
Editorial Politique
EDITORIAL POLITIQUE
LES CENT JOURS DU NOUVEAU GOUVERNEMENT TUNISIEN
PROLOGUE : L’HEURE DE VERITE A SONNÈ ?
Il y a quelques semaines, le gouvernement de M. Chahed, a fêté ses cent jours de pouvoir. Tout semble indiquer qu’il a réussi son entrée, malgré les embûches qui parsèment son jeune parcours. En effet, la corruption, l’impatience sociale, l’écroulement du tourisme qui s’ajoutent à la pression des bailleurs de fonds. Le miracle tunisien, tant chanté par les institutions de Breton Woods, avait fondu comme neige sous le soleil à l’épreuve de la dure réalité.
Impatience sociale, corruption, écroulement du tourisme, pression des bailleurs de fonds internationaux, tel était le bilan calamiteux de l’ancien premier ministre tunisien durant ses dix-huit mois de règne (1er janvier 2015-28/08/ 2016).
Les progrès politiques salués en 2015 par l’attribution du prix Nobel de la paix au « quarteret « d’organisations qui avaient parrainer le dialogue national de 2013 en Tunisie ne peuvent dissimuler les difficultés à convertir ce succès en progrès économiques et sociaux.
Nommé en août dernier la tête d’un gouvernement d’union nationale, le libéral Youssef Chahed, a fait planer la menace d’une cure d’austérité dès son discours d’investiture devant l’Assemblée, le 26 août dans un climat, le moins qu’on puisse dire hostile.
Il faut avouer, que quasiment tous les indicateurs économiques sont au rouge : dette, comptes publiques, croissance économique …Le Produit Intérieur Brut (PIB), qui avait crû de 3,9%, en 2012, n’a augmenté que de 0,8%, en 2015. La Tunisie n’en finit pas d’encaisser le double choc de la révolution de 2011 et des attentats de 2015.
UNE ECONOMIE SINISTREE
Alors qu’elle commençait, tout juste, à se relever après 2011, le tourisme avait subi le second choc en plein fouet : les recettes touristiques qui culminaient en 2010, à 3,5 milliards de dinars, sont descendues à 2, 4 milliards de dinars en 2011. En 2012, et 2013, la Tunisie a retrouvé un niveau assez proche des années fastes, 3,6 milliards de dinars en 2014. En 2015, une nouvelle descente en enfer du secteur tourisme qui n’est retrouvé à son niveau le plus bas, soit 2,4 milliards de dinars. Pour cause la multiplication des attentats : Bardo, Sousse, Tunis, Ben Guerdane.
Alors qu’elle commençait à se relaver du séisme politique de 2011, le tourisme ayant subi le second choc en plein fouet, (voir ci-dessus). Ce secteur représentait entre 7 et 8% de PIB, en 2011, et près de 20%, en intégrant toutes les prestations associées ; il n’en pèse plus que 4% aujourd’hui.
L’Etat par les urgences en soutenant à coup de centaines de millions de dinars les hôtels désertés. Attente de faire évoluer un nouveau model fondé sur le balnéaire à bon marché, de moins en moins lucratif, vers un tourisme lucratif à l’instar de l’Espagne, la France et l’Italie, dans l’espoir hypothétique retour de grâce de la destination Tunisie…
Par ailleurs, de manière générale, la diversification de l’économie se fait attendre, faute d’un schémas directeur clair et d’un projet économique basé sur une analyse approfondie afin d’apporter des réponses macroéconomiques claires et précises pour secouer le cocotier tunisien ensevelie sous un tas de fumier généré par un parlement qui ne sait que se chamailler et se tirer dans les pattes. Le nerf de la guerre reste l’argent. Les Tunisiens doivent compter sur eux-mêmes et s’en passer des institutions de Breton Woods en s’offrant un plan marshal par une souscription nationale de dix milliards de dollars auprès de leur banque centrale et garantie par le trésor tunisien.
La panne de l’économie tunisienne se concentre dans la région minière de Gafsa. Où se trouvent les mines de phosphate, au sud du pays, en est une illustration. En effet, huit ans après le soulèvement, initié dans cette région par des chômeurs, qui s’était transformé en contestation générale contre le régime Ben Ali, aucun modèle alternatif n’a permis de redistribuer au profit de la région les revenues du phosphate, ni créer d’autres possibilités d’emplois.
