EDITORIAL ECONOMIQUE
LIAISONS DANGEREUSES POLITIQUE & ARGENT …
PREMIERE PARTIE
Dans un monde matérialisé jusqu’au boutisse, il est de bon aloi de vérifier l’assertion selon laquelle : « l’argent mène à la corruption et la corruption mène à la faillite des États « . Assistons-nous à un fin de cycle ou le début d’un autre ?
En effet, la politique dite « moderne « est devenue une véritable profession, qui entretient des liens complexes avec l’argent et de plus en plus serrés avec le marché. Au point aujourd’hui de brouiller la nette démarcation public -privé. La question qui se pose est : est-ce-que la politique est une profession comme les autres ?
Emplois fictifs, abus de biens sociaux, prise illégale d’intérêts, corruption endémique etc.…La litanie est longue comme un jour de jeûne dans le désert . En effet
, la litanie des scandales financiers impliquant des responsables politiques contribue à rallier un nombre croissant de citoyens au slogan : « « tous pourris " . Elle alimente aussi une exigence toujours plus grande de probité et de transparence de la part qui gèrent les affaires publiques . Ces derniers ont beau jeu de mettre en avant leur « désintéressement « et leur « sens du sacrifice « …Mais ils contribuent par-là, à faire oublier que la politique « moderne » est devenue une véritable profession , exercée par des agents devant vivre , non seulement « pour « , mais aussi de « cette activité « , selon la formule de Max Weber * .
Souvent déniée par les acteurs eux-mêmes, comme si elle contrevenait à l’idéal démocratique . En effet, cette professionnalisation comporte plusieurs dimensions qu’il faut distinguer .
La politique , est tout d’abord devenue une affaire de spécialistes . Ce que l’on peut regretter , mais qui ne fait qu’illustre la complexification croissante de nos sociétés et de la division du travail toujours plus poussée qui l’accompagne .
En effet, administrer une collectivité ou concevoir des lois demande des savoir-faire avancés et un travail de chronophage . L’indemnisation des élus , ensuite, constitue une condition nécessaire de l’ouverture de ces fonctions à d’autres couches sociales que les aristocrates et les grands-bourgeois , qui ont longtemps monopolisés .
En France, cette indemnisation a ainsi été instaurée - en toute discrétion - en 1789 pour les députés de l’Assemblée constituante contrains de siéger à Paris , pendant plusieurs semaines . Il faut attendre le suffrage universel en 1848 pour que l’indemnisation parlementaire soit clairement associée à l’ouverture du jeu politique aux classes populaires .
Il n’est d’ailleurs pas anodin que le second Empire et le régime de . Vichy suppriment temporairement , en 1852 et 1941, la réforme de 1906 . Obligés d’abandonner leur activité antérieure, ces élus issus de la petite et moyenne bourgeoisie, avaient alors intérêt crucial à ce relèvement pour préserver leur train de vie . Mais ces nouveaux entrepreneurs politiques doivent s’appuyer sur une conséquente de collaborateurs pour organiser leurs compagnes et leurs activités .
Ce n’est cependant qu’en 1953, que la rémunération de ces derniers commence à être prise en charge par le budget du parlement , et encore au départ pour le seul secrétariat . Il faut attendre 1975, pour que le bureau de l’Assemblée décide d’accorder aux députés les moyens de recruter des « collaborateurs de bon niveau pour l’aider dans son travail politique et législatif « . Cette population de plus de 3000 personnes dans les deux parlements constitue l’un de ces champs adventices (avec les collaborateurs des parties, des syndicalistes , communicants et fonctionnaires )où se forment et se recrutent les futurs élus .
Enfin, cette clôture du champ politique , offre désormais la possibilité de véritables carrières au détriment de l’entrée de « profanes », relève la montée des savoir-faire techniques , militants et relationnels nécessaires à l’exercice de telles fonctions .
CORRUPTION ET CLIENTELISME, DES PHENOMÈNES AMBIVALENTS !
