demeure  moins directe qu’il n’y parait : elle se traduit surtout par l’introduction de  dispositions dite « d’intérêts spéciaux «  ajoutés anonymement aux propositions de lois par les parlementaires  et souvent taillées pour  les intérêts  d’une firme  particulière , qui met sous coupe  l’intérêt  public pas pour le distribuer , mais  pour enrichir encore  cette firme . Il faut citer également le « Political   action  comites «  (PACS), organisation spécifiquement dédiées à la  collecte des contributions financières , qui jouent un rôle  non négligeable dans le financement des campagnes électorales, et/ce  depuis les années 1970 . Or leurs fonds abondent de près de 90%, les candidats sortants ,  entravant ainsi le renouvellement des élus .

De ce point de vue, le contrôle  le plus strict  du financement contrepartie  de subsides aux candidats et aux partis , qui existe en France , comme de nombreux autres pays européens , paraît salutaire  au vu des affaires récurrents de détournement et d’abus sociaux qui ont émaillé la chronique judiciaire  avant  la mise en œuvre de l’affaire Urba   ou les lycées  franciliens, notamment .

Ce  système  favorise un clientélisme éhonté installé pour le remboursement des campagnes  présidentielles à ceux  qui n’ont pas  atteint le quorum exigé par la loi (5% ( des suffrages , du parti socialiste , cette  année .

Par ailleurs, l’influence du secteur privé sur le public va cependant  plus loin , bien  au de-là de la seule dimension financière . De  nombreux travaux ont mis en évidence la pénétration de l’idéologie managériale dans les services de l’État . Cela  s’est traduit dans un mouvement de réforme  modèle  sur la performance marchande , déployé avec le concours de consultants privés bien constitués .

Prolongeant  ainsi la compétition économique par d’autres moyens . Ce lobbying correspondait  d’avantage à un « vaste marché de représentants où  les émissaires des firmes les plus acculturées abus logiques bureaucratiques tentent d’influencer dans leur sens qui leur est favorable à leurs  normes édictées . Ce travail d’influence passe par la mise en forme  des données scientifiques qui vient combler le déficit d’expertise interne  des  instances européennes ( Commission, parlement et Conseils de l’Union  européenne ) et  jouer de leurs  désaccords .  Selon  Pierre  France et  Antoine Vauchez), c’est un véritable  brouillage de la démarcation  public-privé  que   nous  assistons . Il se repère  notamment à l’élargissement d’un champs du conseil privé au public et la banalisation  d’un nouveau pantouflage vers  le droit des affaires  à la réorientation de l’État  vers un rôle de régulateur des marchés  économiques s’effectuant en alliance  avec les principaux acteurs  de ces  dernier ou par la montée des partenariats public-privé  (PPP) .  Les lois  actuelles  de la transparence ou  lutter  contre les conflits d’intérêts apparaissent bien insuffisantes face   à l’extension  continue de cette zone grise où  s’imbriquent intérêts  privés et intérêts publics . Elle rappelle , selon les  politistes , une véritable séparation  entre État et marché  .



PREMIÈRE   CONCLUSION

A rebours de l’image dilettante    éloigné de la vrai vie, l’étude  de l’emploi du temps de  l’élu  relève à tous les échelons que l’activité politique est une vie  par  excès : dossiers de rendez-vous, de soucis  de requêtes, de  courriers , de repas , de déplacements …,écrit  Rémi Lefèvre . Ce travail multiforme et continue dissout les frontières entre vie publique et vie privé , impliquant d’incessants  arbitrages . Soirs  et week-end sont souvent occupés par des cérémonies et de rencontres   en tous  genres. Ce qui peut  expliquer que certains embauchent la famille ou des amis et jugent normal de  percevoir  des indemnité confortables . De même que nombre de parlementaires ne voient rien de scandaleux à bénéficier du système de retraite  particulièrement avantageux . Ce qui trahit le fait  qu’en dépit des dénégation, la politique  est devenue bel et bien une carrière . Julien Boelaret , Sébastien Michon et Etienne Olion,  ont  ainsi mis en évidence l’allongement de la durée moyenne  passée comme élu, collaborateur ou permanant d’un parti avant d’accéder à l’Assemblée nationale , entre 1978 et 2012 . Respectivement  12,1 et 18,7 ans . Ils ont aussi noté l’augmentation  de la part des députés dont la politique ayant constitué l’activité principale ( de 1,9 à 16,4%) , entre ces mêmes dates .  Cette tendance résulte à la fois  technicisation la tâche , de l’intensification  du capital politique qui constituaient autant de barrières à l’entrée  des citoyens les plus dépourvues des ressources nécessaires «  .