Les conflits sociaux y ont repris de plus belle, entraînant une baisse la production de phosphates de 60% depuis 2011. Résultat des courses : la Tunisie se voit ravir ses marchés par le Maroc.
Sur le front social, la température monte dans un pays où le chômage s’élève, officiellement à 15,4%, et dépasse les 30%, chez les jeunes diplômés. Pour parer au plus pressé, l’Etat avait recouru, massivement, depuis 2011, aux emplois publics subventionnés, peu productifs et sous-payés.
En cinq ans, la masse salariale de l’Etat est passée de 6,7 à 13,4 milliards de dinars (4,4 milliards d’euros). Sois des recettes budgétaires et près de 14% du PIB (contre respectivement 35% et 11% en 2010). Par ailleurs, le déficit budgétaire s’est creusé ces cinq dernières années, pour atteindre en 2015, 14% du PIB. Et du coup la dette extérieure ayant grimpé de 25 milliards de dinars en 2010, à 56 milliards, en 2015, soit de 51 % à 66% du PIB. Un niveau qui pourrait culminer à 73% en 2018.
La situation de la dette extérieure anticipée par le Fonds monétaire international (FMI), à l’horizon de 2020 est fondé sur l’hypothèse du retour à un taux de croissance de plus de 4%, comme dans les années 2000, alors qu’il serait encore moins de 2% cette année. Quant au dinar, sa dépréciation s’est accélérée en 2016, face au dollar et à l’euro.
UN ETAT MAFIEUX ?
Dans ce contexte, les marges de manœuvre de l’Etat pour relancer l’économie sont quasiment nulles. La Tunisie n’a guère d’autres choix que de plier aux injonctions de ses bailleurs de fonds internationaux.
Le 20 mai dernier, le pays avait signé un nouvel accord avec le FMI pour un prêt de 2,9 milliards de dollars (5 milliards de dinars) sur quatre ans, en contrepartie d’un plan de réforme draconien (ajustement structurel) : gel des embauches dans la fonction publique, réformes administratives, baisse des déficits sociaux, réduction de subventions pour les énergies et aux produits de premières nécessités. Bref, une mise sous tutelle du pays.
Il n’est pas certain que l’union nationale incarnée par le nouveau gouvernement, puisse résister à la grogne sociale que ces réformes ne vont pas manquer de susciter. En effet, en 2013, lors du précédent accord, la Tunisie s’était déjà engagée à accélérer la libéralisation de son économie : loi sur les partenariats publics-privé, indépendance de la Banque centrale (BCT), restructurations des banques publiques, nouveau code d’investissement etc.… En gros, la potion tueuse des économies chancelantes administrée par sa Majesté le FMI qui, bien des années en arrière, quand la Tunisie était le « le bon élève « qu’on donnait volontiers en exemple qui appliquait strictement ses directives sur le pauvre peuple tunisien sous le joug de la dictature Ben Ali. Révolution ou pas, le comportement du FMI est toujours le même : affaiblir un pays, l’engluer des dettes abyssales puis le mettre sous tutelle comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal, après la crise de 2007.
Et pourtant, depuis les années 1980, les multiples ajustements structurels successifs et la libéralisation de l’économie que les institutions de Breton Woods qu’ils avaient imposés n’ont pas permis de combattre les causes fondamentales du sous-développement tunisien.
En effet, depuis l’indépendance, l’accumulation du capital par des entreprises privées s’est toujours faite, en Tunisie, grâce à des protections politiques. Ce qui avait permis aux clans proches du pouvoir de concentrer les terrains, les crédits, et les autorisations d’activités, faisant ainsi des entrepreneurs proches du pouvoir des prédateurs hors pair.
Cette prédation avait été poussée à l’extrême, dans les années 1990-2000, par les familles liées au président déchu, Ben Ali et à son épouse L. T. qui avaient détourné l’équivalent d’un PNB annuel 40 milliards de dollars. Laissant ainsi les Caisses du Trésor public vides et un pays englué dans une dette abyssale 70% du PNB en 2020.
Tout le processus de privatisation avait été détourné au profit de quelques familles, qui avaient participé à la curée. Les avoirs détournés se sont volatilisés dans des banques off-shore, partout dans le monde. Les gouvernements post-révolution, se heurtent à un mur négationniste qui ne reconnaît pas la spoliation de la Tunisie par ses propres enfants.