Quel que soit sa vertu personnelle, le soupçon de corruption plane au-dessus de tout homme ou femme politique . Mais encore, le terme recouvre des phénomènes d’ordre divers . La récente affaire dite « emplois familiaux de François Fillon, a par exemple montré que certains arrangements entre amis ou (la famille !) peuvent enfreindre des normes morales mais non juridiques et réciproquement . C’est pourquoi, comme le montre le politiste Pierre Lascoumes , la corruption peut être définie d’au moins trois manière différentes :comme abus d’une fonction publique, comme une atteinte aux principes démocratiques et, enfin comme transaction entre acteurs publics ou privés . »Les dénonciateurs pessimistes » , l’envisagent eux, « comme importante grave » . Entre les deux, pôles , les « pragmatiques inquiets « , la réprouvent , tout en l’estimant mineure et « les réprobateurs réalistes « , la considèrent répandue , mais font preuve d’une certaine tolérance à son égard, l’envisagent comme « un moindre mal nécessaire « . Cette géométrie variable des jugements révèlent les tensions entre intérêts individuels et intérêts collectifs et intérêt général . « inhérentes à toute société organisée « , souligne Pierre Lascoumes .
En effet, au flou de la caractérisation des pratiques , semble donc répondre l’ambivalence de l’opinion . Certains chercheurs, proposent ainsi de parler de « complexe de la corruption « pour désigner « l’ensemble des pratiques d’usage (abusif, illégal et/ou illégitime ) d’une charge publique , profitant des avantages privés indus « . Ils distinguent sept formes élémentaires : la commission de rétribution d’un intermédiaire pour l’accès à une ressource publique , la gratification de remerciement après coup , le piston , la rétribution d’un service public , le tribut ou le péage sans contrepartie , le perruque ( usage privé pour un bien public )et le détournement d’un bien public .
Or ces pratiques se retrouvent à toutes les échelles et dans tous les endroits du monde . Le clientélisme , par exemple, est loin d’être l’apanage des seuls pays pauvres ou en développement , comme le laissent entendre certains esprits chagrins dont bon nombre d’experts et d’organisations internationales .
Par ailleurs, le rôle des machines dans la structuration de la démocratie étasunienne est bien documenté . Loin de se réduire à un simple « achat de voix » , son analyse révèle des rapports des élus /administrés moins asymétriques que l’on peut penser auparavant . En effet, dans une enquête sur Marseille, Cesare Mattina , montre que ces formes officieuses de redistribution « Font partie intégrante des modalités du gouvernement de la ville et de l’hégémonie politique concrètement exercée par les groupes sociaux , alliés entre eux et fédérés par le pouvoir politico-institutionnel « . Le problème principal est alors moins l’existence des pratiques clientélistes que le fait qu’elles renforcent la domination , mais de certains groupes sociaux sur d’autres . Dans la cité phocéenne , celle-ci axant ainsi clairement profité à certains individus , familles, et catégories aisées de la ville au détriment des classes populaires .
UNE CONFUSION CROISSANTE DE LA SPHÈRE PUBLIQUE & DE LA SPHÈRE PRIVÈE
A trop dénier la nécessité du financement de la vie politique, nous nous empêchons finalement de saisir les véritables facteurs de la « capture « des postes et des décisions publiques par certaines catégories d’acteurs de la vie politiques, à laquelle la professionnalisation de la politique devrait faire barrage. Selon Max Weber, semble ainsi particulièrement patente aux États-Unis . en 2012, pour la première fois, plus de la moitié des membres du Congrès américain étaient constituée de millionnaires ( 268 élus sur 364) . Mais surtout alors les quelques dépenses de campagnes électorales ne cessent d’exploser (6,6 milliards de dollars), en 2016 ... Les »fat cats donors » , donateurs particulièrement fortunés , jouent depuis plus d’un siècle un rôle décisif dans leur financement .
Le rôle des grandes firmes s’est accru considérablement , depuis 2010, avec un arrêt de la Cour suprême , levant toutes les barrières à leur intervention dans les campagnes et au nom de la liberté d’expression . En effet, l’influence de ces « généreux contributeurs « demeure moins directe qu’il n’y parait : elle se traduit surtout par l’introduction de dispositions dite « d’intérêts spéciaux « ajoutés anonymement aux propositions de lois par les parlementaires et souvent taillées pour les intérêts d’une firme particulière , qui met sous coupe l’intérêt public pas pour le distribuer , mais pour enrichir encore cette firme . Il faut citer également le « Political action comites « (PACS), organisation spécifiquement dédiées à la collecte des contributions financières , qui jouent un rôle non négligeable dans le financement des campagnes électorales, et/ce depuis les années 1970 . Or leurs fonds abondent de près de 90%, les candidats sortants , entravant ainsi le renouvellement des élus .