DEUXIEME PARTIE

LES PARADIS FISCAUX :  ON EST PASSÈ DU BAS DE LAINE EN SUISSE A UNE VERITABLE ECONOMIE PARALLELE !


Le juge  Renaud Van Rymebeke, du pôle financier de Paris , propose de créer un fichier de comptes bancaires centralisées pour identifier «  l’argent caché . Spécialiste des affaires financières  depuis  quatre décennies , le  magistrat  observe  qu’il y a  certes eu quelques progrès dans les règlements internationaux , cependant l’opacité reste de mise . « On est dans une guerre du chat et  de la souris , et la justice ayant   toujours une guerre  de retard « , déplore le magistrat  .

LES PARADISE PAPERS …

Les « paradis fiscaux «  désignent  la nouvelle enquête  menée par le Construit  internationale  des journalistes d’investigation ) ICIJ)  et ses 96 médias  partenaires , dont le Monde , soit 400 journalistes de 67 pays . Ces révélations s’appuient  sur une fuite de documents initialement  transmis  en 2016 , au quotidien  allemand Süddeitshe  Zeitung , par une source anonyme .

Quant à nous,   notre    site internet www.dr-ben-abdallah.ch , avait publié ,  le  03/04/  2010  un éditorial  intitulé «  Turpitudes financères   «  , dans lequel  nous avons montré  les turpitudes  qui ont mené le monde au bord  du gouffre  avec le Krach  de 2008 .

La dite enquête  enfonce  des portes ouvertes car les turpitudes financières  sont entrées  dans les  mœurs des organismes financiers  depuis  de belles lurettes . Cependant, la déferlante  de 13, 5 millions  de documents nous ne semble pas exagéré  .  Il est de bon aloi, de citer  quelques livres ** qui ont traité amplement le sujet .

Pour le juge Van Rumbeke remarque  qu’il y a de plus en plus  d’argent qui circule dans les places offshore . Ce qui est nouveau ,  ce sont les révélations de la  presse  qui montrent la face cachée du monde , elles ne peuvent que contribuer à assainir la situation . Les juges d’instruction  cherchent , depuis des années les filières financières, mais  dans les enquêtes individuelles . Ils essayent d’aller jusqu’au  bout , ponctuellement , dans chaque dossier , mais la portée  de leurs  actes  est forcément limitée par cette espèce  d’opacité  généralisée . Comment peut-on savoir que la personne qu’on poursuit a un compte  à l’Île de Man ou à Singapour ?

Les banquiers ont certes l’obligation de  se   renseigner sur l’origine des fonds . Mais si le client a une société qui semble  correcte et une bonne réputation, ils  n’ont pas de raison de faire un signalement .  Par contre  , si un jour le  nom de cette personne apparaît  dans la presse , le banquier  se renseigne et va le signaler à des organes tel que Tracfin  (Traitement  du Renseignement  et action  contre les circuits  financiers clandestins, , l’organisme  du ministère des finances , chargé de la lutte  contre le  blanchiment ) et les informations  vont nous  revenir.  Mais au coup par coup et toujours à posteriori . Et  on sait que ça ne concerne qu’une infime partie des affaires .

BREF HISTORIQUE  DES AFFAIRES DE BLANCHIMENT …


Historiquement, chaque  pays, riche  ou pauvre  a eu ses petits  paradis fiscaux . La France est entouré de Monaco, d’Andorre, de la Suisse, du  Luxembourg, des Îles  anglo-normandes . L’élite  économique , voire politique , a  toujours eu  ses bas de laine . On est depuis  passé à une économie mondialisée , ces  places financières sont  devenues  internationales , comme Londres, le Delaware , aux États-Unis , le Caraïbes, le Panama, les Seychelles, et une kyrielle  de  nouvelles places qui ont émergé, notamment Singapour, Dubaï et le Liban . Avec des États  qui coopèrent frileusement , on pense à Malte , le Liban  ou Israël , nous rencontrons  de vraies difficultés .  Sans oublier Chypre, une place financière qui  blanchit beaucoup  d’argent russe et reste un des points  noirs  de l’Europe .

Si on peut  dater  depuis  quand les premiers montages  financiers existaient-ils ? la réponse est :  Au moins, depuis les années 1980, mais les outils des trusts , les fondations et consort , existent depuis bien longtemps , on  est passé d’une gestion pépère de père de famille , de bas de laine en Suisse, à  une véritable économie parallèle .  C’est tellement facile , avec Internet, de monter des structures  offshore sans  apparaître nulle part , que le phénomène est en pleine expansion .  Les virements bancaires vont très vite et ne connaissent pas de frontières .  C’est  le côté  noir de la mondialisation .  Il existe une fraude organisé , une impunité assurée , grâce à des outils qui ne sont pas nouveaux : nous l’avions dénoncé avec  quelques autres magistrats européens , en 1996, avec l’appel de Genève .  Nous n’avons pas été entendus  .

