
EDITORIAL ECONOMIQUE
LA BANQUE CENTRALE EUROPEENNE S’APPRÊTE À INJECTER 1'140 MILLIARDS D’EUROS DANS LA FINANCE EUROPEENNE EN RACHETANT LES DETTES …
PREMIERE PARTIE
M. Mario Draghi, gouverneur de la Banque Centrale européenne, depuis quelques années ayant annoncé jeudi , 22 janvier 2015, que la BCE s’apprête à racheter une grande partie de la dette européenne pour un montant de 1'140 milliards d’euros . Il s’agit d’une petite révolution dans le monde des banquiers centraux . En effet, après des semaines d’espoirs et de rumeurs sur le sujet , la Banque Centrale Européenne (BCE) ayant dévoilé les contours de son arme fatale « bazoka monétaire « , anti-inflation : le programme d’assouplissement quantitatif « , ou « quantitative easing « , en anglais . «QE » . Beaucoup, en effet, ne s’attendaient pas à une annonce d’une telle ampleur ! A Davos, les leaders mondiaux trépignaient en scrutant leurs « smart –phones « . Un vent de panique soufflait en rafale , en attendant la curée annoncée . Les plates-formes du site internet de la BCE a été bloqué quelques instants . « Netfix devrait faire payer 9,99 dollars pour une retransmission correcte de la BCE « .
Par ailleurs, Mario Draghi, c’est l’homme qui, avec une seule déclaration durant l’été 2012, « Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro « . Il avait réussi à enrayer partiellement la crise économique mondiale . Ces faits et gestes sont scrutés , analysés, décortiqués et interprétés par une kyrielle d’économistes, analystes financiers et autres banquiers centraux . Alors quand on attend de lui qu’il présente « La mesure pour sauver la zone euro et surtout rassurer une Europe qui courbe l’échine et marche à la baguette de l’Allemagne fulminant contre ces Latins plus cigales que fourmis « .
En résumé, La BCE avait officiellement jeudi dernier, un « quantitative easing « , en bon français , il s’agit d’une injection massive de milliards d’euros dans la machine financière européenne .
Une manœuvre qualifiée de » non conventionnelle « dans le jargon des banquiers centraux , comme la mise en place des taux plancher de la Banque Nationale Suisse (BNS) , en septembre 2011. Abandonné, il y a quelques jours ! Cependant, il est de bon aloi de se demander , comment le président de la BCE va créer des centaine de milliards d’euros ? Le tour de force de M. Draghi consiste à brouiller les cartes avec un poker menteur . Même si l’on connaissait la manœuvre, aucune idée des montants mis en jeu ! De quoi créer un « quantitative easing « (…) « La titrisation de la dette « ! Malgré le flou artistique qui entoure cette opération les marchés financier ont bien accueilli cette annonce : les indices des bourses européennes ont grimpé d’un peu plus de 1% en milieu d’après-midi . Et les taux d’emprunt de la France, de l’Espagne et de l’Italie ont atteint les plus hauts niveaux , après les propos de M. Mario Draghi .
QUE VA FAIRE LA BANQUE CENTRALE EUROPEENNE ? *
A partir du mois de mars, la BCE va racheter les titres de dettes aux institutions financières de la zone euro principalement auprès des banques . L’institut financière achètera via les banques centrales , des obligations souveraines (emprunts des Etats ), des titres privés (obligations sécurisées d’institutions financières) et des titres d’agences européennes . Le montant de 60 milliards d’euros par mois, au moins jusqu’en septembre 2016, soit plus de 1'000 milliards d’euros au total . C’est plus de ce qu’attendaient les analystes , qui misaient sur 500 à 750 milliards d’euros . La BCE se garde la liberté de poursuivre les achats tant que l’inflation ne se redresse pas suffisamment . Les obligations des pays sous programme d’assistance de la Troïka ( Fonds monétaire international , Commission et Union européennes), comme la Grèce, seront soumis à des critères supplémentaires .
QUEL EST L’OBJECTIF DES RACHATS DE DETTES ?
Si les modalités de son plan un peu trop technique , l’objectif de Mario Draghi, le président de la BCE, est simple : Il s’agit de lutter contre les pressions déflationnistes à l’œuvre dans l’union monétaire et de relancer la croissance . En décembre les prix ont , en effet, reculé de 0,2 % dans la zone euro , bien loin de l’objectif d’une hausse de 2%, fixé par son mandat . « La BCE n’avait pas le choix . Elle devait faire quelque chose « , commente Ch. D. Economiste de chez Saxo Banque .