De ce point de vue, le contrôle le plus strict du financement contrepartie de subsides aux candidats et aux partis , qui existe en France , comme de nombreux autres pays européens , paraît salutaire au vu des affaires récurrents de détournement et d’abus sociaux qui ont émaillé la chronique judiciaire avant la mise en œuvre de l’affaire Urba ou les lycées franciliens, notamment .
Ce système favorise un clientélisme éhonté installé pour le remboursement des campagnes présidentielles à ceux qui n’ont pas atteint le quorum exigé par la loi (5% ( des suffrages , du parti socialiste , cette année .
Par ailleurs, l’influence du secteur privé sur le public va cependant plus loin , bien au de-là de la seule dimension financière . De nombreux travaux ont mis en évidence la pénétration de l’idéologie managériale dans les services de l’État . Cela s’est traduit dans un mouvement de réforme modèle sur la performance marchande , déployé avec le concours de consultants privés bien constitués .
Prolongeant ainsi la compétition économique par d’autres moyens . Ce lobbying correspondait d’avantage à un « vaste marché de représentants où les émissaires des firmes les plus acculturées abus logiques bureaucratiques tentent d’influencer dans leur sens qui leur est favorable à leurs normes édictées . Ce travail d’influence passe par la mise en forme des données scientifiques qui vient combler le déficit d’expertise interne des instances européennes ( Commission, parlement et Conseils de l’Union européenne ) et jouer de leurs désaccords . Selon Pierre France et Antoine Vauchez), c’est un véritable brouillage de la démarcation public-privé que nous assistons . Il se repère notamment à l’élargissement d’un champs du conseil privé au public et la banalisation d’un nouveau pantouflage vers le droit des affaires à la réorientation de l’État vers un rôle de régulateur des marchés économiques s’effectuant en alliance avec les principaux acteurs de ces dernier ou par la montée des partenariats public-privé (PPP) . Les lois actuelles de la transparence ou lutter contre les conflits d’intérêts apparaissent bien insuffisantes face à l’extension continue de cette zone grise où s’imbriquent intérêts privés et intérêts publics . Elle rappelle , selon les politistes , une véritable séparation entre État et marché .
PREMIÈRE CONCLUSION
A rebours de l’image dilettante éloigné de la vrai vie, l’étude de l’emploi du temps de l’élu relève à tous les échelons que l’activité politique est une vie par excès : dossiers de rendez-vous, de soucis de requêtes, de courriers , de repas , de déplacements …,écrit Rémi Lefèvre . Ce travail multiforme et continue dissout les frontières entre vie publique et vie privé , impliquant d’incessants arbitrages . Soirs et week-end sont souvent occupés par des cérémonies et de rencontres en tous genres. Ce qui peut expliquer que certains embauchent la famille ou des amis et jugent normal de percevoir des indemnité confortables . De même que nombre de parlementaires ne voient rien de scandaleux à bénéficier du système de retraite particulièrement avantageux . Ce qui trahit le fait qu’en dépit des dénégation, la politique est devenue bel et bien une carrière . Julien Boelaret , Sébastien Michon et Etienne Olion, ont ainsi mis en évidence l’allongement de la durée moyenne passée comme élu, collaborateur ou permanant d’un parti avant d’accéder à l’Assemblée nationale , entre 1978 et 2012 . Respectivement 12,1 et 18,7 ans . Ils ont aussi noté l’augmentation de la part des députés dont la politique ayant constitué l’activité principale ( de 1,9 à 16,4%) , entre ces mêmes dates . Cette tendance résulte à la fois technicisation la tâche , de l’intensification du capital politique qui constituaient autant de barrières à l’entrée des citoyens les plus dépourvues des ressources nécessaires « .
DEUXIEME PARTIE
LES PARADIS FISCAUX : ON EST PASSÈ DU BAS DE LAINE EN SUISSE A UNE VERITABLE ECONOMIE PARALLELE !