DES  DIFFICULTES  PERSISTANTES POUR DEMASQUER  UN  FRAUDEUR …

Normalement,  celui  qui dispose  d’une fortune occulte ne va pas forcément  la mettre à son nom .  Même  si la banque  ne fournira  le nom du bénéficiaire déclaré, qui peut être  un homme de confiance .  S’il ne parle pas , comment identifier le vrai bénéficiaire ? Il existe même des sociétés  dont  les titres sont au porteur .

Par ailleurs, dans des fraudes de dimension internationale , les sociétés-écrans sont mises en place . La justice identifiera le gérant de paille , celui qui a prêté  ses papiers à un recruteur , moyennant  un versement de quelques espèces , qui agit  pour le compte d’un commanditaire .  Mais pour démontrer l’écheveau des structures des sociétés-écrans , pour identifier l’organisateur de la fraude, il faudra au juge des années .

LA COOPERATION DE CERTAINS PAYS   EST  REELLE !

Depuis  la levée  du secret  bancaire  en Suisse,  le Liechtenstein et d’autres pays coopèrent  avec  les autorités . La coopération judiciaire  fonctionne parfaitement . Le juge peut y bloquer , 24 heures , un compte , dès lors qu’il  l’a identifié . C’est une  condition préalable . Souvent les banquiers se plaignent , ils disent que l’argent part ailleurs , à Singapour ou Hongkong . Pour leurs clients ,  ça  ne change pas grand-chose . Leurs comptes restent gérés  à distance  par la même fiduciaire  suisse .  Si le juge demande à celle-ci  les relevés de compte , elle répondra : » je serais ravie de coopérer , mais je ne peux pas , il faut  l’accord préalable de Singapour ou de Hongkong ». Il faudra que le juge adresse une demande  à Singapour ou à Hongkong, qui prendra  des mois .

En effet, lorsque le bénéficiaire réel  est à    la tête  de  vingt   ou trente comptes permettant  à la fiduciaire de jongler avec l’argent , les enquêteurs ne vont rien comprendre . On est dans une guerre  du chat et de la souris , et la justice  a toujours une guerre  de retard . Quant à la question de coopération  avec le fisc, le magistrat  note  une réelle  bonne volonté des deux côtés  . mais quand un juge d’instruction obtient des informations de Suisse  sur un détournement de fonds, il n’a  pas  le droit de les fournir aux impôts . Parce que  la Suisse  ne lui  a pas transmises , que dans le cadre d’un dossier pénal . Si l’administration des impôts en a besoin, il faut qu’elle fasse  une nouvelle demande , qui sera acceptée ou pas .  Ces règles de procédure confortent  l’opacité .

Le grand dilemme, reste   la distinction  entre l’évasion fiscale et la fraude  fiscale . L’évasion fiscale  est théoriquement légale .  Or on a vu avec  «  LuxLeaks » que les grandes sociétés la   pratiquaient au sein même de l’Europe . On peut le comprendre , elles ont la possibilité , en créant fictivement une structure dans tel ou tel pays , de payer    moins   d’impôts .  En Europe, il faudrait  uniformiser la fiscalité , pour éviter  l’évasion fiscale .

En effet, pourquoi  une multinationale travaillant en France ou en Allemagne s’interdirait-elle  d’installer son siège  au Luxembourg ou en Irlande ? L’Europe  permet l’évasion fiscale . Il faudrait  une vraie volonté  politique pour  lutter contre  ces montages . Malheureusement , certains États défendent leurs propres intérêts et persistent dans  leur refus  de  jouer la solidarité.
Quant à l’argent détenu par les trusts , des fondations, des sociétés offshore , on ne peut définitivement le qualifier à priori d’argent sale qui pourrait être poursuivi pénalement . Mais c’est de l’argent caché . Un jour , un avocat américain  avait demandé : « Mais qu’est -ce-que vous avez contre  les fondations du Liechtenstein ? Je lui ai répondu « rien , mais moi quand j’achète un bien , je l’achète à mon nom devant un notaire , pourquoi passer par une fondation de Lienshenstein ? » .Tout simplement  pour ne pas apparaître . Et éviter  que le notaire signale une opération suspecte . L’astuce des sociétés offshore  permet d’échapper à tout contrôle , le bénéficiaire  reste masqué .