Les profits engrangés par cette mafia tunisienne ont été réinvestis dans des activités de rente (téléphonie, concessions automobiles, grande distribution etc.…) Sans impact sur le développement d’un véritable entreprenariat productif. Parallèlement, s’est développé un tissu industriel de PME, mais reste cantonné dans la sous-traitance pour des multinationales européennes, faisant de cette main-d’œuvre qualifiée une proie à leur prédation.
Par ailleurs, la démocratisation engagée réussira-t-elle à rompre définitivement l’imbrication politique et de l’économie ? Rien n’est moins sûr, même le poids des milieux d’affaires dans les partis au pouvoir et l’infiltration de réseaux mafieux au sein de l’administration sont désormais dénoncés ouvertement.
En effet, fin novembre, la Tunisie accueillera une conférence internationale d’appui à son programme de développement à l’horizon 2020 . Cinquante grands projets sont censés relancer et transformer l’économie tunisienne : doublement du réseau autoroutes, nouveaux ports et aéroports, barrages, zones industrielles et installations électriques.
Le pays espère mobiliser 50 milliards de d’euros, dont au moins 60% doivent être apportés par des capitaux internationaux. Le « miracle politique « tunisien risque cependant ne pas suffire à attirer les investisseurs étrangers.
COMMERCE PARALLELE & CORRUPTION ENDEMIQUE
Les deux phénomènes les plus marquants de l’après-révolution ont été l’explosion du commerce parallèle et la banalisation de la corruption. On estime que l’économie informelle représente aujourd’hui plus de la moitié du produit intérieur brut (PIB), contre un tiers en 2012. Elle est alimentée surtout par la contrebande à grande échelle de carburants, cigarettes, matériaux de construction, électroménager, produits fabriqués en Chine, en provenance de Libye en grande majorité et en moindre mesure d’Algérie.
Ce phénomène s’explique notamment par les droits de douanes élevés à l’entrée en Tunisie et par les différentiels de prix, les produits de base, étant largement subventionnés dans les deux pays voisins. Fermer les yeux est un moyen pour l’Etat tunisien de garantir un minimum de paix sociale dans les régions peu développées, mais c’est un remède empoisonné. Parce qu’il maintient les opérateurs économiques de ces régions en marge de l’économie tunisienne et accroît la corruption des organes de l’Etat (douanes, administration fiscale, justice, police etc.…) D’une manière générale, le départ des clans proches de Ben Ali et son épouse n’a pas mis fin à la corruption, car les islamistes sont aussi connus par leur voracité et leur rapacité. Au contraire, le retrait des « parrains » qui monopolisaient les relais avec l’administration et la justice a donné à leurs intermédiaires toute la latitude pour développer leurs propres activités avec de nombreux appuis dans les médias et surtout les partis politiques plus corrompus que jamais, à quelques exceptions près …
L’AMPLEUR DE LA TÂCHE REQUIERT UN SENS DE L’ETAT, UN ESPRIT VISIONNAIRE ET UNE RIGUEUR QUI SEMBLENT HABITER LE NOUVEAU PREMIER MINISTRE
Le nouveau premier ministre, M. Chahed doit s’atteler à une politique de réformes en profondeur visant à affirmer l’Etat de droit, ancrer la démocratie et surtout, assurer le développement économique et le progrès social en Tunisie devrait passer par un préalable : la restauration de l’Etat dans les prérogatives régaliennes , notamment au plan sécuritaire , sans revenir aux pratiques autoritaires et prédatrices antérieurs à la révolution de 2011 et le rétablissement d’une relation de confiance nécessaire entre le citoyen et l’Etat . A ce titre, la présence à la tête de l’Etat d’une personnalité charismatique et expérimenté , en la personne de M. Béji Caïd Essebsi, , n’est pas une garantie suffisante ? D’autant, que la Constitution de la 2e République ( adoptée en 2014) ayant en partie équilibré le pouvoir en faveur du parlement, devant lequel le gouvernement est désormais responsable .
Encore faut-il modifier en profondeur le comportement de l’administration et ses représentants . La volonté des autorités de lutter contre la corruption endémique , qui s’est parfois renforcée , notamment au sein des douanes et la police , au cours des années de transition , constitue un test crucial pour la réhabilitation de l’image de l’Etat auprès du citoyen lambda .
Il n’est pas sûr que le projet de loi proposé par le président Essebsi, sur la réconciliation économique et financière , qui vise à amnistier sous conditions des hommes d’affaires kleptomanes impliqués dans des affaires de corruption sous Ben Ali ou la transition , soit perçu comme allant dans le sens voulu, même s’il vise à dynamiser l’économie et l’investissement .