Le juge Renaud Van Rymebeke, du pôle financier de Paris , propose de créer un fichier de comptes bancaires centralisées pour identifier « l’argent caché . Spécialiste des affaires financières depuis quatre décennies , le magistrat observe qu’il y a certes eu quelques progrès dans les règlements internationaux , cependant l’opacité reste de mise . « On est dans une guerre du chat et de la souris , et la justice ayant toujours une guerre de retard « , déplore le magistrat .
LES PARADISE PAPERS …
Les « paradis fiscaux « désignent la nouvelle enquête menée par le Construit internationale des journalistes d’investigation ) ICIJ) et ses 96 médias partenaires , dont le Monde , soit 400 journalistes de 67 pays . Ces révélations s’appuient sur une fuite de documents initialement transmis en 2016 , au quotidien allemand Süddeitshe Zeitung , par une source anonyme .
Quant à nous, notre site internet www.dr-ben-abdallah.ch , avait publié , le 03/04/ 2010 un éditorial intitulé « Turpitudes financères « , dans lequel nous avons montré les turpitudes qui ont mené le monde au bord du gouffre avec le Krach de 2008 .
La dite enquête enfonce des portes ouvertes car les turpitudes financières sont entrées dans les mœurs des organismes financiers depuis de belles lurettes . Cependant, la déferlante de 13, 5 millions de documents nous ne semble pas exagéré . Il est de bon aloi, de citer quelques livres ** qui ont traité amplement le sujet .
Pour le juge Van Rumbeke remarque qu’il y a de plus en plus d’argent qui circule dans les places offshore . Ce qui est nouveau , ce sont les révélations de la presse qui montrent la face cachée du monde , elles ne peuvent que contribuer à assainir la situation . Les juges d’instruction cherchent , depuis des années les filières financières, mais dans les enquêtes individuelles . Ils essayent d’aller jusqu’au bout , ponctuellement , dans chaque dossier , mais la portée de leurs actes est forcément limitée par cette espèce d’opacité généralisée . Comment peut-on savoir que la personne qu’on poursuit a un compte à l’Île de Man ou à Singapour ?
Les banquiers ont certes l’obligation de se renseigner sur l’origine des fonds . Mais si le client a une société qui semble correcte et une bonne réputation, ils n’ont pas de raison de faire un signalement . Par contre , si un jour le nom de cette personne apparaît dans la presse , le banquier se renseigne et va le signaler à des organes tel que Tracfin (Traitement du Renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, , l’organisme du ministère des finances , chargé de la lutte contre le blanchiment ) et les informations vont nous revenir. Mais au coup par coup et toujours à posteriori . Et on sait que ça ne concerne qu’une infime partie des affaires .
BREF HISTORIQUE DES AFFAIRES DE BLANCHIMENT …
Historiquement, chaque pays, riche ou pauvre a eu ses petits paradis fiscaux . La France est entouré de Monaco, d’Andorre, de la Suisse, du Luxembourg, des Îles anglo-normandes . L’élite économique , voire politique , a toujours eu ses bas de laine . On est depuis passé à une économie mondialisée , ces places financières sont devenues internationales , comme Londres, le Delaware , aux États-Unis , le Caraïbes, le Panama, les Seychelles, et une kyrielle de nouvelles places qui ont émergé, notamment Singapour, Dubaï et le Liban . Avec des États qui coopèrent frileusement , on pense à Malte , le Liban ou Israël , nous rencontrons de vraies difficultés . Sans oublier Chypre, une place financière qui blanchit beaucoup d’argent russe et reste un des points noirs de l’Europe .
Si on peut dater depuis quand les premiers montages financiers existaient-ils ? la réponse est : Au moins, depuis les années 1980, mais les outils des trusts , les fondations et consort , existent depuis bien longtemps , on est passé d’une gestion pépère de père de famille , de bas de laine en Suisse, à une véritable économie parallèle . C’est tellement facile , avec Internet, de monter des structures offshore sans apparaître nulle part , que le phénomène est en pleine expansion . Les virements bancaires vont très vite et ne connaissent pas de frontières . C’est le côté noir de la mondialisation . Il existe une fraude organisé , une impunité assurée , grâce à des outils qui ne sont pas nouveaux : nous l’avions dénoncé avec quelques autres magistrats européens , en 1996, avec l’appel de Genève . Nous n’avons pas été entendus .