COMMENT MARIO DRAGHI A-T-IL REPONDU AUX PREVENTIONS ALLEMANDES ?
La bataille avec les Allemands n’a pas été facile . Ces dernières semaines , opposants et supporters du QE se sont ainsi livrés à une guerre de mots dans la presse allemande . Juste avant de la conférence de Mario Draghi, jeudi, la chancelière allemande , A. M. , qui était au Forum économique mondial de Davos , a encore tenu à rappeler que les décisions de la BCE ne devaient pas « faire dévier du chemin des réformes « dans les pays européens . Si Mario Draghi, a donc fini par l’emporter , il a toutefois pris soin de placer des garde-fous de nature à rassurer Berlin . Les Allemands sont , en effet, très réticents aux rachats de dettes publiques , les jugements sont non seulement inefficaces , mais surtout dangereux . Ils redoutent en effet, que cela incite les Etats les moins sérieux à renoncer à la discipline budgétaire , puisqu’ils auront la garantie Que la BCE achètera leurs obligations, quoi qu’il arrive .
Par conséquent, les achats de titres publics seront réalisés sur la base de la participation des banques centrales nationales au capital de la BCE , où l’Allemagne et la France arrivent en tête . Ces achats ne favoriseront pas outre mesure les pays du sud de la zone euro face aux autres , comme le craignaient les Allemands . Plus de 20% seulement des titres seront soumis à un partage des risques . Une mesure plus symbolique qu’autre chose . « Je dois dire que je suis surpris que ce point ait pris autant d’importance aujourd’hui , il ne devrait pas « , avait d’ailleurs balayé Mario Draghi. La décision de lancer, jeudi un programme de rachats massifs de dette publique et privée a été prise « à une large majorité « , ayant précisé le président de la BCE.
QUELS SONT LES EFFETS ATTENDUS DE CES MESURES SUR L’ECONOMIE ?
En théorie, le QE peut avoir plusieurs effets sur l’économie réelle : - le premier effet est psychologique . En effet, en montrant qu’elle a pris le taureau par les cornes, la BCE espère influencer les anticipations des marchés en matière d’inflation et de croissance Si les financiers et plus largement, l’ensemble des agents économiques ne croient pas au scénario déflationniste , en grande partie auto-réalisateur , celui-ci a moins de chance de se produire .
- Deuxièmement, en rachetant des titres souverains, la BCE, entend également assurer les coûts de financement bas aux Etats , et /ce pour longtemps . Ces titres rachetés par la BCE deviendront du même coup moins attractifs pour le reste des investisseurs , ce qui seront alors poussés à se tourner vers les actifs financiers plus rentables, comme les obligations d’entreprises.
Et si cela fonctionne au démarrage de l’activité, Super Mario emportera la mise ! En effet, Mario Draghi a donc fini par l’emporter, il a toutefois pris soin de placer des garde-fous de nature à rassurer Berlin .
- Enfin, en augmentant la quantité de monnaie en circulation « faire tourner la planche à billet), la Banque Centrale européenne (BCE) poussera le cours de l’euro à la baisse face aux autres devises , en particulier le dollars . De quoi donner un petit coup de pouce aux exportations européennes . En la matière, les entreprises françaises et italiennes, dont les produits moyens de gamme sont très sensibles au prix, devraient être les premières à en profiter .
Avec une nuance, tout de même :les marchés ayant largement anticipé le QE, la devise européenne a déjà reculé à plus de 10% face au billet vert (dollar), depuis l’été 2014 .
LES MESURES DE LA BCE PEUVENT -ELLES FAIRE REPARTIR LA CROISSANCE ?
Si les analystes soulignent qu’il est important , face au recul des prix que la BCE déploie cette nouvelle arme , ils sont en revanche très partagés sur sont efficacité . Aux Etats-Unis et Royaume- uni où ce type de programme de rachats de dettes avait été utilisé entre 2008 et 2014, cela avait soutenu la reprise . Au Japon, où la banque centrale l’avait lancé en 2013, son impact , en revanche, était incertain . Fin 2014, l’archipel est même retombé en récession .