Depuis cette année , nombre d’États ont pourtant accepté les échanges automatiques des données fiscales … Il s’agit  d’un pas important  qu’ont fait les Américains après le scandale de l’UBS , pour leurs ressortissants  qui ne payent pas  leurs impôts et avaient des avoirs  dehors.

Ils  ont imposé à toutes les banques implantées aux USA de communiquer les comptes détenus par des citoyens américains . Mais pourquoi l’Europe est-elle à  la traîne ?  Parce que certains pays européens ne veulent pas renoncer à leurs privilèges . Pourquoi  trouve-t-on encore des places  comme l’Île de Man ? Pour lutter contre la fraude, réglementer  en France , en Allemagne  ou en Italie est vain , car  l’argent de la fraude circule en dehors des frontières .

LA VOLONTE POLITIQUE FAIT-ELLE DEFAUT ?

C’est le paradoxe . Il y a une volonté affichée de bien faire , mais   aussi une incapacité à réguler la finance au niveau international . Le libéralisme  s’impose dans le monde mais ne  pose-t-il comme condition que tout le monde respecte les mêmes règles ? C’est loin d’être le cas , la loi  de la jungle prévaut .

Les  trust, par exemple, sont existants   depuis longtemps , mais il faut l’actualiser , le rendre transparent . S’il vous permet  de masquer  votre fortune en dehors de tout contrôle, il n’est pas compatible avec le principe d’égalité devant la loi des impôts .  En France, il existe un fichier  national des comptes bancaires dissimilés , le FICOBA , où  tous  les comptes sont centralisés. Il  faudrait que tous les pays opèrent  cette centralisation des informations bancaires , en identifiant les bénéficiaires de l’ensemble  des comptes .
Ce n’est pas porter atteinte au secret des affaires : par définition , ce type de fichier  n’est pas accessible   aux  autorités   publiques . Si des progrès  ont été réalisés , visiblement, vu ce qui est révélé aujourd’hui,  il reste du chemin à faire .

UNE LISTE IMPRESSIONNANTE DE FRAUDEURS PRESUMÈS !

Les premières révélations n’épargne personne : Têtes couronnées, (la reine Élisabeth II, l’entourage  de Trump, le premier ministre canadien , Trudeau… Ce déballage  concerne :  6,8 millions  de documents  internes du cabinet international d’avocats  Appleby , basé aux Bermudes mais présent  dans une dizaine de paradis fiscaux .
            .           566 000 documents  internes du cabinet  Asaiaciti  Trust, installé à Singapour.
            .           6,2 millions  de documents issus des registres confidentiels des sociétés  de
  • Dix-neuf  paradis fiscaux :Antigua -et-Barbuda, Aruba, Bahamas, Barbade, ,Bermudes, Dominique, Grenade , Îles Caïman, Îles Cook, Îles Marshall, Labuan , Liban, Malte, Saint-Kitts et-Nevis , Sainte Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Samoa, Trinité-et-Tobago, Vanuatu .
Pour la première fois, des documents prouvent que la reine d’Angleterre, Élisabeth  II,  ayant détenu  et détient encore des intérêts  dans plusieurs fonds d’investissement  dans les paradis fiscaux . L’une des plus grandes fortunes du monde , via la duché de Lancastre , a   notamment effectué un investissement  de 7,5 millions  de livres (8,4 millions d’euros ) , en 2005 dans le Dover Street VI Cayman Fund LP, une structure des îles Caïmans, qui est allé nourrir un autre fonds  américain  qui lui-même investi dans  des sociétés de capital-risque du monde entier . Le directeur financier du duché de Lancastre a assuré n’en avoir dégagé aucun avantage fiscal …Également gênant pour la couronne britannique : la participation du même duché de Lancastre dans la controversée  société de Bright House, une chaîne  de 270 magasins britanniques d’électroménager, accusés d’exploiter de   milliers  de familles pauvres et personnes vulnérables .  L’entreprise qui a nié toujours  ces  accusations  s’est distinguée pour avoir  minimisé le montant de ses impôts en accordant un prêt important à un holding  luxembourgeoise . La couronne assure ne pas être au courant de cette participation , réalisée au travers d’un fonds d’investissement – illustre l’opacité de fonctionnement de ces structures . Quoi qu’il en soit , ces révélations ne peuvent que relancer le débat  sur  le devoir  de transparence de la famille royale .

Le scandale n’épargne pas non plus  l’administration Trump et une kyrielle de ses secrétaires d’État, notamment  son secrétaire au commerce soupçonné  de conflit  d’intérêts avec la Russie. Sans oublier l’entourage directe du chef de l’État  avec leur galaxie de sociétés offshore .