DES DIFFICULTES PERSISTANTES POUR DEMASQUER UN FRAUDEUR …
Normalement, celui qui dispose d’une fortune occulte ne va pas forcément la mettre à son nom . Même si la banque ne fournira le nom du bénéficiaire déclaré, qui peut être un homme de confiance . S’il ne parle pas , comment identifier le vrai bénéficiaire ? Il existe même des sociétés dont les titres sont au porteur .
Par ailleurs, dans des fraudes de dimension internationale , les sociétés-écrans sont mises en place . La justice identifiera le gérant de paille , celui qui a prêté ses papiers à un recruteur , moyennant un versement de quelques espèces , qui agit pour le compte d’un commanditaire . Mais pour démontrer l’écheveau des structures des sociétés-écrans , pour identifier l’organisateur de la fraude, il faudra au juge des années .
LA COOPERATION DE CERTAINS PAYS EST REELLE !
Depuis la levée du secret bancaire en Suisse, le Liechtenstein et d’autres pays coopèrent avec les autorités . La coopération judiciaire fonctionne parfaitement . Le juge peut y bloquer , 24 heures , un compte , dès lors qu’il l’a identifié . C’est une condition préalable . Souvent les banquiers se plaignent , ils disent que l’argent part ailleurs , à Singapour ou Hongkong . Pour leurs clients , ça ne change pas grand-chose . Leurs comptes restent gérés à distance par la même fiduciaire suisse . Si le juge demande à celle-ci les relevés de compte , elle répondra : » je serais ravie de coopérer , mais je ne peux pas , il faut l’accord préalable de Singapour ou de Hongkong ». Il faudra que le juge adresse une demande à Singapour ou à Hongkong, qui prendra des mois .
En effet, lorsque le bénéficiaire réel est à la tête de vingt ou trente comptes permettant à la fiduciaire de jongler avec l’argent , les enquêteurs ne vont rien comprendre . On est dans une guerre du chat et de la souris , et la justice a toujours une guerre de retard . Quant à la question de coopération avec le fisc, le magistrat note une réelle bonne volonté des deux côtés . mais quand un juge d’instruction obtient des informations de Suisse sur un détournement de fonds, il n’a pas le droit de les fournir aux impôts . Parce que la Suisse ne lui a pas transmises , que dans le cadre d’un dossier pénal . Si l’administration des impôts en a besoin, il faut qu’elle fasse une nouvelle demande , qui sera acceptée ou pas . Ces règles de procédure confortent l’opacité .
Le grand dilemme, reste la distinction entre l’évasion fiscale et la fraude fiscale . L’évasion fiscale est théoriquement légale . Or on a vu avec « LuxLeaks » que les grandes sociétés la pratiquaient au sein même de l’Europe . On peut le comprendre , elles ont la possibilité , en créant fictivement une structure dans tel ou tel pays , de payer moins d’impôts . En Europe, il faudrait uniformiser la fiscalité , pour éviter l’évasion fiscale .
En effet, pourquoi une multinationale travaillant en France ou en Allemagne s’interdirait-elle d’installer son siège au Luxembourg ou en Irlande ? L’Europe permet l’évasion fiscale . Il faudrait une vraie volonté politique pour lutter contre ces montages . Malheureusement , certains États défendent leurs propres intérêts et persistent dans leur refus de jouer la solidarité.
Quant à l’argent détenu par les trusts , des fondations, des sociétés offshore , on ne peut définitivement le qualifier à priori d’argent sale qui pourrait être poursuivi pénalement . Mais c’est de l’argent caché . Un jour , un avocat américain avait demandé : « Mais qu’est -ce-que vous avez contre les fondations du Liechtenstein ? Je lui ai répondu « rien , mais moi quand j’achète un bien , je l’achète à mon nom devant un notaire , pourquoi passer par une fondation de Lienshenstein ? » .Tout simplement pour ne pas apparaître . Et éviter que le notaire signale une opération suspecte . L’astuce des sociétés offshore permet d’échapper à tout contrôle , le bénéficiaire reste masqué .
Depuis cette année , nombre d’États ont pourtant accepté les échanges automatiques des données fiscales … Il s’agit d’un pas important qu’ont fait les Américains après le scandale de l’UBS , pour leurs ressortissants qui ne payent pas leurs impôts et avaient des avoirs dehors.