Le plan d’investissement Junker et la plus grande flexibilité budgétaire que la Commission européenne ayant décidé d’accorder au Etats un vrai plus . Cependant, il faudra , tout de même des mois , probablement des années, avant que la zone euro ne retrouve un niveau d’activité similaire à celui d’avant la las crise . « Le QE peut booster les marchés financiers , mais il ne réparera pas les faiblesses des banques , et ne se substituera pas aux réformes structurelles nécessaires ni au plan de relance par l’investissement « , résument les analystes de RBS .
QUEL SERA L’IMPACT DE L’ACTION DE LA BCE AU QUOTIDIEN POUR LES MENAGES EUROPEENS ?
Dans tous les cas, le programme de rachat des dettes publiques annoncé par la BCE , n’aura pas d’impact direct et immédiat sur la vie des Européens , notamment les Français . Les effets ne seront ressentis qu’à moyen terme . À condition : si le plan fonctionne et atteint ses objectifs . Et surtout tenir compte de la réticence allemande . En effet, Berlin ne partage pas le diagnostic alarmiste de la BCE sur la situation dans la zone euro .
« La BCE ne doit pas nous faire dévier du chemin des réformes « avait martelé Angela Markel , à Davos , au moment où Mario Draghi présentait son plan de rachat de titres d’Etats de soixante milliards d’euros par mois . Auparavant, la Chancelière avait rappelé le principe d’indépendance de la Banque Centrale européenne (…) De fait, ni la chancelière ni son ministre de finance, W. Sch. , ne sont intervenus dans le virulent débat qui a secoué les milieux d’affaires et la presse allemande , en amont de la décision . Selon les estimation du « Tagesspiegel « , les deux représentants de l’Allemagne au conseil de la BCE, Jens W. et Sabine L. , faisaient partie des 7 « Faucons » , ayant voté contre le plan Draghi, face à 6 « neutres » et 12 votes pour , venant des « colombes », Les Allemands doutent en effet, du timing et de l’efficacité des mesures adoptées.
La question du timing préoccupait les observateurs ces derniers jours . « La BCE soutient le candidat de la gauche radicale Alexis T. « , titrait ainsi le « Frankfitter Allemein Zeitung , mercredi, estimant que cette décision annoncée , trois jours avant les élections grecques , encourageaient les mauvais élèves « de la zone euro . A Berlin, tous les camps politiques confondus, on crains en effet, le rachat des titres d’Etats par la BCE ne lève la pression sur les Etats du Sud de la zone euro, notamment , la France et l’Italie , pour qu’ils se réforment afin de relancer la compétitivité . Au delà, les Allemands ne croient pas au scénario de la déflation décrit par la BCE .
Certes, les prix ont diminués de 0,2% dans la zone euro, en 2014, en moyenne, mais cette baisse , tirée par la seule diminution du prix du pétrole , n’a rien à voir , avec une inflation négative .argumente-t-on à Berlin . Pondérés par l’effet pétrole ,les prix auraient même augmenté de 0,8% , l’an passé dans la zone euro . Dans ce contexte, le rachat des titres d’Etats ne pourra relancer ni la machine économique , ni l’inflation , selon Jens Veidmann , grand défenseur de la tradition allemande , en matière de politique monétaire, qui a pour objectif une monnaie forte, la stabilité monétaire , la non intervention pour secourir les Etas en difficulté et l’indépendance de la Banque centrale.
INTERPRETATIONS DIVERGENTES
Mais ces critiques ne sont pas unanimement partagées . L’Institut DIW estime, dans la « Handelblasatt » que les craintes de voir le programme nuire au contribuable sont en grande partie injustifiées . L’Analyste S. B, de Natixisix , estime qu’au final , les Allemands sont gagnants dans l’affaire . Ce qui est été annoncé est une victoire de Jens Viedmann parce qu’on a très peu de partage de risque . La plus grosse surprise de la décision de jeudi est que le partage du risque portera seulement 20% du programme réalisé .