Par ailleurs, la réforme du secteur sécuritaire est certes primordiale pour l’avenir , cependant, il ne faut pas qu’il éclipse celui de l’administration, de la fiscalité, de l’enseignement ou de l’agriculture qui exigent une réflexion, un travail et surtout un suivi. En effet, le réalisme et le compromis affichés par le premier ministre, M. Chahed, doivent servir l’innovation et l’action pour remettre la Tunisie sur les rails et en mouvement .
LA PREMIERE PRIORITE DU NOUVEAU GOUVERNEMENT TUNISIEN
Loin d’être démagogique, la première priorité du gouvernement de M. Chahed, devrait être la reconstruction du tissu industriel tunisien construit pierre par pierre depuis l’indépendance et qui faisait la fierté du pays . Ce patrimoine avait été dilapidé ces cinq dernières années par l’incohérence des ministre de la transition . Des centaines de milliers d’emplois ont été détruits . Plusieurs sociétés étrangères ont plié bagages à cause des grèves sauvages , de l’anarchie orchestrée par des partenaires sociaux incapables de trouver le plus petit dénominateur commun pour éviter l’affrontement . Le mot consensus a été remplacé par affrontement .
Les ministres qui se sont succédés au ministère de l’industrie avaient montré leur limites . Quant à l’actuel, il est trop tôt pour porter un jugement de valeur . La relance de l’industrie est une condition sine qua none pour un nouveau départ de l’économie tunisienne, encore convalescente depuis 2012 . Par ailleurs, au lieu de s’endetter d’un milliard d’euros à un taux prohibitif de 5%, par année afin de le distribuer aux fonctionnaires et acheter la paix sociale . Ce prêt aurait pu servir à relancer notre industrie sinistrée .
Quant à l’industrie touristique , il faut la revoir de fond en comble et cesser de gaver les tours opérateurs au détriment de la main d’œuvre locale qui ne veut plus être payées en farines et huiles de palmes subventionnés .
En effet, depuis 2011, nul n’a rompu avec le choix imposé par les institutions de Breton Woods, d’’insérer la Tunisie dans la division internationale du travail, en offrant aux investisseurs étrangers une main d’œuvre qualifiée et des coûts salariaux dérisoires . Or faute de développement autocentré, impulsé par des investissements publics, alimentée par une demande locale solvable , ce modèle ne peut que perpétuer des inégalités régionales qui se transforment en failles sociales . Au risque de voir l’économie informelle et la contrebande s’épanouir , privant ainsi l’Etat de recettes fiscales indispensables à son développement économique et politique .
Quand on analyse les grands dossiers économiques, Nida Tournés et Ennahda s’accordent sur presque tout : Ils ne sont pas contre l’explosion de la dette qui présente aujourd’hui un ratio de 67% du PIB . Le service de la dette constitue une charge onéreuse pour un pays pauvre . C’est le 3ème poste budgétaire . L’autre serpent de mer reste la Caisse Générale de Compensation (CGC) qui engloutit pas moins de 5,5 milliards de dinars , en 2013 . Le double aujourd’hui, si on prend en compte les variations du taux de change .
Jusqu’à présent, personne n’a osé touché cette vache sacrée . M. Chahed peut le faire en expliquant à la population que c’est dans son intérêt la réforme de cette institution . Rappelons-nous, que cette Caisse de compensation : système permettant de subventionner les produits alimentaires et l’énergie (CGC( a été créé en 1970. Depuis l’envol des cours mondiaux du pétrole et des céréales , ayant porté ses dépenses à un niveau démesuré . Depuis une vingtaine d’années ces subvenions servent à acheter la paix sociale .
Prompt à aligner les pauvres le FMI, ne cesse de réclamer la réduction de ces subventions , la disparition pure et simple et simple, de ce mécanisme ,les partis politiques redoutent l’inflation et la révolution s’il suivent encore ses conseils .
Loin de représenter une conquête sociale , le CGC, eut pour objectif principal de rendre politiquement soutenable la stratégie libérale visant à encourager l’industrie en lui procurent une main d’œuvre bon marché . Et par conséquent attirer les investisseurs . La Tunisie ayant accepté que le budget national finance une partie des dépenses de consommation courante de leurs ouvriers et employés . En somme, plus de quarante ans , faute d’un bon salaire, les hommes et les femmes qui travaillent, dans certains secteurs du textile, de l’industrie mécanique , et l’électroniques , ont pu acheter de la farine ou l’huile de palme subventionnés .