Ils ont imposé à toutes les banques implantées aux USA de communiquer les comptes détenus par des citoyens américains . Mais pourquoi l’Europe est-elle à la traîne ? Parce que certains pays européens ne veulent pas renoncer à leurs privilèges . Pourquoi trouve-t-on encore des places comme l’Île de Man ? Pour lutter contre la fraude, réglementer en France , en Allemagne ou en Italie est vain , car l’argent de la fraude circule en dehors des frontières .
LA VOLONTE POLITIQUE FAIT-ELLE DEFAUT ?
C’est le paradoxe . Il y a une volonté affichée de bien faire , mais aussi une incapacité à réguler la finance au niveau international . Le libéralisme s’impose dans le monde mais ne pose-t-il comme condition que tout le monde respecte les mêmes règles ? C’est loin d’être le cas , la loi de la jungle prévaut .
Les trust, par exemple, sont existants depuis longtemps , mais il faut l’actualiser , le rendre transparent . S’il vous permet de masquer votre fortune en dehors de tout contrôle, il n’est pas compatible avec le principe d’égalité devant la loi des impôts . En France, il existe un fichier national des comptes bancaires dissimilés , le FICOBA , où tous les comptes sont centralisés. Il faudrait que tous les pays opèrent cette centralisation des informations bancaires , en identifiant les bénéficiaires de l’ensemble des comptes .
Ce n’est pas porter atteinte au secret des affaires : par définition , ce type de fichier n’est pas accessible aux autorités publiques . Si des progrès ont été réalisés , visiblement, vu ce qui est révélé aujourd’hui, il reste du chemin à faire .
UNE LISTE IMPRESSIONNANTE DE FRAUDEURS PRESUMÈS !
Les premières révélations n’épargne personne : Têtes couronnées, (la reine Élisabeth II, l’entourage de Trump, le premier ministre canadien , Trudeau… Ce déballage concerne : 6,8 millions de documents internes du cabinet international d’avocats Appleby , basé aux Bermudes mais présent dans une dizaine de paradis fiscaux .
. 566 000 documents internes du cabinet Asaiaciti Trust, installé à Singapour.
. 6,2 millions de documents issus des registres confidentiels des sociétés de
- Dix-neuf paradis fiscaux :Antigua -et-Barbuda, Aruba, Bahamas, Barbade, ,Bermudes, Dominique, Grenade , Îles Caïman, Îles Cook, Îles Marshall, Labuan , Liban, Malte, Saint-Kitts et-Nevis , Sainte Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Samoa, Trinité-et-Tobago, Vanuatu .
Pour la première fois, des documents prouvent que la reine d’Angleterre, Élisabeth II, ayant détenu et détient encore des intérêts dans plusieurs fonds d’investissement dans les paradis fiscaux . L’une des plus grandes fortunes du monde , via la duché de Lancastre , a notamment effectué un investissement de 7,5 millions de livres (8,4 millions d’euros ) , en 2005 dans le Dover Street VI Cayman Fund LP, une structure des îles Caïmans, qui est allé nourrir un autre fonds américain qui lui-même investi dans des sociétés de capital-risque du monde entier . Le directeur financier du duché de Lancastre a assuré n’en avoir dégagé aucun avantage fiscal …Également gênant pour la couronne britannique : la participation du même duché de Lancastre dans la controversée société de Bright House, une chaîne de 270 magasins britanniques d’électroménager, accusés d’exploiter de milliers de familles pauvres et personnes vulnérables . L’entreprise qui a nié toujours ces accusations s’est distinguée pour avoir minimisé le montant de ses impôts en accordant un prêt important à un holding luxembourgeoise . La couronne assure ne pas être au courant de cette participation , réalisée au travers d’un fonds d’investissement – illustre l’opacité de fonctionnement de ces structures . Quoi qu’il en soit , ces révélations ne peuvent que relancer le débat sur le devoir de transparence de la famille royale .
Le scandale n’épargne pas non plus l’administration Trump et une kyrielle de ses secrétaires d’État, notamment son secrétaire au commerce soupçonné de conflit d’intérêts avec la Russie. Sans oublier l’entourage directe du chef de l’État avec leur galaxie de sociétés offshore .