DETTE GRECQUE, UN DEBUT DE BRAS DE FER **
Face à l’écrasante victoire de la gauche grecque , l’Europe affiche superbement sa volonté de ne pas céder aux exigences des Grecs : effacer la dette, c’est non. Discuter c’est possible ! En effet, tous les regards sont tournés vers les premiers pas du nouveau gouvernement grec en formation . La liste des promesses électorales est longue : le retour au salaire minimum à 751 euros , le rétablissement du 13ème mois pour les retraités recevant moins de 700 euros par mois, exemption d’impôts pour les salaires annuels de moins de 12'000 euros , garantie de dépôts dans les banques, imposition des grandes fortunes et surtout la renégociation du remboursement de la dette extérieure .
Autant dire que la mission du nouveau premier ministre, M. Alexis Tsipras , qui a prêté serment , lundi comme premier ministre ne s’annonce pas facile . Son pays en crise depuis 2008, avait bénéficié de deux programmes d’aide pour un montant de 270 milliards d’euros , soit six fois et demi son Produit National Brut (PNB) qui avoisine les 43 milliards d’euros . Autant dire, qu’il s’agit d’une goutte d’eau dans l’océan de la dette grecque qui s’élève aujourd’hui à 318 milliards d’euros , soit 175% du Produit Intérieur Brut (PIB). Très loin de la limite de 60%, imposée par le pacte de stabilité ou même de la moyenne européenne à 90% .
Le message du premier ministre M. Alexis Tsipras est simple . Les deux programmes ont certes commencé à donner quelques résultats . Le pays devrait, après cinq ans de récession renouer avec la croissance en 2015 . Mais pour les Grecs contraints à se serrer la ceinture, le bout du tunnel n’est toujours pas visible . Le taux de chômage s’élève à 27% , tandis que celui des jeunes dépasse allègrement les 50% . Les programmes de la troïka sont arrivés à échéance en décembre , mais ont été prolongés jusqu’en février . En effet, la victoire de Syrzia représente clairement un désaveu pour la troïka . Dans un message laconique , lundi, par le porte-parole , de la Commission européenne , qui avait pris partie le gouvernement sortant , ayant déclaré qu’elle respectait les résultats des urnes et était prête à travailler avec les nouvelles autorités grecques . Du côté de la BCE, le message est tout aussi sec « Nous n’accepterons pas une restructuration des titres grecs ; le nouveau pouvoir grecque doit payer les dettes et ne pas agir de manière unilatérale « , avait déclaré lundi, Benoît Coeuré , membre du directoire . En attendant la stratégie que va déployer le nouveau pouvoir, plusieurs Etats européens , se disent prêts à lui donner une chance . A commencer par les pays du sud de l’Europe ( Italie, Espagne, Portugal, et France) . Qui sont également enfermés dans le piège de la dette .
DEUXIEME PARTIE
L’Allemagne CRAINT UNE CONTAGION
Berlin craignait que la victoire Syrzia en Grèce ne remette en cause les politiques de rigueur au sein de la zone euro . En effet, Angela Merkel n’a montré aucun empressement à « féliciter « Alexis Tsipras : s’en tenant à la « tradition « , elle ne lui enverra de télégramme qu’une fois , il aura été officiellement nommé premier ministre » . Chose faite depuis quelques jours . M. Tsipras , s’en passera des félicitations de la Madonna de la rigueur ! En effet, en votant Tsipras, , les Grecs ont voté contre Merkel, et contre la rigueur , estime le Spiegel . Dimanche, ni la CDU ni le SPD n’avaient jugé bon de réagir au vote grec . Seul Jens Veidmann, le président de la Bundesbank, avait pris la parole pour l’Allemagne officielle , demandant à Syriza de « ne pas faire de promesses illusoires « à ses concitoyens .
Lundi matin, le SPD assurait que l’Allemagne « était prête à travailler avec n’importe quel gouvernement élu démocratiquement . A condition que soit respectée la fidélité aux traités déjà signés par la Grèce vis-à-vis de ses partenaires de la zone euro « .
UN TRAITE EST UN TRAITE !