A quoi s’ajoutent les restaurants et les hôtels , pâtes et la semoules servies aux touristes , sont aussi subventionnés comme la consommation d’essence des grosses cylindrés libyennes . L’énergie subventionnée est souvent importée comme celles utilisées par les cimenteries portugaises et espagnoles . « C’est un fardeau, admettait M. Ghannouchi. Il faut trouver une solution raisonnable , non à cause des pressions des institutions internationales , mais par ce que la dépense ne peut être soutenue à ce niveau « .
M. Caïd Essebsi, ne dit pas autre chose « Maintenant, nous sommes arrivés à un point critique . Il vaut mieux réviser le budget pour favoriser d’autres priorités « . Chiche ! Maintenant que M. Chahed est premier ministre, il peut mettre en œuvre cette réforme indispensable à une économie saine .
Le problème qui se pose est « comment réaffecter les dépenses de la CCG vers des investissements productifs « ? Et dans les régions de l’intérieur sans nuire aussitôt aux Tunisiens les plus déshérités , que l’Etat ne sait pas aider autrement ?
Il est de bon aloi, de noter que les deux tiers des subventions concernent le carburant . Or insiste le président de l’l’Union générale tunisienne de travail (UGTT) : « la plupart des chômeurs et des salariés n’ont pas de voiture . Ils ne bénéficient donc pas de la compensation versée au titre de l’énergie . Quand les membres de la classe moyenne possèdent un véhicule équipé d’un moteur de 4 à 5 chevaux , ils payent leur essence au même prix le litre qui se situe à environ 2dinars (…) que ceux qui disposent de plusieurs voitures de luxe dans la même famille « .
Reste à pouvoir distinguer les uns des autres, si par exemple, on veut cesser de subventionner la noria de limousines de millionnaires qui font le plein d’essence . Le syndicaliste ajoute : « c’est la responsabilité du gouvernement . Nous avons des propositions , mais nous sommes un syndicat , pas un Etat avec ses moyens , ses experts , ses bureaux d’études . à lui de chercher une stratégie « .
L’INQUIETUDE DE LA TUNISIE FACE AU TERRORISME
L’attaque de Berlin a rappelé la grande fragilité du pays face au terrorisme . Trois proches de l’auteur de l’attentat de Berlin ont été arrêtés dans le centre du pays . Une semaine après l’attentat contre un marché de Noël à Berlin qui a fait 12 morts et 48 blessés , la Tunisie poursuit son investigation autour d’Anis Amri, l’auteur de l’attaque , citoyen tunisien de 24 ans, originaire de la région Kairouan ( Centre-EST). Samedi 24 décembre, le ministère de l’intérieur a annoncé que trois de ses proches avaient été arrêtés , dont son neveu . Tous seraient membres d’une « cellule terroriste « (...) liée à Ania Amri, tué vendredi en cavale à Milan, en Italie .
En effet, l’attaque de Berlin avait remis la Tunisie dans la lumière et rappelé sa situation de fragilité face au terrorisme . Ce n’est pas la première fois qu’un Tunisien est au centre d’un attentat en Europe . Le 14 juillet 2016, l’attentat de Nice (86 morts ) avait été perpétré par un jeune tunisien, âgé de 31 ans , originaire de M’saken (Est du pays). En Tunisie même, les attentats les plus meurtriers de ces dernières années ont été commis par des jeunes du pays .
Dans la station balnéaire de Port El-Kantaoui , près de Sousse, un jeune danseur de 23 ans , originaire du Kef (Nord), avait tué 38 touristes sur la plage d’un hôtel, le 26 juin 2015. Quelque mois plus tôt, le 18 mars 2015, la tuerie du musée du Bardo, à Tunis (22 morts), avait été perpétrée par un commando de deux assaillants âgés de 20 et 27 ans , passés par la Libye .
Au total , selon l’ONU, 5'500 Tunisiens ont rejoint les rangs de groupes djihadistes en Irak, en Syrie et en Libye , 6000, selon le « Soufan Group « , un institut américain spécialisé dans le renseignement (…)
Un chiffre qui révèle la difficulté des autorités tunisiennes , à contrôler les déplacements mais aussi à comprendre l’ampleur de ces départs depuis un pays salué dans le monde entier pour sa transition démocratique, fragile mais spectaculaire , comparée aux autres Etats ayant connu des soulèvements depuis 2011.