Le scandale dépasse toutes les frontières , au Canada, l’un des plus proches  conseillers du premier ministre Trudeau, qui a fait  de la lutte  contre les paradis  fiscaux une de ses priorités.  L’un de ses proches conseillers est impliqué dans une histoire de collecte de fonds . S. B. , qui l’a grandement aidé à remporter les élections législatives de 2015, en collectant plus de 27 millions de dollars (23,2 millions d’euros ), un record  dans l’histoire du Parti libéral – lui-même  impliqué dans un paradis fiscal . D’après les documents confidentiels « Paradise Papers «  , S.B. «  et sa société  Claridge , se sont activement  investis et impliqués dans une structure financière opaque des Îles  Caïmans – le Colbert Trust – de 60 millions de dollars (52 millions d’euros ) , qui pourrait  avoir  soustrait  aux caisses fédérales en impôts  et   impayés d’impôt .

COMMENT L’ARGENT RUSSE  A ÉTÉ   INVESTI DANS FACEBOOK ET  TWITTER?

Le milliardaire russe Youri Miner    a placé des fonds  dans les médias sociaux américains grâce aux sociétés  proche du Kremlin . Cette nouvelle enquête permet de lever le voile sur les mécanismes d’optimisation fiscale dont profitent les multinationales et les grandes fortunes internationales .  Les  documents montrent  que  la plus grosse banque de Russie , a fait passer discrètement  191 millions de dollars ans DST Global, fonds d’investissement contrôlé par le milliardaire . La somme a ensuite été utilisée pour acheter  une importante participation dans Twitter  en 2011 . Le président de VTB, André   Kostin est un proche  de Vladimir Poutine .

Les fichiers prouvent aussi qu’une  filiale de groupe russe   Gazprom , également  entre les mains du pouvoirs russe, ayant investi des montants  importants  dans une société offshore qui a participé , avec DST, à un investissement  dans  Facebook . En effet, à peine  un an à deux ans plus tard, M. Milner  et ses partenaires  ont réalisé de substantiels gains , en vendant leurs parts , peu après  l’introduction en bourse de Facebook et Twitter . Respectivement en 2012 et 2013 .

LIENS AVEC POUTINE
Ces investissements  restent cependant  sensibles, car VTB et Gazprom ont  tous les deux un passé controversé et des liens avec Vladimir Poutine et les officiels russes  . En juillet  2014, Washington, a sanctionné  VTB après l’invasion  de la Crimée par la Russie . « D’un côté  c’est une banque , de l’autre c’est un instrument  du Kremlin  explique S.A.  , spécialiste  du secteur bancaire russe «  et ancien  membre du  conseil d’administration de la banque dans  les années 1980 . » Quoi que veuille  le Kremlin, VTB est prêt  à le faire «  .


CONCLUSION

Après l’acceptation de nombreux États, le principe d’échanges  automatiques des données, suite  au scandale  de l’UBS, les Américains  ont fait un grand pas en avant .Ils  ont imposé à toutes les banques implantées  aux USA de communiquer les comptes détenus par des citoyens américains .  Pourquoi  l’Europe est à la traîne ?   Pour lutter contre la grande fraude, réglementer  en France, en Allemagne ou en Italie  reste vain, car l’argent de la fraude circule en dehors des frontières de l’Union !

On peut  se demander si la volonté fait défaut ? C’est le paradoxe. Il y a une volonté affichée  de bien nettoyer le  système de ses incohérences en régulant la finance . Cependant, il faut choisir  entre un libéralisme  responsable ou un libéralisme  inconscient  où la loi  de la jungle  règne  en  maître absolu !


  • Le Savent  et la politique  -1919- téléchargement libre 
**Favoritisme &  corruption et favoritisme à la française -Petits arrangements avec la probité .- Presse & sciences  2010 .




REFERENCES :
  • ALTERNATIVES  ECONOMIQUES  No 373 Novembre  2017
  • LA FACE CACHEE DES  BANQUES  - EDITONS PLON – GLM -RESERVE AU CLUB -Octobre 2009
  • LE CAPITALISME HORS LA LOI – EDITIONS ALBIN MICHEL – POUR LE CLUB -dépôt légal – septembre 2011



















DR Mohamed   BEN ABDALLAH ;
DR OF  BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB
                        ENTRE LE POSSIBLE & LE REALISABLE « ;
EDITÈ   PAR NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch


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EDITORIALISTE-REDACTEUR EN CHEF DU SITE
RESIDENT SIS  - 1202 GENEVE – CH

07/12/2017