« La zone euro n’est pas un tripot dans lequel chacun pourrait jouer comme il veut . Un traité est un traité « , s’indigne hier, le quotidien populaire « Bild Zeitung « , rappelant que l’Europe a « respecté ses engagements depuis 2010 » , en accordant 200 milliards d’euros à la Grèce . Par ailleurs, selon le quotidien « Süd deutshe Zeitung « , Berlin n’a pas attendu le scrutin de dimanche pour négocier avec l’entourage d’Alexis Tsipras : le social-démocrate Jörg Asmussen a déjà entamé d’officieux entretiens avec Syriza au cours des dernières semaines pour préparer le terrain , assure le quotidien de centre gauche . Les relations avec Athènes et Berlin s’annoncent en effet houleuses . Dans un premier temps , Berlin cherchera à dresser la liste des points de négociation possibles avec la nouvelle équipe grecque . Une troisième réduction de la dette d’Athènes et Berlin envisageable , tant pour le CDU que pour le SPD. « Entre Merkel et Tsipars, il va y avoir une partie de poker passionnante « , estime Julian Rappold, chercheur à l’institut de politique étrangère DGAP . Au delà de la Grèce , l’Allemagne craint une contagion du rejet de l’austérité à d’autres pays en difficulté , comme l’Espagne avec le nouveau parti gauche radicale Podemos .
POUR UN « PRINTEMPS ROUGE « !
Cependant, même en République fédérale, le succès d’Alexis Tsipras pourrait réveiller les attentes d’une partie de la gauche . Hier, la présidente du parti néo-communiste allemand, Die Linke, Katja Kipping, appelait à un « Printemps rouge européen « , tandis que la confédération syndicale DGB, réclamait un changement radical de cap de la politique en Europe . « Il faut mettre fin aux programmes d’austérité , qui sont en premier lieu, portés par la couche la plus modeste et une partie de la classe moyenne en Grèce comme ailleurs qui ont mené à des conditions scandaleuses » . Estime le chef du DGB, Reiner Hoffmann .
Dans un manifeste électoral, Syriza a également proposé la tenue d’une conférence internationale sur la crise de la dette sur le modèle de celle qui avait eu lieu en 1953, dans le but d’aider l’Allemagne ruinée à la sortie de la seconde guerre mondiale. La directrice du FMI, Christine Lagarde, s’est dite partante . Selon Grégory Clayes , chercheur à l’Institut Bruegel , centre d’analyses politiques et économiques à Bruxelles , le dirigeant de Syriza souhaite consacrer 2% du PIB par an au remboursement de la dette , contre 4,3% actuellement . « C’est objectif réaliste et nécessaire , tant pour la Grèce, que l’Espagne , le Portugal ou encore l’Italie qui déboursent près de 5% de leur PIB, rien que pour payer les intérêts « , dit-il . Un tel niveau d’endettement n’est soutenable ni pour les Etats débiteurs , ni pour les créanciers . Il estime que l’initiative grecque est jugée crédible , du fait que Syriza ayant affirmé son appartenance à l’Union européenne et à la monnaie unique .
BERLIN JOUE LA DISCRETION APRES LA VICTOIRE DE SYRISA
S’il ne fallait qu’une preuve de l’embarras de Berlin après la victoire de la Syrizia en Grèce , le communiqué publié par Angela Merkel l’apporterait . D’habitude très prompte à féliciter ses homologues , la chancelière allemande a cette fois attendu mardi matin à 11 heures , pour publier un communiqué qui tient en quelques lignes : « Très honoré monsieur le premier ministre , je vous félicite pour votre nomination comme premier ministre de la République Grecque . Vous prenez vos fonctions dans une période difficile et faites face à une grande responsabilité . J’espère que la collaboration avec vous permettra de consolider et d’approfondir la traditionnelle et profonde amitié qui lie nos deux peuples . Je vous souhaite beaucoup de force et de succès dans votre fonction de premier ministre . Sincères salutations « .
La différence de ton avec le communiqué de l’Elysée est frappante . Dès lundi, le président de la République a d’ailleurs invité le vainqueur des élections de dimanche, Alexis Tsipras, à Paris, ce que n’a pas fait Angela Merkel . Sans doute pour des raisons en partie tactiques . En effet, lundi, son porte-parole, Steffen Seibert , avait rappelé qu’il ne s’agissait, en aucun cas, d’une confrontation entre l’Allemagne et la Grèce , mais d’une discussion qui va concerner l’ensemble des Etats européens . Il est clair, que l’Allemagne ne souhaite pas se mettre en première ligne dans les semaines à venir , mais va chercher à peser sur l’attitude des autres européens .