Il aura fallu du temps pour que les autorités tunisiennes , longtemps recluses dans une forme de déni, reconnaissent la gravité du phénomène . En effet, la première génération de djihadistes ayant suivi la révolution de 2011, est partie combattre dans les monts de Chambi et Semmama , à l’ouest de la Tunisie , près de la frontière algérienne .
Intégrés dans la brigade d’Okba Iben Nafaâ , liée à Al-Qaïda au Maghreb islamique , évalués à une centaine d’hommes , ces djihadistes ont visé les forces de sécurité tunisienne dans les régions montagneuses . C’est seulement en 2015, avec les attentats contre le musée du Bardo et Port El-Kantaoui , que la présence croissante de l’organisation de l’Etat islamique ayant éclaté au grand jour , ciblant ainsi les Tunisiens mais aussi les étrangers, et dans les villes .
LE GRAND FLOTTEMENT SECURITAIRE
Le pays ayant cumulé les handicaps : une frontière de 450 KM avec la Libye, une armée restreinte et inexpérimentée qui se trouve en première ligne après la chute de l’Etat policier de Ben Ali, mais aussi une révolution qui, pour une grande partie de la population , n’a pas tenu ses promesses .
En effet, outre la période grave de flottement sécuritaire observée entre 2012 et 2013, sous la gouvernance du parti islamiste (frères musulmans), associés aux nationalistes arabes de Marzouki , épaulés par les sociaux-démocrates de Mustapha Ben Jafar , le pays avait vécu une démocratisation qui ne s’est pas accompagnée d’une amélioration significative des conditions de vie . L’étude du profil des jeunes radicalisés montre la complexité du phénomène : chômeurs, mais aussi étudiants et travailleurs , toutes les régions , dont la radicalisation a souvent été soudaine , pas toujours saisie par les proches .
En effet, les autorités tunisiennes estiment avoir progressé dans la lutte contre le terrorisme . Depuis la fin de 2015 et l’attaque contre un bus de la garde présidentielle ( 12 morts ), le pays n’a pas connu d’attentat d’ampleur urbain . Il y a néanmoins vécu une sérieuse alerte avec l’attaque spectaculaire de la ville de Ben Gardanne , à la frontière libyenne , où , le 7 mars , plusieurs dizaines de djihadistes , dont certains venus de Libye , avaient mené l’assaut avant d’être pourchassés par les forces de l’ordre (70 morts , dont 50 assaillants ) . Par ailleurs, la saisie en novembre, au même endroit , d’importantes caches d’armes , dont un stock impressionnant de missiles sol-air (SAM7), soulignant ainsi que les forces de sécurité résistent à la persistance de la menace .
Désormais, à l’inquiétude des départs massifs s’ajoute celle de voir ces djihadistes revenir en Tunisie . Selon le ministre de l’intérieur M. H. M., quelques 800 d’entre eux sont déjà rentrés mais « mais les autorités détiennent toutes les informations sur ces individus « , va-t-il assuré , devant le parlement . Des déclarations qui ne calment pas les craintes exprimées jusqu’à dans les rangs des forces de l’ordre . « Le retour en Tunisie des terroristes en provenance des foyers de tension est alarmant et peut conduire à la somalisation du pays « , ayant affirmé , dans un communiqué , le syndicat national des forces de sécurité intérieure . Ces djihadistes « ont reçu des formations militaires et appris à manipuler toutes sortes d’armes de guerre sophistiquées « , souligne l’organisation syndicale, qui appelle le gouvernement à prendre des « mesures exceptionnelles « .
CONCLUSION
Les cent jours de M. Chahed ont montré que la Tunisie résiste malgré les séquelles du régime corrompu de Ben Ali : sa pauvreté , son endettement hérité du régime mafieux des Trabelsi qui avaient sévi pendant un quart de siècle a enfin réussi à sortir la tête de l’eau . L’économie atone durant ces cinq dernière années , commence à prendre quelques couleurs grâce à la récupération de quelques miettes des fonds détournés par le clan Ben Ali . Il s’agit d’un lourd passif amer, d’un héritage de l’ancien régime de Ben Ali. C’est une blessure psychologique , tout autant qu’une plaie financière , que l’accès à la démocratie n’a pas cicatrisé au flan de la conscience tunisienne .