Le scandale dépasse toutes les frontières , au Canada, l’un des plus proches conseillers du premier ministre Trudeau, qui a fait de la lutte contre les paradis fiscaux une de ses priorités. L’un de ses proches conseillers est impliqué dans une histoire de collecte de fonds . S. B. , qui l’a grandement aidé à remporter les élections législatives de 2015, en collectant plus de 27 millions de dollars (23,2 millions d’euros ), un record dans l’histoire du Parti libéral – lui-même impliqué dans un paradis fiscal . D’après les documents confidentiels « Paradise Papers « , S.B. « et sa société Claridge , se sont activement investis et impliqués dans une structure financière opaque des Îles Caïmans – le Colbert Trust – de 60 millions de dollars (52 millions d’euros ) , qui pourrait avoir soustrait aux caisses fédérales en impôts et impayés d’impôt .
COMMENT L’ARGENT RUSSE A ÉTÉ INVESTI DANS FACEBOOK ET TWITTER?
Le milliardaire russe Youri Miner a placé des fonds dans les médias sociaux américains grâce aux sociétés proche du Kremlin . Cette nouvelle enquête permet de lever le voile sur les mécanismes d’optimisation fiscale dont profitent les multinationales et les grandes fortunes internationales . Les documents montrent que la plus grosse banque de Russie , a fait passer discrètement 191 millions de dollars ans DST Global, fonds d’investissement contrôlé par le milliardaire . La somme a ensuite été utilisée pour acheter une importante participation dans Twitter en 2011 . Le président de VTB, André Kostin est un proche de Vladimir Poutine .
Les fichiers prouvent aussi qu’une filiale de groupe russe Gazprom , également entre les mains du pouvoirs russe, ayant investi des montants importants dans une société offshore qui a participé , avec DST, à un investissement dans Facebook . En effet, à peine un an à deux ans plus tard, M. Milner et ses partenaires ont réalisé de substantiels gains , en vendant leurs parts , peu après l’introduction en bourse de Facebook et Twitter . Respectivement en 2012 et 2013 .
LIENS AVEC POUTINE
Ces investissements restent cependant sensibles, car VTB et Gazprom ont tous les deux un passé controversé et des liens avec Vladimir Poutine et les officiels russes . En juillet 2014, Washington, a sanctionné VTB après l’invasion de la Crimée par la Russie . « D’un côté c’est une banque , de l’autre c’est un instrument du Kremlin explique S.A. , spécialiste du secteur bancaire russe « et ancien membre du conseil d’administration de la banque dans les années 1980 . » Quoi que veuille le Kremlin, VTB est prêt à le faire « .
CONCLUSION
Après l’acceptation de nombreux États, le principe d’échanges automatiques des données, suite au scandale de l’UBS, les Américains ont fait un grand pas en avant .Ils ont imposé à toutes les banques implantées aux USA de communiquer les comptes détenus par des citoyens américains . Pourquoi l’Europe est à la traîne ? Pour lutter contre la grande fraude, réglementer en France, en Allemagne ou en Italie reste vain, car l’argent de la fraude circule en dehors des frontières de l’Union !
On peut se demander si la volonté fait défaut ? C’est le paradoxe. Il y a une volonté affichée de bien nettoyer le système de ses incohérences en régulant la finance . Cependant, il faut choisir entre un libéralisme responsable ou un libéralisme inconscient où la loi de la jungle règne en maître absolu !
- Le Savent et la politique -1919- téléchargement libre
**Favoritisme & corruption et favoritisme à la française -Petits arrangements avec la probité .- Presse & sciences 2010 .
REFERENCES :
- ALTERNATIVES ECONOMIQUES No 373 Novembre 2017
- LA FACE CACHEE DES BANQUES - EDITONS PLON – GLM -RESERVE AU CLUB -Octobre 2009
- LE CAPITALISME HORS LA LOI – EDITIONS ALBIN MICHEL – POUR LE CLUB -dépôt légal – septembre 2011
DR Mohamed BEN ABDALLAH ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB ;
AUTEUR DE « L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB
ENTRE LE POSSIBLE & LE REALISABLE « ;
EDITÈ PAR NOTRE SITE www.dr-ben-abdallah.ch
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EDITORIALISTE-REDACTEUR EN CHEF DU SITE
RESIDENT SIS - 1202 GENEVE – CH
07/12/2017