L’INTERVENTION D’UN VIEUX ROUTIER DE LA POLITIQUE …
Par ailleurs, la Grèce sera évidemment au menu ses discussions que la chancelière a eu , ce mercredi avec le polonais Donald Tusk, nouveau président du Conseil européen , et avec François Hollande , et Martin Schulz, président (social-démocrate ) du parlement européen . Le rôle de ce dernier sera intéressant tant le parti social-démocrate semble également effarouché par ce qui se passe en Grèce . « Celui-ci n’accorde pas à Syriza le crédit politique que lui accorde le Parti socialiste « , analyse Ernest Hillebrand, responsable des questions européennes à la fondation Fredrich Ebert . Seul espoir de la coalition au pouvoir à Berlin : « Qu’Alexis Tsipras oublie une partie de ses promesses électorales et se montre plus conciliant « . « Son élection n’est pas une surprise et malgré les apparences, c’est déjà un vieux routier de la politique. On espère qu’il se montre réaliste », résume M. Hiellebrand .
C’est aussi ce que espère une partie de la presse . Mardi, la « Süddetsche Zeitung « se voulait optimiste . « Si les Grecs , avec Tsipras , balaient la corruption , ne créent plus d’emplois de complaisance dans l’administration et imposent réellement les plus riches, alors les Allemands , avec Merkel , doivent faire des concessions sur les taux d’intérêts , le rééchelonnement de la dette et les investissements « . C’est dans l’intérêt de tous . D’ailleurs, pour le quotidien de centre-gauche, l’enjeu est en partie symbolique . » Les rééchelonnement de la dette que Tsipras présente depuis des mois comme le remède miracle aiderait en réalité bien peu la Grèce . Comme les pays de la zone euro ont déjà prolongé sur trente ans et plus le remboursement des crédits accordés à Athènes , le gouvernement grec n’a aucun euro à rembourser avant 2020. Seuls les intérêts tombent « , fait valoir le journal .
UN PARLEMENT DEMOCRATIQUEMENT ELU
C’est ce que pense le quotidien berlinois de gauche le « Tageszeitung « . Pour celui-ci, cette victoire historique est considérée comme « une chance que la Grèce se débarrasse de décennies de corruption et de népotisme, dont la nouvelle démocratie et le Pasok étaient inséparables « . Néanmoins , le journal met en valeur les dangers auxquels la Syriza est confrontée : « Avec sa rhétorique de campagne, elle produit des espoirs insatiables « et des ennemis dangereux . Or elle n’échappera pas à des négociations avec les bailleurs de fonds . En conclusion de son analyse , la « TAZ » avertit ceux qui pourraient contester l’arrivée de la gauche radicale au pouvoir en Grèce : « La Grèce a élu démocratiquement son parlement .
Le résultat obtenu et digne de respect sinon, l’appareil de la démocratie sera mis en danger – et pas seulement à Athènes . » . C’est donc la démocratie qui prévaut : il convient de respecter le choix électoral du peuple grecs et ne pas le prendre à la légère . La F. A. Zeitung », quotidien conservateur , explique en quoi est « inconcevable que les Grecs annulent leurs dettes immédiatement « , rappelant que la zone euro veut éviter de créer un précédent . Le journal de Frankfurt nie que les Grecs soient submergés par une dette élevée .« Alexis Tsipras a affirmé que la dette publique , atteigne 180% du PIB, étouffe l’économie grecque .Celui-ci est , viable, au moins à terme « . Et explique doctement que les prêts accordés à la Grèce ont des termes éloignés dans le temps et surtout » inférieurs à la moyenne à ce que l’Allemagne paie pour sa dette publique « . Des « Concessions minimes mais répétées de la part des autres pays » pourraient selon la » FAZ « , permettra à Syriza de conquérir les Grecs sur d’autres terrains plus douloureux « Mais ça reste un espoir , selon le journal , qui estime que de toute façon les réformes promises par Tsipras ne seront pas réalisables par manque de ressources !
DES REFORMES PLUS FACILES A METTRE EN PLACE
« D’un point de vue économique » Grexit « ne serait plus aussi risqué qu’il était considéré , il y a quelques années , à cause des plans « de sauvetage et des actions de la Banque Centrale » . A la question que signifierait un « Grexit » ? A savoir une sortie de la Grèce de la zone euro , le quotidien résume sans ambages qu’il en coûterait beaucoup d’argent, au contribuable Allemand . C’est sans surprise que le quotidien » Bild « mettait en avant ce sujet . Mardi, celui-ci titrait sous une photo d’Alexis Tsipras : » ses promesses nous coûteraient 20 milliards d’euros « . Cette somme résulte de l’évaluation des promesses de campagne effectué par l’Institut pour l’économie mondiale de Kiel . La Syzira évalue son programme à 12 milliards d’euros … Par ailleurs, le bras de fer entre le gouvernement grec, dominé par le parti Syriza et l’Union européenne (UE) a d’ores et déjà commencé .