Au lendemain de la révolution, c’est l’un des dossier brûlants ayant atterrit sur le bureau des autorités de la transition . La question qui se pose est : comment réparer cette prédation systématique qui avait aspiré les poches de l’oligarchie familiale, les ressources du pays, privant la population de précieux atouts pour son développement ?
Deux processus distincts vont dès lors, se juxtaposer , obéissant à des logiques juridiques différentes : la réappropriation des biens du clan Ben Ali-Trabelsi , localisés en Tunisie même ; les efforts de récupération par l’Etat tunisien de la partie des avoirs placés à l’étranger . Autant le premier est assez simple, même s’il demeure inabouti. Autant le second relève d’une complexité . A l’étranger, l’affaire est tout autre nature . La Tunisie doit solliciter une entraide judiciaire internationale marquée par une inégale collaboration des Etats . Si les pétro-bédoucraties du golfe ignorent superbement les demandes tunisiennes , l’Union européenne (UE) la Suisse et le Canada font preuve d’une meilleure volonté . Dès le lendemain de la révolution, , le Conseil européen et la Suisse ont gelé les avoirs de 48 membres du clan Ben Ali . Là aussi aucun chiffre global n’était disponible . Nous savons que la Suisse en avait saisi pour 46,6 millions, un biens un maigre butin, quand on évaluait le détournement à 13 milliards de dollars (9,3 milliards d’euros ) , soit un quart du PIB tunisien de 2011 . Cependant , les analystes se montrent prudents à l’égard de cette évaluation qui ne pouvait alors se fonder sur une expertise solide …
Par ailleurs, entre les gels des avoirs à l’étranger et leur rapatriement en Tunisie , le parcours est semé d’embûches . Les fonds récupérés à ce jour sont très modestes : 28 millions de dollars (26 millions d’euros), du Liban, 206 000 euros , restitués par la Suisse, ainsi que 2 Yachts (valeurs cumulées 8,5 millions d’euros , or l’Espagne et l’Italie . Il existe en Tunisie d’énormes attentes , mais le puzzle à reconstituer est très compliqué . Il s’agit d’un travail de longue halène . Car la grande difficulté à laquelle se heurte la Tunisie est que les Etats étrangers n’acceptent de restituer les biens tunisiens que sur la base de jugements définitifs de confiscation prononcés en Tunisie même . Or, les tribunaux tunisiens n’en ont , jusqu’à présent, rendu aucun jugement, dans l’attente d’informations requises dans la centaine de commissions rogatoires internationales adressées à une cinquantaine de pays . Si l’impasse dure longtemps ? « il y aura un moment où les biens gelés feront l’objet d’une demande de main levée « , s’inquiète une source judiciaire . Les effets politiques en seraient désastreux . La balle est dans le camp tunisien ? Ou plutôt à l’étranger ? La déception sourd ici et là . La détermination de la Tunisie n’en reste pas moins farouche . « Cet argent , c’est pour nous une question de dignité « , déclare B.O. , avocat général aux affaires pénales du ministère de la justice . Ajoutant : » il ne faut pas que le crime reste impuni « .
Même si le bilan de ces cent premiers jours de gouvernance ne satisfait pas tout le monde, il n’en demeure pas moins probant . M. Chahed a montré qu’en Tunisie l’unité nationale n’est pas un vain mot et qu’on peut gouverner ensemble malgré les aléas politiques .
Le Président de la République a fait un choix audacieux en nommant un jeune docteur en économie-agronome, après avoir fait ses preuves comme ministre dans le gouvernement précédent . Nous soutenons son gouvernement et demandons à tous nos compatriotes de dire : « ce que je peux faire pour mon pays ? Et non, ce que peut faire mon pays pour moi « . Il en fait déjà assez pour le bien public . Vive la Tunisie, vive la République .
REFERENCES
_ LE MONDE DIPLOMATIQUE DU MOIS D’AVRIL 2014 ;
- ALTERNATIVES ECONOMIQUES No 362 du mois de Novembre 201
DR BEN ABDALLAH MOHAMED ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE EN MACROECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB
ENTRE LE POSSIBLE & LE REALISABLE « EN LIGNE SUR NOTRE SITE
&
EDITORIALISTE – REDACTEUR EN CHEF DU SITE
DEMEURANT SIS 1202 GENEVE II ;
O2/02/ 2017