En effet, le président de l’euro-groupe (le club de ministres de Finances des pays ayant adoptés la monnaie unique ) s’est rendu à Athènes vendredi et mis les nouveaux dirigeants en garde contre le non-respect des accords passés entre la Grèce et ses partenaires européens . « Ignorer les engagements n’est pas le bon chemin à prendre « , a-t-il dit à l’adresse du ministre grec des finances, Yanis Vaourakis . La réplique de ce dernier ne s’était pas fait attendre : »La Grèce veut bien dialoguer avec l’Europe , mais pas avec le Comité branlant de la troïka (Commission , Banque centrale et Fond monétaire international ). Nous avons une volonté absolue de coopérer avec nos partenaires et de les convaincre qu’il est de leur intérêt de nous tous de négocier un nouvel accord .
Un tête-à-tête entre le premier ministre , Alexis Tsipras , et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker , est prévu la semaine prochaine à Bruxelles . Le Luxembourgeois a toutefois rejeté toute annulation de la dette . Arguant du fait que les autres pays n’accepteront pas ! Le ton est également monté du côté grec . Dans une interview accordée au New-York Times, le ministre Yanis Varoufakis, a ouvertement critiqué la troïka , qui doit encore verser une dernière tranche de 7 milliards d’euros à la Grèce . « Les 7 milliards nous n’en voulons pas », a-t-il dit . Ce que nous voulons , c’est repenser toute la collaboration .
Le ministre des finances entend défendre sa position la semaine prochaine à Paris, à Londres et à Rome . Il bénéfice déjà du soutien de son homologue français . « Annuler la dette grecque , non « . En discuter pour alléger , oui . Avait assuré son homologue français mardi à Bruxelles .
CONCLUSION
Selon toute vraisemblance , le plan du gouverneur de la BCE ne suffira pas à redresser l’économie européenne sinistrée par la crise des sub-prime et aggravé par la rigidité de la Banque Centrale européenne (BCE), dirigée par un monétariste pur jus , et ancien de Goldmann Sachs, loin de l’école » Keynizienne « qui favorise l’emploi et l’investissement à faire de l’argent pour l’argent . Cette école d’Adams Smith et Riccardo qui avait généré la crise de 1929, suivirent des années sombres aux Etats-Unis et en Europe .
Les lois préservant les salariés et les petits actionnaires ont été balayés par les réformes d’un ancien président des Etats-Unis . La crise des sub-primes , n’est que l’arbre qui cache la forêt . Les gesticulations du gouverneur de la BCE sont, non seulement inutiles mais dangereuses pour l’économie mondiale au bord de l’étranglement . D’autres solutions son possibles, si la raison l’emporte .
Quant au peuple grec, que nous félicitons de sa victoire électorale de dimanche dernier, il a montré que la volonté populaire peut déplacer les montagnes . L’Union européenne est obligée de s’asseoir à la table des négociations , tout en oubliant sa suffisance et son arrogance habituelles .
* Notre éditorial « Dette souveraine « du 1er septembre 2011 ;
paru sur notre site www.dr-ben-abdallah.ch
** « Dette grecque ,le début du bras de fer « paru sur « LE TEMPS » du 27/01/2015 »;
DR MOHAMED BEN ABDALLAH ;
DR OF BUSINESS ADMINISTRATION ;
SPECIALISTE EN MACRO-ECONOMIE DU MAGHREB;
AUTEUR DE « L’INTEGRATION ECONOMIQUE DU MAGHREB ENTRE LE
POSSIBLE & LE REALISABLE ; VISIBLE SUR NOTRE SITE
www.dr-ben-abdallah.ch
DEPUIS LE 1er Mars 2009 ;
&
EDITORIALISTE, REDACTEUR EN CHEF ;
DU SITE
www.dr-ben-abdallah.ch
DEMEURANT SIS 1202 GENEVE II
05/02/2015